L’industrie du spectacle en RDC: un circuit complexe et dynamique
Les musiciens congolais manquent des agents qualifiés,- managers et autre. En plus il n'y a pas d'agendas connu. Néanmoins, l’industrie du spectacle en RDC reste l’une des plus dynamiques en Afrique.
- Maître Gims pendant un concert à Kinshasa © Voila Night
- Un concert à Kinshasa © Voila Night
Kinshasa, capitale du spectacle.
Les événements musicaux en République Démocratique du Congo ont une réalité particulière. Il n’y a pas des programmations bien établies ou un circuit professionnel et actif. Il n’y a pas non plus des rendez-vous connus ou très connus par le public congolais et d’ailleurs. Les productions d’artistes musiciens s’organisent selon le gré des promoteurs culturels, des producteurs scéniques, des mécènes, des sponsors et des commerçants.
C’est un environnement à plusieurs réalités complexes. Seuls les plus pragmatiques tiennent le coup. Professionnels ou amateurs, la chance est donnée à tout le monde. A Kinshasa comme dans d’autres villes de la République Démocratique du Congo, les spectacles s’aménagent n’importe quand, n’importe où, n’importe où surtout les week-ends dans le seul but de gonfler les poches des musiciens et des organisateurs. Les types de scènes que nous rencontrions les plus souvent au Congo Démocratique sont les concerts, les festivals, les shows cases, les night clubs, les terrains de football, les grandes rues, les terrasses, les hôtels et les restaurants. Les sites suivants sont les plus sollicités par les organisateurs de ce type d’événements : le Salon Congo, le Parking et la Piscine du Grand Hôtel Kinshasa, Chez Bibi à Kintambo Magasin, l’Extrême Ma Campagne et l’Extrême Centre-Ville, Muguyla Guyla à Kasa-Vubu, l’amphithéâtre de verdure au sein des musées nationaux du Congo, Muana Nteba sur le boulevard du 30 juin, la place Sainte Thérèse à N’djili, le stade de vélodrome à Kintambo, le terrain municipal de Bandalungwa, le Centre Wallonie Bruxelles en plein Centre-Ville et l’Institut Français de Kinshasa – Halle de la Gombe, Planète J et Free Box, La Zamba Playa, Mombonda Gecamines, l’Hôtel Invest et l’Hôtel de la Gombe.
Des lieux tels que les snack-bars et les espaces culturels sont les moins fréquentés par le public, mais offrent des spectacles de qualité. Ce sont également les endroits où se produisent des artistes musiciens moins connus, mais talentueux. Nous citons K-Mu Théâtre, le Théâtre des intrigants et Chez Sébastien à N’djili ; les Béjarts, l’Espace Mutombo Bwitshi (ex. Moto na moto abongisa) et Chez Starlette à Bandalungwa ; Vis-à-Vis, Couloir Madiankoko, IMCA et Carrefour des jeunes à Matonge dans la commune de Kalamu ; Bikapi à Limete ; Espace Ngindu à Limete Echangeur ; Chez le Champion au rond-point Huileries et l’espace Sadi à Lingwala ; Congo Loisirs, Palm Beach, Music Club de Kinshasa (collège sainte Anne) à Gombe ; la Colline et En vrac à Mont Ngafula. Certains sites reçoivent des concerts de manière irrégulière notamment la Foire Internationale de Kinshasa (FIKIN), le studio Maman Angebi, la salle Mongita, la salle du Zoo, le petit zoo à Bibwa, Sono Beach, les kermesses, les terrains de football, les stades et les esplanades de communes ou quartiers populaires des différentes villes de la République Démocratique du Congo. La Foire Internationale de Kinshasa ouvre ses portes que lors des grandes vacances prévues chaque année entre juillet et août. Là, nous retrouvons plusieurs types de musiciens qui y prestent, - amateurs, semi-professionnels et professionnels ; inconnus, moins connus et célébrités. Tandis que les kermesses se tiennent à chaque fois qu’il y a de courtes ou de longues vacances, en mars-avril avec le congé de pâques, en juillet-août avec les grandes vacances et en décembre avec le congé de Noël. Ils sont organisés par les particuliers, qui pour la plupart sont dédicacés par les musiciens de renoms. Ces organisations permettent au public, aux sponsors, aux mécènes, aux producteurs, aux vedettes et aux stars de découvrir les jeunes talents qui œuvrent dans des petits orchestres, mais qui ont du talent. Elles propulsent aussi certaines figurent.
Le Palais du Peuple construit à l’époque du feu président de la république Joseph Désiré Mobutu pour abriter des concerts et autres productions scéniques, est depuis 2003, transformé en siège du parlement congolais et est fermé aux artistes musiciens. Il a la capacité d’accueillir plusieurs types d’événements en une journée ou durant une période précise. Car, il a plusieurs salles de spectacle polyvalent. Aucune scène ne se déroule sur ce lieu.
Les boites de nuit et lounges bars servent aussi des cadres pour des concerts, des shows cases et pour la diffusion de la musique congolaise. Nous signalons entre autre, Le Klubb, I Level, Fiesta Club, Café Press, Voda Club 081, Planète Sono, Ngwasuma, Standing Club, Boyoma Boyoma, Chez Ntemba, Why Not, Kwilu Bar, Le Pentagone, Malebo Club, etc.
Le Show Biz à la congolaise
Le business musical au Congo est presqu’inexistant. Les artistes musiciens et les organisateurs de spectacle s’accordent plus pour des petits projets à court terme que pour des grands projets à long terme. Ils ont du mal à programmer un événement dans le temps. C’est-à-dire d’élaborer un calendrier de spectacles et de le respecter. La cupidité et l’impatience caractérise les artistes musiciens congolais, leurs collaborateurs et ceux qui se font appeler producteurs. Les musiciens congolais manquent des agents qualifiés,- managers et autres. Ils veulent eux-mêmes être dans tous les fronts. Or, dans le show biz, il y a toute une chaine de travail pour arriver à de très bons résultats bénéfiques pour tout acteur.
En République Démocratique du Congo, il n’y a pas d’agendas connus. Quelques événements qui s’érigeaient en rendez-vous, n’arrivent plus à tenir le coup faute d’organisation et de management. Ils s’effacent de la tête des congolais et du monde, et passent dans les oubliettes. Nous nous rappellerons de Ngomo Africa, de Zaïre n°1, des Variétés Samedi Soir, Mega Concert, Giga Concert. Les rares rencontres qui tiennent encore la route sont le festival de Gungu, le festival international des étoiles (FIET), le festival hip hop aiRDiCi, le festival Ngoma wa Kwetu. Dans plusieurs villes de la République Démocratique du Congo, les réalités sont les mêmes, les gouvernants ne fournissent aucun effort pour s’investir ou inciter les privés à muser dans la vraie production musicale. La musique live est prise en otage par un groupe personnes morales et physiques ne visant que les finances. Le remix des chansons à succès pendant les prestations est quasi inacceptable. Les musiciens en vogue préfèrent exploiter les vieilles chansons des icônes de la chanson congolaise, plutôt que celles de leurs actuels challengers. Même lorsque les fanatiques les exigent. La Société Congolaise des Droits d’Auteurs (SOCODA) ne veille pas encore sur la musique live. C’est plus la commission nationale de censure qui interpelle et sanctionne les musiciens qui présentent des spectacles obscènes via les chansons ou via les pats de danse.
Quant aux concerts des musiciens étrangers au Congo, le public congolais est sensible. Il accueille et participe aux spectacles, à une seule condition que la communication médias et hors-médias soit bien structurée et efficace. C’est-à-dire que les clips ou les précédents concerts de la vedette passent dans les différentes télévisions ou radios, l’affichage, l’emplacement des banderoles et la publicité sur Internet s’organisent quelques temps avant l’événement.
La rareté de spectacles de qualité est aussi due au manque d’infrastructures modernes et des professionnels. Kinshasa, considérée comme capitale de la musique africaine par le nombre d’artistes qui y résident et le nombre de compositions, connait une carence des salles de spectacle et des lieux de location des matériels de spectacle. Le coût du billet d’un concert ou d’un autre type de productions musicales est l’affaire de l’organisateur et non d’un service de l’Etat. Il n’y a pas une structure qui réglemente ou qui veille sur cette démarche. Actuellement, les banques et les sociétés de télécommunications coopèrent avec les producteurs sérieux pour la vente des billets. Le contrôle de ces visas est souvent assuré par les sociétés de gardiennage, partenaires à l’organisation. Ce prix varie selon la volonté du chef de projet. Après entretien avec un des responsables de la division urbaine de la Culture & des Arts de la ville-province de Kinshasa qui requiert l’anonymat, il nous a affirmé que ce parcours rapporte aussi des chiffres à l’économie nationale à travers les taxes liées aux locations de lieux, à l’emplacement des banderoles et autres. Une bonne organisation et un bon esprit managérial permettra à la République Démocratique du Congo d’attirer encore plus d’organisateurs d’événements sur son sol afin de maximiser ses recettes.
Les artistes restent créatifs et s’imposent sur scène.
Malgré les maux qui gangrènent cette musique, le circuit du live est très riche. Les musiciens, les danseurs, les danseuses et autres artistes ont trop créatifs, bosseurs et improvisateurs. Ils évitent le plagiât et tiennent à présenter des œuvres de qualité à leur public. Tous les orchestres ont des états-majors. Des endroits précis où ils répètent ou prestent quotidiennement, en cachette comme devant un public anonyme et hétérogène, avec des instruments électriques ou acoustique pour bien arranger leurs compositions. Les heures de répétitions ou de concerts sont connues et débordent parfois, dans le souci de bien faire. La force de ce circuit est qu’il regroupe les artistes musiciens de différents horizons, -les diplômés de l’Institut National des Arts ou des autres conservatoires, les musiciens innés et les charlatans. Les objectifs finaux de tous ces artistes sont la présentation d’un bon spectacle et la satisfaction du public. Le lingala est la principale langue congolaise utilisée dans cet environnement, à Kinshasa comme dans d’autres provinces. Elle captive, emballe et chérit toute personne qui écoute la musique congolaise. D’autres langues congolaises sont également utilisées, mais en faible pourcentage. Le français, qui est la langue officielle est moins exploitée dans la musique live. C’est plus les musiciens qui prestent dans des centres culturels étrangers (Institut Français de Kinshasa et Centre Wallonie Bruxelles) qui l’emploie.
Le circuit de la musique live en République Démocratique du Congo est actif et prometteur. Un bon investissement suffira pour qu’il devienne compétitif. Car, sans infrastructures et matériels modernes, la fréquence de productions scéniques diminuera.
Par Cinardo Kivuila
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