Binetou Sylla : « Je suis une passionnée et une militante des cultures africaines »
Depuis le rappel à Dieu de son pére Ibrahima Sylla en décembre 2013 à Paris, Binetou Sylla, est le nouveau visage du label Syllart Records. Ce label détient l'un des plus vastes catalogues des musiques africaines de l'industrie musicale. Binetou, aidée par sa mére, entend continuer l'oeuvre de son pére, qui a découvert et lancé presque tous les grands noms de la musique africaine d'aujourd'hui. Entretien :
Bonjour Binetou, vous êtes la fille du regretté Ibrahima Sylla, fondateur du label Syllart. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à votre sujet ?
Bonjour, je suis née en région parisienne, grandis en France, ma mère est malienne mon père sénégalais d’origine guinéenne. J’ai grandis dans un enrionnnement culturel africain divers et riche. Des musiciens, des gens de cultures, des intellectuels, des gens issus de milieux populaires. Beaucoup de personnes de toute la diaspora africaine fréquentait la maison.
Et j’ai eu la chance d’avoir des parents qui aimaient les voyages, j’ai donc aussi beaucoup voyagé. Je suis l'ainée d’une fratrie de 5 enfants. Je suis moi meme titulaire d’un master 2 en Histoire de l’Afrique obtenu à la Sorbonne, je souhaitais me destiner à un doctorat d’Histoire puis au métier d’Historienne mais le destin en a décidé autrement. Puisque que depuis près de deux, je suis CEO de Syllart Records, le label de musiques africaines et afro-latines fondé en 1981 par feu mon père Ibrahima Sory Sylla
Vous êtes née à Paris, votre mère est d’origine malienne, et votre père, était d’origine sénégalaise. Vous-même, connaissez-vous l’Afrique ?
Ma mère est malienne et mon père était sénégalais d’origine guinéenne par son père et malienne par sa mère ! Oui, quand à moi je connais très bien l’Afrique de l’Ouest. Depuis ma tendre enfance, j’y vais au moins une fois par an. Je connais très bien le Sénégal, le Mali, la Cote d’Ivoire, le Togo, la Guinée mes séjours d’enfances et en famille se faisait dans ces 5 pays. Par la suite j’ai eu la chance de connaitre Le Bénin, Le Burkina, le Ghana, bref l’Afrique de l’Ouest je connais très bien. Actuellement, tous les 3/4 mois j’y vais.
On imagine facilement que, chez vous, la musique vous accompagniez au quotidien, que vous côtoyiez de grands noms de la musique africaine, vous n’avez jamais été tentée de devenir chanteuse ?
Oui, je suis née et j’ai grandis dans un milieu d’artistes. Mon père étant un grand producteur et il avait des relations fraternelles avec les musiciens, ceux-ci venaient toujours à la maison, Ce sont des tontons et des tantis. Mais par contre mon père, bien qu’il ai été un grand passionné de musiques et que à la maison on écoutait souvent de la musique, il ne nous a jamais poussé à une quelconque carrière dans l’art. La réalité est que je suis issu d’une famille de notables religieux et nobles. Chez nous, la musique est l’affaire des Griots. Mon père n’était pas musicien, il était producteur. Et, je pense que consciemment mon père ne nous a pas poussé vers cela.
Aujourd’hui vous reprenez le legs de votre père ; ce ne doit pas être évident du tout ?
Je suis directrice de Syllart Records bien avant le décès de mon père. Reprendre un tel héritage est une mission que j’entreprends avec ma mère. Nous sommes deux à la tête de Syllart Records.
À part le fait d’être la fille de votre père, qu’est ce qui, selon vous, fait de vous la personne idéale pour prendre les rênes de Sylllart ?
Bon… Je suis très mal placé pour répondre à une question comme cela. Je ne sais pas si il y a une personne idéale ou pas pour succéder à Ibrahima Sylla. Il est et restera incomparable. Aujourd’hui, je suis à la tête de Syllart Records parce que c’était la volonté de Ibrahima Sylla. Sans doute pensait-il que j’en étais la plus apte, la plus capable.
Ce qui est sur c’est que j’ai une immense foi en ce projet, en l’histoire du label, de la promotion des musiques africaines parce que comme mon père je suis une passionnée et une militante de la culture africaine. La rigueur, le professionnalisme et la passion sont les qualités que je mets chaque jour au coeur de mon travail. Et seul le travail parlera pour moi.
Que pensez de la musique africaine, actuellement ?
D’abord j’aime à rappeler qu’il faut toujours parler DES musiques africaines tant elles sont riches de leurs diversités. Etant une assez bonne connaisseuse des musiques africaines des 30/40 dernières années, et étant de la génération actuelle, je peux dire que nos sommes dans une période de mutations.
Aujourd’hui il y a vraiment deux publics pour les musiques africaines. En gros tout ce qui touche à une forme de musiques traditionnelle, quelques fois musiques types carte postale, jappelle ça comme cela, et musiques africaines des années avant 80 est très apprécié par le public occidental et très peu populaire sur le Continent.Tout simplement parce que 80% de la population africaine à moins de 30 ans !
Nous avons aujourd’hui, depuis près de 10 ans, qui il a été amorcé par l’émergence du Rap Africain dans les années 90, des musiques dites populaires et modernes africaines qui remportent un grand succès sur le continent. Ces musiques sont variées, je ne peux pas dire ce que j’en pense dans sa globalité, mais j’apprécie la Naija Music, le Kuduro, la House SudAfricaine, je suis une grande mélomane et mon oreille musicale est très ouverte.
J’aime savoir que l’on fusionne les musiques et qu’on tente de nouvelles choses; J’aimerai que la qualité des musiciens notamment en Afrique francophone monte d’un cran, les africains anglophone nous ont beaucoup devancé.
On sait que vous êtes partie pour dénicher des talents au Mali, en avez-vous trouvé ?
Oui entre autre mais pas seulement au Mali. Rires
Allez-vous produire un de ces artistes ?
Oui, je compte produire, mais je ne suis pas du tout pressée. Aujourd’hui dans la gestion de la restructuration du label, j’observe, apprends, écoute beaucoup. La production, et les nouveaux artistes viendront très prochainement .
Vous avez repris, il y a quelques temps le célèbre « Studio Bogolan », référence dans le domaine. Parlez nous de ce projet : pourquoi l’avoir repris ? Quelle est votre ambition pour ce studio ?
Le Studio Bogolan a été acquis par Ibrahima Sylla en 2006. Lorsque j’ai repris les rênes de Syllart, j’ai simplement décidé avec mes deux associés de changer de direction et redonner un nouveau souffle et une nouvelle dynamique au lieu que j’estime être un patrimoine vivant et une reference pour les musiciens de la sous-region.
C’est un projet comme tous ceux de Syllart dans lequel je m’investis à fond. Mon ambition est que le studio reste un lieu incontournable, qu’il s’ouvre aussi aux jeunes générations de musiciens qui pour beaucoup rêvent d’enregistrer dans ce studio fondé par Ali Farka Touré. Je souhaite que le lieu vive plus que jamais, tous les artistes de partout sur cette planète sont les bienvenus au Bogolan.
Avez des projets concernant spécifiquement le Sénégal?
Oui, concernant le Sénégal j’ai des projets, un album d’Abdoulaye Thiossane que mon père n’a pas achevé dans la production, Africando, plusieurs projets en gestation.Je dois aussi aller à Dakar pour nouer, rencontrer les acteurs locaux, les jeunes producteurs, et écouter les musiciens, la jeune génération ou pas d’ailleurs! Inshallah.
Avez-vous un message ?
Mon message serait, que vive la culture africaine, vive les musiques africaines dans toutes leurs diversités. Le label Syllart Records est et restera le label ouvert à l’authenticité, à la modernité de toutes les musiques du Continent
Et votre dernier mot ?
Je vous remercie et je salue les lecteurs de Music in Africa. Merci encore.
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