Sénégal : le référendum des artistes
Les sénégalais sont invités le 20 mars prochain, à se prononcer sur les 15 points proposés par le Président Sénégalais Macky Sall, pour la réforme de la Constitution. Parmi ces 15 points, le point qui catalyse tous les débats est celui de la réduction du mandat présidentiel qui doit passer de 7 à 5 ans. Le camp du OUI vante les mérites des 15 points affirmant que cela aidera à consolider la démocratie sénégalaise, le camp du NON, lui, argumente surtout autour du fait que le Président de la République s'est dédit, une rupture abusive du "Contrat de Confiance" du Président Sall qui dès lors mérite d'être sanctionné par un NON cinglant de la part des sénégalais.
La campagne est aussi présente sur les réseaux sociaux, des leaders d'opinions et artistes très suivis comme Awadi ou Fou Malade n'hésitent pas à s'exprimer, soit à crier leur ras-le bol à propos du référendum qui selon eux prend tout le pays en otage. C'est ainsi qu'hier matin sur la page Facebook de Didier Awadi on pouvait lire ceci :
« OUI ou NON. Le débat fait rage mais je dois te dire qu'il me saoule. Je suis comme toi déçu par la rupture abusive du "Contrat de Confiance" par le président Macky Sall donc je pourrais dire je vote Non, mais en même temps, je sais lire... et certaines réformes consolident notre démocratie. Je pourrais dire oui mais je refuse d'être pris en otage ou de prendre en otage qui que ce soit.
Le débat politicien à deux balles me saoule, la presse oppressante me saoule. je ne parlerais pas parce que tout le monde parle. Je vote ou pas... selon ma conscience et ma seule liberté de choix. Que chacun fasse de même sans se laisser influencer par qui que ce soit. Les révolutionnaires circonstanciels me saoulent, les réactionnaires professionnels me saoulent, les publications courageusement anonymes des pseudos web activistes sur les réseaux sociaux me saoulent. OUI ou NON ça ne regarde que moi dans le secret de l'isoloir... Ce pouvoir me saoule l'opposition me saoule et puis j'arrête... Ce texte me saoule... »
Mais une heure plus tard, sur sa page Facebook, Fou Malade, qui lui est ouvertement pour le NON, avec ses amis du Mouvement Y en a marre, partageait à son tour un texte qui semble être une réponse à Awadi. Jugez- en par vous-même.
« Le Hip Hop dépasse un simple mouvement, c'est un acte social. C'est une culture de valeurs essentielles à l'épanouissement, au respect de la dignité du peuple. La parole dans la culture Hip Hop est sacrée. C'est pourquoi les rappeurs travaillent avec le verbe et parlent pour ceux qui ne parlent pas. Le respect de la parole est indispensable dans la culture Hip Hop.
Si un rappeur dévie, s'inscrit en porte à faux avec ce qu'il dit, il est subitement attaqué par ses pairs. C'est de là que le clash tire son histoire. L'album Parole d'honneur, autrement dit en wolof " Kaddu gor " de Didier Awadi, avait marqué les esprits parce qu’il renvoyait aux valeurs de dignité et d'éthique abandonnées par ceux qui nous dirigent.
Je t'invite, cher camarade, à prendre position. Je t'invite à dire NON pour remplir la charte de cohérence entre tes convictions connues et les événements d'aujourd'hui. Je t'invite à dire NON et à faire dire NON parce que tu aimes Sankara. »
L'ex-ministre de la culture et roi du M'balakh Youssou N'Dour est lui aussi en pleine campagne et essuie presque chaque jour des quolibets et des critiques très virulentes de ses adversaires politiques.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le débat au Sénégal, quant au référendum, est très passionné. Tout le pays semble ne vivre qu'au rythme tantôt du OUI, tantôt du NON. Certains artistes comme Xuman ont même jugé nécessaire de sortir une vidéo qui marche très fort sur Youtube, pour encourager les sénégalais à voter NON.
Un autre rappeur, Red Black, lui a mis en ligne il y'a quelques jours une vidéo pour dire OUI, et demander aux sénégalais de voter dans ce sens. Et vous, que pensez-vous de tout cela ? Voterez-vous OUI ou NON ?
On le voit bien, les artistes sénégalais sont très politisés et leur engagement est très fort. Toutefois, il est peut être légitime de se poser la question suivante : jusqu'à quel point, en tant qu'artiste, peut-on investir le champ politique ? L'activisme exacerbé des artistes sénégalais ne se fait-il pas au dépend de leur carrière ? Cette question, à mon avis, mérite d'être étudiée.
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