Les industries de l’enregistrement et de la publication musicale en Afrique du Sud
Par Dave Chislett
L’industrie musicale sud-africaine est dynamique, variée et largement décentralisée. Comme ailleurs dans le monde, elle est sévèrement affectée par l’arrivée de la technologie digitale et de l’Internet. Elle est également affectée par les changements dans les habitudes du consommateur, dans les modes de livraisons de musique, et par les changements de prix qui en découlent. Cependant, il y a encore moyen pour les musiciens locaux de gagner décemment leur vie par la vente de CDs, les performances live, l’édition, le merchandising, et la diffusion de leur musique sur les ondes.
Les domaines de l’enregistrement et de l’édition en particulier sont fort dynamiques, bien que des changements importants soient en train de se dérouler. Selon la ‘Recording Industry of South Africa’, RiSA, (L’Industrie de l’Enregistrement de l’Afrique du sud), l’industrie musicale locale a totalisé des ventes annuelles de R 575 602 057.48 jusqu’en Novembre 2012, avec 7 309 608 unités de produits locaux contre 7 442 840 unités de produits internationaux. Bien que ces chiffres démontrent une chute globale de R 4 190 120. 52 (0.7%) par rapport à 2011, ils démontrent également que l’industrie musicale sud-africaine a une valeur marchande relativement importante. La RiSA a pour tâche de surveiller les ventes physiques de ses membres afin d’en rapporter les chiffres et c’est elle qui octroie les disques d’or et de platine aux maisons de disques.
Les chiffres d’affaires des maisons d’édition ne sont pas toujours connus, parce ce qu’il ne leur est pas exigé de rendre public ces chiffres mais uniquement le nombre d’unités physiques vendues. Cependant, la ‘National Organisation for Reproductions Rights in Music in Southern Africa’ (Organisation Nationale pour les droits de reproductions musicale en Afrique australe, NORM en sigle) rapporte un nombre croissant d’éditeurs. Il y a actuellement plus de 380 éditeurs affiliés à la NORM en Afrique du sud.
La majorité des lecteurs sont au courant des récents changements concernant les compagnies de disques au niveau mondial. En effet, les fusions-acquisitions réduisent constamment le nombre d’acteurs présents sur le terrain. Ceci est également vrai pour le marché sud-africain. Examinons de plus près chacun de ces deux secteurs: l’enregistrement et l’édition.
L’enregistrement : Les principales maisons de disques
Dans le passé, le marché musical était contrôlé par de grandes maisons de disques. Ceci était dû au fait que pour enregistrer, produire et faire la promotion de son album, l’artiste avait besoin d’un budget important pour faire face à la compétition. Cependant, les fusions et acquisitions actuelles ont considérablement réduits le nombre de maisons de disques. Les causes de ce changement sont variées et complexes. Il s’explique, en partie, par la chute des profits subie par les maisons de disques, mais aussi par les effets négatifs de leurs choix stratégiques qui ont fini par se retourner contre eux.
La plupart des labels de disques pratiquaient une politique commerciale à long terme. Celle-ci impliquait de signer plusieurs artistes, qui au fil du temps allaient réaliser des profits suffisants pour justifier leurs contrats et financer le fonctionnement général de la compagnie. Ces dernières années, les compagnies sont passées à une vision à court terme jouant sur une forte demande immédiate et un répertoire réduit de musique. Mais, cette politique a échoué pour plusieurs compagnies lorsque leur stratégie s’est retrouvée confrontée aux changements causés par Internet et la musique digitale. Elles se sont dès lors mises à la recherche de partenariats et de fusions et acquisitions dans le but de maintenir leurs profits.
En Afrique du Sud, la situation est la même qu’au niveau mondial. Selon RiSA, il n’existe à présent que trois grands labels dans le pays. Il ya vingt ans, il y en avait une dizaine. Les survivants sont Sony, Universal et Warner. Ces trois labels produisent la plupart du contenu international qui est vendu en Afrique du Sud. Ils offrent également un catalogue d'artistes sud-africains, mais ils sont avant tout des compagnies internationales qui vendent de la musique étrangère. RiSA a été formée pour représenter les intérêts des maisons de disques, faire du lobby auprès du gouvernement, ainsi que pour réglementer l’industrie et vérifier les ventes. Les disques d'or que l’on trouve souvent dans les bureaux des maisons de disques sont émis en Afrique du Sud par RiSA. Les trois labels cités plus hauts sont membres de l'organisation.
Les grandes maisons de disques sont des compagnies commerciales essentiellement préoccupées par le profit. Par conséquent, il est devenu plus difficile pour les artistes qui émergent d’avoir des contrats avec les maisons de disques, qui sont devenues la chasse-gardée des artistes plus établis. Cette politique à court terme et la volonté de minimiser les risques impliquent que les compagnies de disques sont sans cesse à la recherche de valeurs sures qui leur permettront de faire des profits immédiats ; d’où leur intérêt croissant pour des émissions telles que Idols, Pop Stars, et South Africa got Talent, tant au niveau national qu’au niveau international.
L’enregistrement : les labels indépendants
Parmi les membres sud-africains de RiSA, plus ou moins 2600 sont des compagnies indépendantes. RiSA estime que parmi elles, à peu près 1500 sont gérées par une seule personne et ont pour but de produire un seul artiste. Certaines de ces compagnies sont créées par les artistes eux-mêmes, pour s’autoproduire. Ces nombres indiquent qu’en Afrique du Sud, les labels indépendants sont de loin plus nombreux et jouent un rôle important. La majorité des artistes sud-africains sont signés par des labels indépendants. Comme mentionné ci-haut, ces compagnies vont de petites structures gérées par une seule personne à de plus grandes structures, employant plus d’une centaine de personnes. Certaines se concentrent exclusivement sur les artistes sud-africains tandis que d’autres se spécialisent dans l’importation de genres spécifiques tels que : jazz, world music, house, hip-hop, gospel, musique électronique et rock.
Cependant ces nombres fournis par la RiSA ne sont pas une représentation fidèle de la réalité. Il existe un grand nombre de compagnies tellement indépendantes qu’elles ne sont pas enregistrées avec celle-ci dû au fait qu’elles sont de très petites ou relativement récentes structures ou parce qu’elles se concentrent sur des artistes destinés à un public spécifique et à la scène ‘underground’ sujet à une évolution rapide. Des fois, ils gravent leur production sur CDR ou sur flashdisks, ou ils les rendent immédiatement disponibles en version numérique sur des sites gratuits spécialisés. Bien que ces dernières structures sont gérées par des individus motivés et passionnés, le fait qu’elles ne soient soumises à aucune régulation et audit, pose un risque dans le moyen-terme à l’artiste dû au fait qu’elles ne sont pas toujours viables.
Ventes de musique numérique
L'industrie du disque a largement adopté le digital. Mais, en Afrique du sud, le domaine numérique ne représente pour le moment qu'une petite partie de l’industrie musicale (c’était du moins le cas jusqu’à la fin de l’année 2012). Ceci en dépit du fait que toutes les grandes entreprises de télécommunications offrent de la musique via leurs réseaux et équipements, ainsi que le fait que l’accès à Internet ne cesse de croître dans le pays. Cependant, maintenant qu’iTunes est disponible au niveau local, de nombreux analystes s'attendent à une forte croissance du domaine digital.
En 2012, sur 575 602 057,48 rands en ventes, seulement R 46 645 118.90 provenaient des ventes numériques, c’est-à-dire environ 12% du total de ventes (environ 97 404 unités). Ce chiffre représente une nette augmentation par rapport à l’année 2011 qui a vu seulement 36 622 993,00 rands obtenus par les ventes numériques. Comme il ya de plus en plus de plateformes musicales et que la musique sud-africaine devient plus accessible sur ces plateformes mondiales, ce chiffre devrait augmenter considérablement au cours de 2013 et dans l'avenir.
Édition
Comme indiqué précédemment, l'organe représentatif des éditeurs de musique en Afrique du Sud est la NORM (National Organisation for Reproduction Rights in Music in Southern Africa). Cette organisation nationale comprend actuellement plus de 380 membres. Ces membres sont des entreprises ou particuliers représentant les catalogues musicaux des maisons de disques principales et des labels indépendants. NORM compte parmi ses membres le secteur édition de trois grandes maisons de disques: Universal Music Publishing, Warner Chappell Music, géré localement par Tusk Music Publishing et Sony / ATV Music, qui a récemment acquis EMI Music Publishing. En plus de ces labels majeurs, NORM comprend cinq ou six grands éditeurs indépendants, de nombreux petits éditeurs, ainsi que des compositeurs qui peuvent ou peuvent ne pas avoir cédé leurs droits à un éditeur.
Le secteur de l'édition en Afrique du Sud se porte bien. Cependant, avec la chute des ventes de disques, de nombreux artistes commencent à considérer la publication comme une autre possible source de revenus. Pour les artistes sous contrat, il s'agit d'une extension logique de leur contrat d'enregistrement. De nombreux artistes qui n'ont pas encore signé de contrat d'enregistrement sont à la recherche d'éditeurs pour obtenir une licence pour leur matériel publié indépendamment. Ces artistes espèrent ainsi décrocher un contrat de synchronisation. Ces contrats autorisent l’utilisation d’un morceau de musique au sein d'autres œuvres audiovisuelles telles que publicité, programmes TV, films ou jeux vidéo, ainsi que de percevoir des redevances de partout dans le monde sur base des droits de reproductions mécaniques et les droits d’exécution publique.
La preuve de cette tendance est que les revenus dans le domaine de l’édition sont en augmentation dans le monde entier. Cette augmentation s’explique principalement par la forte croissance des nouveaux médias, radio et télévision digitales, disponibles en streaming, sur les plates-formes numériques et satellitaires. Ces nouveaux médias ont besoin de musique sous une forme ou une autre et par conséquent les revenus augmentent. Au niveau local, si la tendance n’est pas aussi marquée que sur le plan international, il est certain que la situation est en train de changer. Par exemple, on observe déjà eu une augmentation du nombre de contrats de synchronisation utilisant de la musique locale.
L’industrie de l'édition est affectée par l'état général de l’industrie musicale en Afrique du Sud. Il est important de noter que cette dernière n’est qu’un petit secteur dans le paysage économique général et qu’elle génère relativement peu d'argent. Il ya très peu de musiciens qui gagnent leur vie en tant qu’auteurs, ce qui pousse beaucoup d'entre eux à être également interprètes, producteurs ou même enseignants. Les résultats d’études à l'échelle internationale indiquent que le nombre de personnes travaillant dans le domaine de la musique a chuté de 40 % par rapport à ce qu’il était il y a une vingtaine d’années. A cette époque, l'industrie de la musique était à son apogée. Bien qu'il n'existe pas de statistiques disponibles pour l’Afrique du Sud, il est probable que nos chiffres sont également en baisse.
Édition de musique digitale
L’un des objectifs de NORM est de veiller à ce que ses membres et les clients de ses membres soient protégés et bénéficient du passage au numérique. L'organisation essaie tout particulièrement de rendre disponible autant de catalogues de leurs membres que possible dans de toute l'Afrique subsaharienne. NORM gère des accords de licence avec toutes les grandes entreprises de télécommunications sud-africaines, ainsi qu’avec plusieurs petits opérateurs. L’organisation a observé une augmentation significative dans le nombre de fournisseurs internationaux de services Internet qui les contactent à propos des licences de musique sud- africaine.
NORM permet aux éditeurs d’augmenter leur pouvoir de négociation grâce au système de licence collective des droits liés à la musique numérique. Cela donne un avantage certain par rapport aux pouvoirs limités qu’ont les artistes individuellement. Par conséquent, les taux que NORM fixe pour les droits de reproduction mécanique dans le domaine digital sont beaucoup plus élevés que ce qu'ils étaient en mesure de négocier auparavant avec les maisons de disque. Les revenus liés aux performances digitales en Afrique du sud, n’en sont qu’à leur stade embryonnaire. Nous avons Simfy, Deezer, iTunes et RaRa mais ceux-ci sont encore relativement nouveaux sur le marché. On anticipe des problèmes logistiques futurs avec comme conséquences de faibles revenus pour les artistes (un peu comme le débat autour de Spotify) et il faudra sûrement créer un système robuste de redevances pour faciliter et rendre viable le paiement des droits d’auteurs.
S'il est vrai que l'industrie de la musique sud-africaine est en train de progresser fortement dans le domaine numérique, il y a encore des problèmes. Un grand nombre de ces problèmes sont liés à l’infrastructure: nous n'avons pas de bande-passante suffisante pour soutenir la distribution légale de musique et faciliter l'accès pour le consommateur. Sur le plan international, la tendance démontre que lorsque le public peut facilement se procurer de la musique et de façon légale, le piratage diminue. Cela a été le cas en Scandinavie par exemple. Pour le moment, le risque de piratage en Afrique du Sud est plutôt élevé.
Om peut conclure en disant que l’Afrique du Sud n'a pas échappé aux changements importants qui ont transformé l'industrie de la musique au niveau mondial. L'industrie locale a dû s’adapter à la chute des ventes. Le numérique n'a pas entièrement compensé ces pertes, toutefois l’avenir promet d’être intéressant pour les maisons de disques et les éditeurs.
Comments
Log in or register to post comments