Médias et musique à Madagascar
Par Anjara Rasoanaivo
Le développement très rapide des supports médias depuis les 25 dernières années a changé le paysage musical malgache. De promoteur culturel au matraquage médiatique, les médias ont joué un rôle important dans cette mutation.
La radio, le premier média des artistes
Il n’y a qu’à prendre le temps d’observer un peu, de tourner la fréquence de la radio et de s’arrêter à chaque station : les stations radio locales donnent une vraie place à la musique malgache. Certes, il n’y a pas de politique générale imposée par l’Etat sur une playlist composée d’un maximum de chansons par des artistes malgaches dans la diffusion, mais force est de constater que les directeurs de radio donnent une voix à ces chanteurs.
La Radio Nationale Malagasy (RNM), la chaîne nationale contrôlée par l’Etat, la programmation y donne une priorité aux musiques typiques et traditionnelles. Harrisson Ratovondrahona, Directeur de la RNM, explique que « notre politique est surtout de mettre en avant les chansons typiquement malgaches. Il faut reconnaitre qu’il y a des talents inconnus du marché qui peuvent bien se vendre à l’international. Sur cinq chansons, la RNM diffuse trois des chansons malgaches ». Un bon pourcentage donc pour soutenir l’art malgache.
Depuis la fin des années 80, l’ouverture et l’émergence de stations radios privées ont permis de varier les styles musicaux diffusés. Sur ces stations radio privées, le pourcentage n’est pas respecté à la lettre, mais la volonté est très forte. Pour la RDJ (radio des Jeunes) sur la fréquence FM 96.6 MHz, couvrant toute la capitale Antananarivo ainsi que la ville d’Antsirabe (162 km au Sud d’ Antananarivo), et fortement appréciée des jeunes et des adolescents, le principe repose sur l’identité que la station radio a imposée. « Nous recevons et explorons même les chansons auprès des maisons de disque, des producteurs, des managers d’artistes ou des chanteurs/chanteuses eux-mêmes. Puis nous procédons à une écoute et choisissons les chansons qui vont être diffusées à la radio. Ensuite, la fréquence dépend de l’engouement des auditeurs pour la chanson », explique Tahiana Rasolojaona, fondateur et directeur de la RDJ, station radio privée, également sur le web.
Pour aider dans la promotion de la musique malgache, la RDJ, et aussi les autres stations radio programment des émissions culturelles et musicales spécifiques. La RDJ a également créé RDJ Mozika Award, une récompense musicale pour encourager les artistes, les faire découvrir au grand public , et aussi d’asseoir leur notoriété.
La télévision, des programmes pour soutenir les artistes malgaches
À Madagascar, la radio est le moyen médiatique le plus efficace, car c’est celui qui atteint le maximum de personnes. Outre la radio, il y a aussi la télévision. Avec une chaîne télé nationale, la TVM (Télévision Malagasy) et près d’une dizaine de chaînes télés privées, la musique a acquis une place certaine dans la programmation de ces chaînes. La TVM a permis à plusieurs artistes malgaches de se faire connaître et d’acquérir leurs lettres de noblesse. Silo, incontournable artiste, musicien multi-instrumentiste, connu aussi bien dans le pays qu’à l’étranger grâce à une brillante carrière menée tambour battant, en est l’exemple. « J’ai fait ma première télé à 7 ans, et cela a beaucoup joué dans ma carrière » avoue-t-il. L’émission Mbarakaly, diffusée sur la TVM dans les années 80, a fait jaillir de grands noms de la musique malgache comme Jaojoby roi du salegy, Régis Gizavo, et est devenue au fil des ans, une référence dans la promotion des artistes. Il en est de même pour l’émission culturelle Tselatra, qui a mis en avant de nombreux artistes malgaches.
Malheureusement, ces émissions culturelles n’ont pas résisté face aux difficultés financières dont fait face le monde artistique à Madagascar. Depuis, d’autres chaînes télé créent des émissions visant à promouvoir, sinon à détecter de nouvelles stars malgaches. C’est le cas de l’émission Pazzapa, calquée sur le concept d'American Idol, aujourd’hui diffusée sur Dreamin TV, une chaîne de télé privée créée en 2012 qui a servi de tremplin à des artistes célèbres tels que Firmin et Melky.
La presse écrite et les nouvelles technologies
Grâce à la télé et à la radio, les artistes malgaches peuvent faire connaître leurs créations. La presse traditionnelle donne également une place à la musique malgache. Le quotidien Midi Madagasikara donne 2 pages par jour pour l’art et la culture, et met en valeur la musique à travers des interviews d’artistes, des annonces d’agenda de sortie musicale, et de reportages de spectacles. Il en est de même pour les quotidiens Les Nouvelles et l’Express de Madagascar qui consacrent une page entière tous les jours pour l’art et la culture, priorisant la musique. Pour l’heure, aucun journal ni magazine n’est spécialisé dans la musique, mais malgré tout, les journalistes culturels essaient de mettre en valeur la musique malgache à travers leurs colonnes. Mais dans les années 90, deux journalistes passionnés de rock ont créé une chronique spécialement dédiée au rock, RubRock, dans le quotidien Midi Madagasikara et RockNews de 1996 à 2001 dans le quotidien L’Express de Madagascar. Celle-ci visait à promouvoir la scène rock dans le pays, à travers des interviews, des reportages et plus de médiatisation sur les rockers de la place.
Avec la vulgarisation d’internet, et puisqu’une frange importante de la population malgache est connectée et suit les réseaux sociaux, les artistes ont adopté les outils NTIC pour se faire une place auprès de leurs fans. Certaines communautés web ont ainsi créé des chaînes sur Youtube, tels que Masombahiny, Vazo, Tsara, Radioparadisagasy, qui mettent en ligne des clips vidéo d’artistes malgaches, leur permettant ainsi, grâce à leurs dizaines de milliers d’abonnés, de faire voyager la musique malgache au-delà des frontières. Par ailleurs, les artistes utilisent des plates-formes comme Soundcloud et Reverbnation ou encore les réseaux sociaux comme Facebook pour se faire connaître. Voots Kongregation réunit plusieurs musiciens talentueux qui explorent la musique autrement, conjuguant leurs inspirations. Ils ont créé une page sur Facebook, Voots Kongregation, relayée à travers les plates-formes web vidéo.
Si les médias contribuent à promouvoir la musique à Madagascar, c’est aussi une arme à double tranchant. Aujourd’hui, le talent ne suffit plus. Le système de matraquage qui a gangréné le paysage médiatique malgache depuis une dizaine d’années a handicapé l’art à Madagascar. À la télé, la diffusion de clip vidéo est payante : 15 000 Ar (Ariary, monnaie malgache, soit à peu près 5 euros) par diffusion et par chaîne de télé. Il en est de même pour la radio, où le tarif est moins important : 5 000 Ar (soit un peu moins de 2 euros) par diffusion et par station radio. Une promotion artistique peut donc coûter plus de 1 000 euros. Du coup, les artistes investissent beaucoup plus dans le matraquage quitte à sacrifier la qualité d’enregistrement de la chanson, ainsi que du clip vidéo.
Article publié le 27 juillet 2015, mis à jour et édité par Walter Badibanga le 16 avril 2019.
Sources :
- Tahiana Rasolojaona, Directeur général et fondateur de la RDJ (Radio Des Jeunes)
- Harrisson Ratovondrahona, Directeur de la RNM (Radio Nationale Malagasy)
- Silo Andrian (artiste. Facebook Silo andrian)
- Tsiry Andria (Directeur Général Sary sy Feo.mg)
- site du quotidien Midi Madagasikara www.midi-madagasikara.mg
- site du quotidien Les Nouvelles www.newsmada.com,
- site du journal l’Express de Madagascar www.lexpressmada.com
- site de la RNM http://tunein.com/radio/RNM-992-s247002/
- le site de la radio RDJ www.rdj.mg
- Dreamin TV, www.dreamin.tv
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