À travers l'objectif : Samuel Nja Kwa, ou l'art de capturer l'âme des artistes africains
Samuel Nja Kwa, photographe autodidacte né à Paris en France de parents camerounais, a consacré de nombreuses années à parcourir les salles de spectacle pour capturer les moments les plus mémorables des musiciens africains. Dans cette entrevue avec Lamine BA, en marge du festival Togoville Jazz, il nous entraîne dans son incroyable aventure, parsemée de triomphes et de défis passionnants.
Bonjour Samuel ; vous sillonnez les scènes du continent et d’ailleurs, pour photographier les artistes africains. Qu’est-ce qui vous inspire dans ce métier ?
Bonjour ; ce qui m’inspire, c’est la créativité de nos artistes et la façon qu’ils ont de transmettre leur art au grand public…
C’est toujours une chose spéciale de les voir monter sur scène pour communiquer leurs émotions aux gens. Ce sont des moments que j’aime capturer.
Comment choisissez-vous les artistes que vous allez photographier ?
Vous savez, j’aime tous les artistes et je n’ai pas de préférence pour un en particulier.
Je parcours les concerts, je photographie ceux que j’y rencontre sans m’imposer le moindre critère, quoique pour enrichir mon catalogue, j’évite de mettre mon focus sur les mêmes visages.
J’aime braquer mon appareil sur des créateurs nouveaux, ceux que je n’avais pas encore photographié avant. Tout ce qui me passionne c’est la découverte.
Après avoir écouté les artistes dans leurs disques, mon métier m’offre bien souvent le privilège de les voir se produire en live ; pour moi ce sont des moments uniques et j’aime les immortaliser sans trop m’imposer de conditions.
Après, je dois admettre que je ne fréquente pas toutes les scènes ; je n’ai jamais été à un concert de musique classique par exemple pour photographier des artistes. Ceux que j’ai dans mon catalogue, appartiennent à un univers musical qui me passionne et que je côtoie.
Quelles sont les défis que vous rencontrez dans votre métier de photographe d’artistes ?
Le plus grand défi pour moi, c’est de réaliser des captures à travers lesquelles l’artiste pourra se reconnaître et se remémorer l’instant de la prise.
Une fois j’ai photographié Omar Sosa pour un livre sur le jazz ; 4 ans plus tard je lui ai présenté le document et pour lui c’était une joie immense. Chaque détail de l’image lui évoquait quelque chose : sa chaussure ce jour-là, ses lunettes, l’ambiance du concert…
Quand ma photo rappelle des choses à l’artiste et suscite en lui ce type de sentiment, pour moi c’est contrat rempli !
Comment parvenez-vous à capturer l’essence et la personnalité des artistes que tu photographies ?
Je passe beaucoup de temps avec les musiciens et chaque discussion avec eux me sert grandement dans mon travail.
Bien souvent, je les interroge sur des choses qu’on ne leur demande pas forcément en conférence de presse : leurs couleurs préférées, leurs plats favoris, leurs destinations de vacances, pourquoi le choix de tel instrument sur telle chanson…
Toutes ces indications me permettent ensuite de réaliser la meilleure illustration de l’artiste et surtout de la personne que j’ai eu la chance de rencontrer.
Samuel, avez-vous une technique spéciale pour créer une ambiance dans vos photos ?
Je dois avouer tout de suite que je n’ai pas fait d’école de photographie ; j’ai appris sur le tas et sincèrement, je n’ai pas de technique spéciale pour mes prises.
Il y a juste quelques règles essentielles que j’applique ; notamment ne pas utiliser de flash sur scène, rechercher les meilleurs angles de lumière pour les prises, éviter les micros pour mettre en avant le visage du musicien ou ses mains.
Je fais beaucoup de plans rapprochés et j’utilise un objectif 80 : 200 pour une ouverture de 2 : 8 et cela fait entrer beaucoup de lumière dans mes prises.
Mon plus grand challenge c’est de pouvoir isoler le musicien dans mon cadre sans rien lui dire, pour avoir des plans parfaits. Pour cela, je suis mobile autour de lui, je cherche les angles, je me baisse en contre-plongée, je fais tout ce que je peux…
Il faut aussi beaucoup de patience pour avoir les captures que l’on souhaite – c’est une des règles de la photographie, il faut observer et attendre ; le bon moment finit toujours par arriver...
Comment intègres-tu les cultures et l’histoire de l’Afrique dans tes portraits ?
La plupart des artistes que je photographie sont africains ou afro-descendants ; qu’ils soient du continent ou d’ailleurs, ils sont tous héritiers de la grande histoire du peuple noir et leurs personnalités se dévoilent bien à travers mes images.
Quand je réalise des portraits de musiciens, j’aime montrer la part d’africanité qu’il y a dans leurs créations, et même quand je photographie un afro-américain par exemple, c’est pour montrer le « noir » qu’il est et toujours rappeler le lien culturel avec l’Afrique.
De l’autre côté de l’Atlantique, on dit que le basket ou certaines danses caribéennes font penser à des réalités d’Afrique, ce qui est tout à fait normal, car l’Afrique est la terre mère. J’aime le faire ressentir dans mes photos.
Qu’est-ce que les gens ressentent en regardant vos portraits ?
Beaucoup d’émotions (rires). Une fois, à Marseille, en France, une dame est venue toute émue après une exposition, me demander si les photos étaient vraiment de moi…
Des fois quand j’organise les expositions, les gens sont si admiratifs qu’ils s’étonnent de savoir que je suis l’auteur des images.C’est ce sentiment que j’observe bien souvent et pour moi ce n’est que du bonheur.
Que fais-tu habituellement quand tu dois aller photographier un artiste ?
Je me documente sur lui, j’essaie d’avoir le maximum d’informations liées à sa personnalité. Je vois ses interviews, j’essaie de trouver des réponses à des questions qui m’aideront à cerner un peu plus son univers.
Je parcours aussi la toile pour voir les différentes images qui ont déjà été prises de lui, afin de ne pas reproduire quelque chose qui existe déjà.
Samuel, de quoi sera faite ta prochaine collection de photos ?
Je suis de plus en plus passionné par les images prises hors-scène et c’est ce vers quoi je me dirige à présent. Je vais aussi continuer à prendre des clichés en plein concert ou en showcase mais avec une approche encore plus large.
Il y aura bien-sûr ces plans où je me focaliserai sur l’artiste lead de sorte à faire de lui le modèle photo d’une collection, mais je vais aussi réaliser des prises plus grandes pour capturer des bands entiers et même souvent zoomer sur d’autres musiciens que le leader, car parmi ceux qui accompagnent, on peut aussi avoir de futurs stars.
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