Maroc : Hajja Hamdaouia, la diva du chaabi s’en est allée
Après une carrière de plus d’un demi-siècle, l’iconique Hajja Hamdaouia est décédée dans la nuit du 4 au 5 avril 2021, à l’âge de 91 ans. Monument de la chanson populaire, elle aura eu une vie pleine de rebondissements. Vedette dès les années 50, star incontestée des années 60/70, elle connaîtra l’anonymat et la misère dans les années 80/90, avant de revenir sur le devant de la scène, plus forte que jamais, dans les années 2.000.
Par Amine Boushaba
Née à Derb Sultan, quartier populaire de Casablanca, Hajja Hamdaouia, est piquée par le virus de la chanson très jeune. Encouragée par un père mélomane, elle est remarquée pour sa liberté de ton et son audace et se voit proposer un rôle par la troupe du quartier.
Malgré cette relative liberté, il n’était pas question qu’elle fasse de la musique son métier. Sa famille s’y oppose farouchement. Il faut dire que la Aïta, sorte de blues des plaines côtières dans la région de Casablanca, genre dans lequel elle excelle, était considéré à l’époque comme peu recommandable, trop érotique.
Qu’importe, elle suivra sa passion quitte à être renié. Elle ne tardera pas à d’être adoubée par le célébrissime Salim Hallali (chanteur populaire algérien), qui l’enrôlera sous sa bannière alors qu’elle n’avait que 22 ans.
C’était l’époque du fameux Coq d’or, célèbre cabaret que le chanteur judéo-algérien (et marocain d’adoption ) avait installé au cœur de la médina de Casablanca.
En 1953, elle composera son premier tube « Wailli a chibani », dénonçant la déposition du Sultan Mohammed V par le protectorat français. Un « geste spontané » dira-t-elle, qui lui vaudra un passage par les geôles françaises, une période de clandestinité et quelques années d’exil.
À Paris, débutera une nouvelle vie. Dans la Ville Lumière, elle se lie d'amitié avec de grands chanteurs et musiciens maghrébins tels que Raoul Journo, Ali Riahi, Maurice Mimoun, Samy Elmaghribi, Albert Souissa, Cheikha Remitti et bien d'autres. Des années plus tard, elle y retournera en grandes pompes et fera l’Olympia, Le Zenith, Bercy ou encore l’Institut du monde arabe.
De retour au pays, elle aura l’idée de constituer un véritable orchestre patchwork où cohabitait orgue, violons, tambourin, saxophone et guitare électrique. Ce sera la première à fusionner la Aïta avec le chaabi, créant une sorte de pop marocaine qui fera sa renommée. Ce fut la période de la gloire.
La radio- télévision lui ouvre grand ses portes, les familles nanties la courtisent, les studios d’enregistrement, Pathé Marconi, Boussiphone, Casaphone ou Tichkaphone, s’arrachent ses faveurs à coups de ponts d’or.
Généreuse, Hamdaouia ne compte pas son argent, sa maison, au quartier des orangers à Rabat, est ouverte à toute personne dans le besoin, elle n’adoptera pas moins de 10 enfants et mènera grand train.
Malheureusement, un tournant dramatique et fatal autour d’une rixe va l’écarter des projecteurs. Celle qui telle une cigale n’avait gardé aucune réserve pour l’été, se retrouva à tirer le diable par la queue, avant de disparaitre et se faire oublier pendant presque deux décennies.
Minée par la maladie, la star déchue, totalement démunie est retrouvée, début des années 2.000, dans une pièce misérable à Tanger. Une découverte qui a ébranlé l’opinion publique et suscité un tollé général.
Emu par son sort, le Roi Mohammed VI la sort de la misère, les médias s’emballent et la revoilà tel un phœnix, sur scène avec un naturel déconcertant, l’allure alerte, la voix quelque peu enrouée, mais l’œil toujours vif.
Les nouvelles générations la redécouvrent et l’adulent. Du rang de star déchue, Hajja Hamdaouia se transforme en légende vivante. Sa dernière sortie a eu lieu en 2018 lors de la 15e édition des Andalousies Atlantiques, lors d’un concert magistral en duo avec Raymonde El Bidaouia, dont les spectateurs gardent un souvenir ébloui.
Ses titres « Daba Yji ya lhabiba », « Jiti majiti », « Dada ou hiyani », « Mal hbibi malou ‘liya » ou encore « Hna mada bina » resteront à jamais inscrits dans le patrimoine marocain.
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