Musique et politique : mariage d'amour ou de raison ?
En théorie, artistes musiciens et politiques ont au moins une chose en commun : la popularité. Quand leur popularité diminue, les politiques utilisent parfois les chanteurs pour obtenir l’adhésion d’une frange importante de la population. Quels sont les effets et conséquences pour les artistes ?
Au Gabon, c’est un ex chanteur qui dirige le pays. Pendant sa jeunesse, le président Ali Bongo Ondimba chantait de la variété sous son nom initial : Alain Bongo. Aujourd’hui, le président Ali compose et enregistre de la musique classique. Mais le chef de l’État gabonais a conservé l’amour de la scène. Campagnes électorales et tournées politiques lui donnent parfois l’occasion de revenir à ses premières amours comme en 2009, le président rappe sur scène. Instants immortalisés par cette vidéo où le solo présidentiel commence à 1 minute 28
Au Congo Kinshasa, La chanteuse Tshala Muana cumule carrière musicale et politique. Après avoir fondé, en 1997, le Regroupement des Femmes Congolaises, Tshala Muana a été députée pendant 2 ans à partir de l’an 2000. L’artiste est actuellement présidente de la ligue féminine du PPRD, le parti du président Joseph Kabila.
Mais au Congo Kinshasa, être un artiste qui s’engage politiquement aux côtés du président peut couter cher. Tshala Muana en a fait l’amère expérience. La chanteuse a dû renoncer aux concerts en Europe pour éviter d’être persécutée par certains congolais de la diaspora membres des partis d’opposition ou acteurs de la société civile. Ces derniers exigeant que la pression soit mise sur le pouvoir accusé au mieux de passivité face aux violences se déroulant depuis 2015 dans la province du Kasaï.
D’autres artistes congolais tels Héritier Watanabe et Fally Ipupa ont vu leurs concerts parisiens annulés par la police à cause du risque de troubles à l’ordre public ou de manifestations violentes organisées par des congolais résidant dans la capitale française. D’après les manifestants, Tshala Muana, Héritier Watanabe, Fally Ipupa et Werrason ont trahi le peuple congolais en chantant pour le président Joseph Kabila. Réagissant à ces accusations, le chanteur Werrason affirma, à Jeune Afrique en mai 2016, avoir « agi en homme d’affaires, et non en partisan ».
L’ivoirien Meiway dit la même chose, mais sans langue de bois : « J'ai touché beaucoup d'enveloppes des partis politiques en Côte d'Ivoire mais c'était des contreparties strictement professionnelles. Vous me sollicitez pour venir faire un concert de campagne, de lancement d'un produit ou la fête d'un parti, écoutez, il faut quand même que je sois payé c'est mon métier. J'ai travaillé avec tous les partis politiques de Côte d'Ivoire : PDCI, RDR, FPI, UDPCI ».
Mieux que d’autres artistes, Meiway semble avoir compris comment utiliser à son avantage les rivalités politiques. Lors de la campagne électorale précédant les élections présidentielles de 2010, Meiway a enregistré une chanson de soutien au président Laurent Gbagbo.
Au Sénégal, les artistes alliés aux politiques connaissent des fortunes diverses. Youssou N’dour, a été candidat à plusieurs élections puis est devenu allié du président Macky Sall. Faisant la promotion sur de son dernier album Africa Rekk sur RFI en novembre 2016, Youssou N’dour a insisté sur le fait que la politique et la musique sont deux activités distinctes : « la musique est pour moi une passion, je ne sens pas l'influence de ma partition politique dans cet album ».
Présent à des cérémonies officielles en tant que ministre conseiller, Youssou N'dour redevient parfois chanteur comme en janvier 2017, au palais présidentiel, lors de la remise du drapeau à l'équipe nationale devant participer à la 31è Coupe d'Afrique des Nations. Le président Macky Sall appelle Youssou Ndour pour interpreter un de ses anciens tubes, « Gaindé » (mot ouolof signifiant lion en français) chanté en 1995 par You pour les Lions de la Teranga, l'équipe nationale de football du Sénégal. L'artiste commence à chanter à la 19è seconde de la vidéo.
Toujours au Sénégal, le duo Pape et Cheikh qui a fait en 2012 une chanson dédiée au président Abdoulaye Wade (le prédécesseur de Macky Sall) continue paisiblement sa carrière. Certains mélomanes ont désapprouvé l’engagement sonore de Pape et Cheikh mais le groupe n’a jamais subi d'importantes persécutions. Esprit live 2, le dernier album de Pape et Cheikh est sorti en août 2016.
Au Cameroun, Pierre Moukoko Mbonjo a été chanteur sous le nom de Peter Moukoko c'était pendant les années 80. A l’époque, certains de ses textes étaient incisifs voire critiques. Le ton de Pierre Moukoko Mbonjo s’est apaisé et ses précédentes prestations musicales ne l’ont pas empêché d’être ministre de la communication entre 2004 et 2006 puis ministre des relations extérieures entre 2011 et 2015.
Au Burkina Faso, Nestorine Sangaré a été ministre de la promotion de la femme de 2011 à 2014. Puis a sorti son premier album Un Père Fidèle en juin 2017. L’ex ministre chante Dieu et précise que la musique est sa passion depuis l’enfance. Nestorine chantait déjà dans les chorales au collège et au lycée. Autre précision: l’enregistrement de l’album a commencé en avril 2011. Quand Nestorine Sangaré a été nommée ministre en juin 2011 elle a demandé si elle pouvait sortir son album : « on m’a répondu qu’un ministre ne pouvait pas chanter » explique Nestorine en juin 2017 lors d’une interview donnée à BBC. La dame a donc attendu le départ du président Blaise Compaoré pour revenir à sa première passion: la musique.
Commentaires
s'identifier or register to post comments