La musique contre le terrorisme
Une semaine après les attentats de Paris, l’hôtel Radisson de Bamako au Mali était pris d'assaut par des djihadistes. Deux cents personnes étaient présentes dans l'établissement, parmi lesquelles le musicien guinéen Sekouba Bambino, qui heureusement, sortira indemne de cette prise d'otages. Début janvier, au Burkina Faso, l'hôtel Splendid subissait un attentat sanglant. Au Sénégal, et dans d’autres pays de l'Ouest Africain, pas un jour ne passe, sans que bruissent des rumeurs des plus angoissantes, quant à l'imminence d'attaques djihadistes. On le voit bien, la menace est globale mais pour autant, la vie ne s'arrête pas. Et, musiciens et acteurs culturels, à travers festivals, concerts et chansons, résistent avec leur arme de prédilection, l'arme sans doute la plus belle et la plus puissante de toutes : la musique.
En effet, en Afrique de l'Ouest sous menace djihadiste depuis des années, la plus belle résistance est celle proposée par les artistes qui, en réponse aux intimidations et attentats des fous de Dieu, s’efforcent tout simplement de continuer à vivre, à célébrer la vie, à chanter et à danser.
L'exemple le plus récent est sans doute l'organisation à Bamako du festival Acoustik du 27 au 30 janvier 2016, initié par Toumani Diabaté, l'une des grandes stars du Mali, qui a réussi à réunir dans la capitale malienne de grands noms de la scène internationale, venus avec un message de paix et d'amour.
Parmi les stars planétaires présentes lors de ce festival, le célèbre acteur de la série américaine Les Experts, Gary Durban, par ailleurs multi-instrumentiste, qui déclarait à la presse : « L’héritage musical du Mali est la racine du Jazz et du Blues. Et en temps de crise, la musique est le meilleur moyen pour apaiser les cœurs ». Toumani Diabaté a aussi abondé dans ce sens en déclarant à son tour : « Ce n’est pas la politique, mais ce sont la culture et l’art qui font gagner le Mali et l’Afrique »
Toujours au Mali, d'autres événements d'importance continuent de résister. Parmi eux on peut citer Festival au Désert qui organise, depuis l'éclatement du conflit au Nord du Mali, des mini-caravanes avec des dizaines de concerts de solidarité à travers le monde, sous sa bannière, symbole de la non-violence et de la résistance culturelle à travers la musique et l'art. Il est aussi important de noter que le Festival au Désert continue d'accueillir, et sans interruption, ses éditions, en exil.
Un autre événement de grande envergure qui se maintient, malgré l'état d'urgence au Mali : c’est le Festival Sur le Niger, qui a vécu sa douzième édition, du 3 au 7 février derniers, à Ségou, avec, comme parrain, Cheick Tidiane Seck.
Au Burkina Faso, en janvier 2016, au moins 30 personnes, selon un bilan officiel, ont été tuées dans une attaque jihadiste qui a visé hôtel Splendid et un restaurant de Ouagadougou, la capitale.
Et, lorsqu’il prend sa guitare, ce vendredi 22 janvier, à l’Institut français de Ouagadougou, quelques jours après cet attentat, l’artiste burkinabé Mys sait qu’il ne s’agit pas d’un concert ordinaire. Sa composition d’ouverture, écrite deux jours auparavant, rend hommage aux 30 personnes qui ont péri une semaine plus tôt avenue Kwamé N’Krumah.
Le refrain : « Je suis Paris, je suis le Mali, je suis les États-Unis, je suis la Libye, je suis Charlie… ». Et : « Je suis le Burkina, je suis le Kenya, je suis le Nigeria… » C’est pourquoi ce concert, fortement symbolique d'une belle résistance à travers la musique, a eu un grand retentissement.
Et c’est dans son sillage que, le lendemain, un hommage citoyen, sous la forme d’une « chaîne de lumières », est rendu devant le restaurant Cappuccino, l’une des cibles, avec le bar Taxi Brousse et l’hôtel Splendid, des terroristes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).
Au Sénégal, même si le pays est jusque là épargné par les attentats terroristes, la psychose gagne de plus en plus les esprits, et on peut noter que la sécurité a été renforcée dans les hôtels et tous les autres grands bâtiments de la capitale Dakaroise. Dans ce pays réputé « calme », les artistes jouent leur rôle de messagers de la paix à chaque fois qu'ils en ont l'occasion, qu’ils soient sénégalais ou étrangers ; on se rappelle ainsi qu'Oumou Sangaré, à l'occasion du Festival Africa Fête, en décembre dernier à Saint louis, avait appelé à « plus d'amour entre les êtres humains ».
Au-delà des artistes, il est important de rappeler le rassemblement pacifique, malheureusement avorté, prévu Place du Souvenir africain à Dakar, en solidarité avec les étudiants de l’université kenyane de Garissa. Ce rassemblement, qui devait être suivi d’une marche silencieuse vers l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, était une initiative de différentes organisations artistiques, culturelles et de la société civile comptant exprimer leur solidarité avec l’université kenyane de Garissa, dont 147 étudiants avaient été lâchement abattus lors d’une prise d’otages, le 2 avril 2015. Ces associations souhaitaient ainsi réaffirmer « leur engagement contre toute forme de barbarie prônant l’exclusion et l’intolérance et pour un monde de paix, de dialogue et de respect des droits humains ».
Pour finir, ces mots forts, qui résonnent encore, d'Angélique Kidjo, une des plus grandes voix de la musique béninoise et africaine qui a déclaré, en recevant sa troisième récompense aux Grammy Awards : « L'Afrique est en marche. L'Afrique est positive. L'Afrique est joyeuse. Mettons-nous ensemble, soyons unis, à travers la musique et disons non à la haine et à la violence à travers la musique. Merci ! »
Ainsi, on voit bien que la musique, à travers les artistes, lutte activement contre la terreur, et en est peut-être l’une des résistances les plus efficaces et les plus appropriées. C'est dans ce sens que nous lisons la phrase de Nelson Mandela dans Un long chemin vers la liberté : « La politique peut être renforcée par la musique, mais la musique a une puissance qui défie la politique ».
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