La guitare en Zambie
La guitare est au cœur de l'épanouissement de la musique un peu partout dans le monde. Cet instrument à cordes a contribué à façonner de nombreuses cultures pop et folklorique, y compris en Afrique. Ce texte fournit un aperçu du rôle de la guitare dans la musique zambienne.
Les origines de la guitare moderne remonteraient au 16ème siècle dans la région latine de l'Espagne. Différents types de guitares ont depuis été créés notamment la guitare à cordes en nylon, la guitare flamenca, la guitare à cordes d’acier prisée par les musiciens du folk et de la country, la guitare à douze cordes et la guitare électrique. On retrouve notamment une variété d’instruments à cordes telles que le banjo et la harpe dans de nombreuses cultures indigènes africaines.
Sur le continent africain, la guitare débarque avec les voyageurs Portugais à travers les côtes de l'actuel Angola et du Mozambique. Les Britanniques pénètrent la même région à travers l’Afrique du Sud, jusqu'à la frontière sud du Congo belge en Afrique centrale vers la même époque.
La Zambie, alors colonie britannique appelée Rhodésie du Nord, obtient son premier contact avec la guitare à travers les premiers missionnaires qui partagent l'Évangile à travers la musique. Les premiers guitaristes africains sont en général des prédicateurs laïcs ou enseignants. La fin des années 30 marque le début d’une nouvelle ère de développement économique qui fait place à une nouvelle culture populaire, fortement dépendante de la guitare.
Les années 40/50 : les guitaristes folk du Copperbelt
Vers le milieu du 20ème siècle, l'extraction minière du cuivre est en plein essor en Zambie. Le minéral est trouvé dans la région bordant la province congolaise du Katanga. La région du Copperbelt s'épanouit socialement et culturellement, et devient un important pôle culturel. Des tribus zambiennes se mêlent aux townships des mines, chacun apportant leurs différents styles de musique et de danse.
Les habitants des townships se rassemblent alors au crépuscule autour des ‘sun-downs’ où les guitaristes folk affichent leurs talents. Ces troubadours (tout comme les griots de l'Afrique de l'Ouest) vont de ville en ville divertir les gens dans les salles communautaires et sur les places de marché. Ils sont pour la plupart des solistes accompagnés de percussions artisanales. Les premiers guitaristes folk jouent également lors des rassemblements politiques.
Lorsque le célèbre ethnomusicologue Hugh Tracey traverse la région, il enregistre voix et musique sur bande sonore qu’il conserve plus tard dans sa bibliothèque internationale de musique africaine (ILAM) en Afrique du Sud. La musique des artistes folk de la Rhodésie du Nord est maintenant accessible sur les albums Origins of Guitar Music in Southern Congo & Northern Zambia: 1950, 51, 57, 58 (Sharp Wood Records/SWP, 2002) et Copperbelt: Zambian Miner’s Songs (Musique Originale, 1989). D'autres enregistrements intéressants sont diffusés sur Voice of America notamment Zambia and her musicians, enregistré le 9 novembre 1967. L’enregistrement est disponible en ligne[i].
Les premiers guitaristes folk s’inspirent de la musique traditionnelle. Ils empruntent beaucoup du folklore, qu'ils adaptent aux événements de l'époque. Certaines chansons sont une satire de la culture occidentale et du choc des cultures. En raison de la migration des mineurs dans les pays du Sud et de l'Afrique centrale, certains styles musicaux s’inspirent des styles musicaux du Zimbabwe, du Malawi, de la Tanzanie et du Congo. La musique est alors caractérisée par les sons complexes des instruments à cordes traditionnels comme le likembe ou la kora d'Afrique de l'Ouest.
Isaac Mapiki, Bartholomew Bwalya, Stephen Tsotsi Kasumali, John Lushi, Wilson Makawa, Simon Hamuchemba et Alick Nkhata sont parmi les plus grands défenseurs de la musique de l’époque. Emmanuel Mulemena et Charles Muyamwa emprunteront leur pas.
1960 : Le rock et le jazz
Inspirée par leurs prédécesseurs de la musique folklorique traditionnelle et les nouveaux sons qui retentissent à la radio, une nouvelle génération de guitaristes apparaît dans les années 60. En dehors de la radio, le cinéma met en avant les derniers films et spectacles de rock'n'roll américain et britannique.
À cette époque, l'huile de cuisson Olivine est très populaire auprès des ménages. Présentée dans un bidon en étain qui inspire les jeunes à en faire un instrument. Muni d'une planche en bois, clous de fer et cordes d'acier, l’objet se transforme en banjo ou en guitare.
Le mouvement commence dans les townships. De nombreux guitaristes, encore adolescents, se font vite repérer par les entrepreneurs locaux et forment des groupes avec des guitares électriques modernes. Ce sont les années de formation de célèbres groupes de rock, jazz et soul zambiens des années 60, tels que The Rhokana Melodies, The Tigers Swingsters, The Dynamic-Mixies, The Black Souls, The Red Balloons, Kingston Market et Lusaka Beatles. La compétence est alors jugée sur la façon dont les groupes (en particulier les guitaristes) capturent l'original des chansons de Jimi Hendrix, Chuck Berry, The Rolling Stones, Buddy Holly, The Beatles ou Elvis Presley.
De 1975 à 1989: le zam-rock
Dans les années 60, un nouveau genre inspiré du rock, blues et jazz surgit. Le zam-rock, une déclinaison zambienne du rock'n'roll, né d'un décret présidentiel de 1975 dans lequel la radio nationale zambienne est chargée par le Dr Kenneth Kaunda de diffuser 90 % de musique locale. Ce qui ne plaît pas forcément aux jeunes musiciens, préférant le rock américain.
Le zam-rock, qui doit son nom au DJ local, Manassé Phiri, aborde différents thèmes, allant de la politique, l’amour, la culture, la morale et la religion. Certains artistes interprètent un zam-rock plus râpeux, semblable au garage-rock britannique ou américain des années 60. D’autres préfèrent un style plus raffiné, un rock psychédélique au son incisif des guitares qui pourraient figurer aux hits parades de l'hémisphère nord.
C'est l'époque des groupes comme Musi-O-Tunya, WITCH, The Five Revolutions, The Black Foot, Amanaz, Machine Gunners et Ngozi Family.
De 1980 à 1995 : kalindula
Le groupe The Five Revolutions change de registre avec leur chanson ‘Mukamfwilwa’ qui sort en 1980. Une composition de leur guitariste principal Mwape Morris et guitariste rythmique John Mwansa. Leur nouvelle invention est appelée kalindula, inspiré de la musique du type banjo des régions du nord, de Luapula et du centre de la Zambie. Le style, quoique semblable à la tradition populaire des années 40 et 50, est cette fois exécuté avec des guitares électriques. Le mouvement kalindula l'emporte sur le zam-rock et quelques-uns des meilleurs guitaristes rock d’aujourd’hui à savoir Paul Ngozi, Mike Nyoni et Ackim Simukonda ont tous interprété du kalindula.
En raison de sa touche traditionnelle, le kalindula puise son inspiration des rythmes authentiques en provenance d'autres régions de la Zambie. Par exemple, le rythme kakonko du Luapula est promu par Alfred Kalusha Chisala. Des groupes comme Masasu et Mulemena Boys redécouvrent le rythme mantyantya de la Province du Nord-Ouest. Serenje Kalindula met en valeur les sons du centre de la Zambie, alors qu’Oliya capture la musique tribale du Copperbelt. Les groupes Julizya, Makishi et Mashabe reprennent les rythmes guerriers de la Province de l'Est, tandis que Smokey Haangala et Greig Miyanda capturent les racines du sud.
De 1980 à 1995 : la rumba zambienne
La rumba s'inspire du Congo et de l'Afrique de l'Est. La zam-rumba est interprétée par le trio constitué de Nashil Pichen Kazembe, Peter Tsosti Juma et Benson Simbeye, qui a vécu au Kenya où il se produit dans les années 60/70.
Le déclin de la musique de guitare
Dans les années 90, le nombre de guitaristes diminue pour plusieurs raisons. Entre 1982 et 1989, les guitaristes Emmanuel Mulemena, Smokey Haangala, Keith Mlevhu, Mike Nyoni, Lazarus Tembo et Paul Ngozi quittent le pays. La guitare est bientôt remplacée par le clavier MIDI (Musical Instruments Digital Interface). Les instruments de musique importés se font rares en raison de strictes lois sur le droit d'accise dans les années 80 et 90. Le piratage de musique commence également à prendre racine dans le pays.
Aujourd'hui, le nombre de guitaristes a considérablement diminué. Nous avons encore de grands groupes comme Amayenge, Air Power, Green Labels et X-Virus de Misheck Mhango, qui persévèrent. De plus, les artistes solos tels que Jones Kabanga (jazz, pop), Andy Chola (folk), Pontiano Kaiche (folk traditionnel), MumbaYachi (folk, rumba, jazz), Uncle Rex (jazz) et Mutinta (la seule femme) contribuent grandement à la musique de guitare en Zambie.
[i] http://blogs.voanews.com/music-time-in-africa/2008/07/29/zambian-radio-reels/
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