Le kwaito en Namibie
Par Selma Neshiko
La musique namibienne comprend un certain nombre de styles folkloriques tels que l’oviritje , le damara punch, la musique afrikaans, le hikwa, le shambo, le kwiku, ainsi que la pop, le rock, le reggae, le gospel, le jazz, la house et le hip-hop, bien que le kwaito soit représentatif de la musique namibienne. Le kwaito est considéré comme le porte-parole des ghettos en Namibie. Le kwaito permet à de nombreux artistes d’exprimer les difficultés rencontrées dans leurs communautés, ou pour se vanter de ce qu'ils ont ou veulent réaliser. Le genre plait tellement au public que de nombreux artistes se lancent dans le mouvement kwaito.
Le kwaito est le genre musical le plus populaire et prospère en Namibie. Il est fortement soutenu par les jeunes, qui pour échapper à la désespérance des townships, se lancent dans le secteur de la musique ; seul moyen leur permettant de gagner leur vie et d’atteindre la notoriété. Pour des raisons socio-économiques, de nombreux artistes se lancent dans le secteur musical leur permettant de travailler à leur compte avec l’espoir de pouvoir en vivre.
Racines sud-africaines
Le kwaito namibien est renforcé et directement influencé par le kwaito sud-africain qui émerge au début des années 90. A de nombreuses reprises, la question de savoir si le kwaito n’est pas une musique namibienne mais sud-africaine, est soulevée. Cependant, au fil des ans, des artistes namibiens introduisent un autre genre de kwaito, ce qui le rend légèrement différent de la version sud-africaine et fièrement namibien.
La différence réside en grande partie dans la production. Les producteurs namibiens ont tendance à concentrer leur production sur la musique de fête. Même si certains admettent l'influence sud-africaine, ils produisent un style qui leur est propre et ce dès le début des années 2000. Les amateurs de musique apprécient le kwaito namibien non seulement parce qu'il se distingue du kwaito sud-africain, mais parce que les fans s’identifient aux chansons.
Le kwaito namibien devient populaire dans les années 2000 et depuis, des artistes d'autres genres rejoignent le mouvement en raison de sa popularité. Le kwaito est ce que les fans de la musique namibienne veulent entendre. Le message est la raison pour laquelle le public soutient la musique africaine. Aujourd'hui le kwaito est toujours apprécié principalement dans les townships de la Namibie, car les gens s’identifient au message et le kwaito est un moyen pour les artistes de joindre les deux bouts.
Fait intéressant, il y a très peu de collaborations majeures entre les artistes sud-africains et namibiens. L’exception est le namibien BOG, qui apparait sur le titre inédit de l’album Umdlwembe de Zola en 2000, produit par Namibian Elias Newton. Gazza est l'un des rares à collaborer avec ses homologues sud-africains, à savoir DJ Cleo, Mandoza, Zola, Brown Dash et Bleksem. The Dogg joue occasionnellement en Afrique du Sud au cours de ces dernières années et travaille avec divers artistes sud-africains.
Les artistes et albums de référence
Matongo Family de Katutura compte parmi les pionniers du kwaito namibien. Le trio est le premier à lancer le kwaito sur la scène namibienne. Ils sont célèbres depuis 1998 et sont sans doute les seuls musiciens confirmés du kwaito jusqu'en 2002. On note parmi les premiers interprètes du kwaito, feu Pablo, le rappeur namibien Oshiwambo, Shikololo et Guti Fruit. The Dogg, Legg-Ghetto et Gazza sont également considérés comme les pionniers du kwaito namibien.
The Dogg et plus particulièrement Gazza contribuent à façonner le genre que nous connaissons aujourd'hui. Peu après leur arrivée sur la scène namibienne, la demande populaire pour les artistes internationaux diminue. Pour cette raison, les deux sont non seulement reconnus pour leur contribution au mouvement kwaito, mais à la musique namibienne en général. Autres talents remarquables à noter : Sunny Boy, EES, Qonja, Bone Chuck, Exit, Mushe, Uno Boy et Dollar 6 qui se font connaitre après l’arrivée de The Dogg et Gazza. Ces artistes assurent la croissance du mouvement kwaito au point où, aujourd'hui, il y a plus d'artistes kwaito que tout autre genre en Namibie.
Le premier album de The Dogg, Shimaliw 'Osatana, sorti en 2004, est considéré comme la référence du kwaito namibien, car c’est le premier album de kwaito enregistré en Namibie par un artiste namibien. D’autres albums de référence contribuent à façonner le kwaito namibien notamment Zula II Survive (2004) de Gazza, Take Out Yo Gun (2004) de The Dogg, Young Black en Gifted 2005) de Sunnny Boy et Koek n Jam (2006) de Qonja.
Le kwaito namibien reflète la beauté et la dureté de la vie dans le ghetto, des thèmes enracinés dans le lyrisme et chantés dans la langue des townships. Le kwaito namibien proteste non seulement contre les injustices de la vie mais met l'accent sur l'espoir, souvent sous un angle politique. La politique n’intéresse guère les jeunes même si beaucoup partagent la même vision d’un avenir meilleur.
Seule une poignée d'artistes namibiens arrive à enrichir leurs performances au-delà de la norme, à savoir Exit, The Dogg et Gazza. Ces artistes engagés atteignent un public plus vaste, faisant d'eux les artistes les plus populaires du pays
Les grands labels
Les artistes namibiens sont déterminés à étendre leur audience. La Namibie ne dispose cependant d’aucune société de production et de distribution. Selon les critiques locales, le manque d’initiative et de professionnalisme ainsi que l’absence de réseaux de publicité et de distribution efficaces, sont les principaux facteurs ralentissant la croissance de la scène musicale locale. Un grand nombre de musiciens restent dans l’ombre par manque de visibilité médiatique et de soutien.
Gazza Music Production (GMP Records) et Mshasho Productions émergent toutefois pour devenir les deux plus grands labels promouvant le kwaito en Namibie. Mi-2015, GMP devient le premier label namibien à signer un accord de distribution et de production avec Universal Music en Afrique du Sud, une étape majeure donnant ainsi aux artistes namibiens une visibilité accrue sur le continent et ailleurs.
L’avenir du kwaito namibien
Eric Sell, aka EES ou Eric Easy Sell propulse le kwaito namibien sur la scène mondiale. EES d’origine germano-namibienne, est le premier blanc du mouvement kwaito en Namibie et joue un rôle majeur dans la promotion du kwaito en dehors du territoire. Il remporte plusieurs prix, dont un MTV Listeners Choice Award (en 2009), le prix du meilleur artiste international au NAMA (2011) et du meilleur clip sur Channel O en 2012 pour 'Ayoba', une collaboration avec la star du kwaito sud-africain Mandoza. EES continue de représenter et de promouvoir le kwaito namibien en Europe.
D'autre part, certains « visages » du kwaito en Namibie se détournent progressivement du genre vers la house par exemple suivant l’exemple sud-africain même si le public fidèle les considère comme des artistes du kwaito, preuve que certains trouvent difficile d'accepter d'autres genres. Aujourd’hui, le mouvement kwaito est si divers que les artistes namibiens peuvent facilement collaborer avec des musiciens de la house pour produire de nouvelles fusions, phénomène qui semble être l’avenir du kwaito.
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