Pourquoi les femmes sont absentes sur la scène musicale en RDC ?
La scène musicale en RDC est dominée par les hommes. Peu de femmes arrivent à véritablement émerger ou ne tiennent pas assez longtemps. Les noms qui viennent à l’esprit sont Mbilia Bel, M’Pongo Love, Abeti Masikini. Il y a aussi Lucie Eyenga, une dame dont on ne parle pas souvent mais qui au début des années 60 était presque l’unique femme à se produire avec l’orchestre Negro Band de Dino Antonopoulos (Mécène et producteur de cette époque).
- Mj30. Chanteuse de la RDC. Photo: Facebook
Visiblement, il n’y a pas de barrière ou des conditions particulières imposées aux femmes dans le secteur musical. Il y a plusieurs raisons qui justifient leur absence sur la scène musicale au Congo Kinshasa. J’en propose ici trois qui me semblent majeures.
Le phénomène n’est pas nouveau
Les femmes n’ont jamais fait face devant la myriade d’artistes masculins que connait le pays. Depuis Wendo Kolosoy en passant par Franco Luambo Makiadi, Tabu Ley, Papa Wemba, Koffi Olomidé, Werrason ou JB Mpiana, sans oublier les jeunes artistes qui émergent comme Fally Ipupa, Fabregas et beaucoup d’autres jeunes chanteurs qui évoluent dans les orchestres de Kinshasa.
Fort est de constater que les femmes ont toujours été reléguées au second rôle. « Aucune femme au chant. Elles sont souvent danseuses que chanteuses » constate Silver dans un message posté sur un forum. Vous n’avez qu’à le constater dans des concerts donnés par les musiciens congolais, elles sont surtout à la danse et absentes au micro.
Certains chanteurs sortent du lot. Le cas de Tabu Ley qui a mis en valeur les talents féminins en donnant par exemple à Mbilia Bel l’occasion de chanter. Bozi Boziana est le seul en tout cas parmi beaucoup d’artistes de sa génération à faire émerger les dames, on se souvient de Sckola Miel, Mimi Ciel, Joli Deta, Mukangi Déesse, Betty Bis et les autres. « Si, on peut convenir qu’un petit effort a été fait depuis ces années, jusqu’à nos jours, il y a lieu tout de même de reconnaître que la présence féminine dans la musique congolaise demeure encore une denrée rare » observait Clément Ossinonde dans un article publié en 2011.
Elles doivent toujours être à l’ombre de quelqu’un
« Une femme pour émerger sur scène doit avoir quelqu’un pour la soutenir ». C’est ce que pense Serge Makobo, ancien chargé de communication du chanteur congolais King Kester Emeneya. Le plus souvent c’est un producteur, un leader d’un orchestre qu’il la découvre et lance sa carrière musicale. Les exemples sont légions. Mbilia Bel, qui a connu à un certain moment une carrière assez florissante, a été soutenu par Tabu Ley, qui fut son mentor. Que dire d’Abeti Masikini ? Sa carrière a pris une autre allure quand elle a fait la rencontre de Gérard Akueson, qui fut d’abord son manager et ensuite son époux. Le succès qu’ont doit à Abeti, est l’œuvre de Monsieur Akueson.
La jeune génération connaît ce même phénomène, Cindy Le Cœur, la protégée de Koffi Olomidé. La concernée au cours des nombreuses interviews reconnaît la contribution de Koffi dans sa carrière musicale. Mj30, lancée par Tshala Muana, une artiste de la RDC. Barbara Kanam est passée par Koné Dodo, un producteur de la Côte d’Ivoire, avec qui elle a sorti son premier album Mokili en 1998. Depuis, elle a crée son propre label Kanam Music. « Les femmes artistes doivent toujours être à l’ombre de quelqu’un pour réussir leur carrière musicale » pense Nioni Masela, journaliste culturelle de Kinshasa. « Je crois également que c’est une culture inculquée dans leur mentalité, qu’elles doivent toujours faire quelque chose qu’avec le soutien des hommes » ajoute-t-elle.
L’influence des familles peut aussi jouer sur la carrière d’une chanteuse. Celles-ci peuvent décider de soutenir ou pas la jeune jeune artiste. « Parce qu’être musicien est souvent mal perçu par des familles qui considèrent les artistes comme des voyous » explique Narsix Baya, propriétaire de Baziks, une plateforme web de distribution musicale. Par souci de protéger leurs filles, les familles préfèrent les confier à un musicien bien assis. « Aussi je pense que cela se justifie surtout par le besoin de protéger la femme » tempère Narsix.
Les relations amoureuses entrent également en compte
C’est une réalité dans l’industrie musicale. Les chanteuses reçoivent souvent des propositions (pour une relation amoureuse) de la part d’un patron d’un orchestre ou d’un producteur. « Un des responsables d’un centre culturel m’a proposé de sortir avec lui juste pour être programmėe dans un concert » se souvient une chanteuse Hip Hop qui a requit l’anonymat. À part les liaisons connues de tous, comme celle d’Abeti Masikini avec Gérard Akueson, Mbilia Bel et Tabu Ley, le secteur musical ne peut s’en passer, le refus catégorique de la part d’une chanteuse peut lui fermer les portes d’une carrière musicale. « Les propositions ? On en reçoit chaque fois, c’est à moi de voir si je peux céder ou pas » explique la rappeuse.
Dès qu’un producteur ou un leader d’un groupe approche une artiste, celle-ci peut déjà penser à la suite. Les danseuses qui quittent les orchestres, déclarent souvent qu’elles ont été victimes d’harcèlements sexuels ou avoir eu une relation amoureuse avec le patron. Difficile de vérifier ou de confirmer ces allégations.
Certains pensent qu’il n’y a rien de mauvais de sortir avec un leader d'un groupe, un manager ou un producteur. « Ce sont des grandes personnes, elles sont libres de sortir avec qui elles veulent. Pourquoi on doit s’intéresser à leurs relations » assène un fan d’un musicien de la RDC.
Les chanteuses disparaissent aussi de la scène quand elles se marient. Elles arrivent difficilement à concilier carrière musicale et vie familiale. Sauf si l’heureux époux est un habitué de la scène musicale (musicien, producteur, manager, etc.).
Je crois que les dames ont leur place sur scène, car le secteur musical donne la chance à tout le monde sans distinction. Les raisons évoquées dans cet article ne peuvent en aucun cas justifier l’absence des femmes dans l’industrie musicale de la RDC. Elles doivent plutôt saisir les opportunités et se lancer dans la musique. Mais on ne peut toujours pas prédire si un artiste restera longtemps sur scène. Dans ce cas, les femmes ne font pas exception.
Comments
Log in or register to post comments