Ilam : « je chante une Afrique urbaine et connectée ! »
Par Mouaad El Yaakabi
Le rendez-vous a été longtemps différé et le public montréalais attendait avec impatience de retrouver Ilam. 3 ans après la sortie de son second album Néné, et ralenti par une pandémie qui n’a que trop impacté les projets de bien des artistes, le natif de Dakar a enfin pu défendre son opus devant son public, dans la ville où il a élu domicile depuis 2014. Et quelle meilleure arène que celle du festival Nuits d’Afrique, à Montréal, pour le faire ?
Au lendemain de la remarquable Sona Jobarteh, Ilam avait l’un des créneaux les plus convoités des Nuits d'Afrique 2023, le samedi à 20 heures, sur la scène principale, preuve de la confiance des organisateurs du festival dans le talent du jeune homme.
Il a embarqué le public dans son monde fait de blues, de rock et de reggae, le tout teinté de hip hop, le style par lequel tout a débuté pour lui. Tout en douceur et en énergie communicative.
La révélation Radio-Canada en musique du monde de 2016 se savait attendue, et comme on dit dans cette partie du monde, il a fait la job.
Timide en ville, Ilam, de son vrai nom Abdoul Karim Tall, se sent dans sa zone de confort derrière le micro. Il s’est confié à nous quelques heures avant de monter sur l’une des plus belles scènes d’Amérique du nord.
Ils étaient plusieurs milliers devant Sona Jobarteh, et pour toi, le public montréalais a aussi répondu présent. Dans quel état d’esprit étais-tu au moment de leur présenter ton dernier album ?
J’avais vraiment hâte d’honorer ce rendez-vous. Ce concert était dans mes pensées depuis longtemps et j'étais très excité à l’idée de présenter mon nouvel album au public de Montréal. Il est sorti pendant la pandémie et je l’avais présenté en virtuel, donc sans public.
J’avais déjà eu l’occasion de le jouer ailleurs mais pas encore à Montréal. C'était très émouvant parce que cette ville m’a beaucoup apporté artistiquement et représente beaucoup pour moi. C’est ici que je me suis révélé comme artiste, en côtoyant des musiciens de tous horizons pendant les nombreuses jam sessions que je faisais quand je m'y suis installé. Des amis et des fans étaient là pour me voir sur scène.
C’était une pression positive. C’était pour moi, la deuxième fois de jouer sur la scène principale des Nuits d'Afrique, la première fois c’était en 2017. En plus c’est tombé un samedi soir, donc on a pu s’amuser et vivre un bon moment.
Ton dernier album est titré Néné, c’est un double hommage à ta mère et au Sénégal. Qu’est-ce que tu as mis dans ces chansons ?
Néné c’est lié à ma famille, ça veut dire « maman » en peul, ma langue natale. C’est pour rendre hommage à ma mère et aussi à ma grand-mère, paix à son âme. J’ai mis beaucoup d’émotion dans cet album mais aussi beaucoup de rythme. La trame c’est l’afro-blues ; c’est une musique de vibration, de tristesse mais également de libération. J’aime le fait que le rythme aille crescendo, avec plusieurs sections.
Il y a aussi du hip hop parce que je suis fier de dire que je suis un produit de ce style. J’aime quand ça bouge...
Sur cet album j’ai également collaboré avec Baaba Maal, un artiste pour qui j’ai beaucoup de respect et que j’écoute depuis mon enfance. Mon père écoutait sa musique sur des cassettes à l’époque, et je m’amusais à y enregistrer ma voix ; cela avait le don d’énerver mon père. Je suis allé chez Baaba Maal au Sénégal et il m’a accueilli avec beaucoup d’humilité. Il est même venu à Montréal spécialement pour enregistrer avec moi. On a fait une chanson qui s’appelle « Laram », qui signifie mon ami. Pour moi c’était un rêve d’enfant qui se réalisait.
Cet album est aussi un message de partage et de communion. Un clin d'œil à la nature, cette planète qu’on partage et dont on doit bien prendre soin.
Je veux aussi montrer une Afrique contemporaine, douce et dans l’air du temps. On me reproche parfois de ne pas avoir de kora, ni de djembé dans ma musique, c’est parce que je souhaite donner à entendre autre chose de l’Afrique - je chante une Afrique urbaine et connectée.
Tu es dorénavant bien établi sur la scène montréalaise, quelle est la prochaine étape de ta carrière ?
La prochaine étape c’est l’Europe et ça commence avec une tournée de plusieurs concerts en septembre, notamment des dates à Paris. Je vais y présenter mon album et dans l’optique d’y développer ma carrière.
L’Europe est une étape importante parce que ça te donne accès à beaucoup de marchés, un plus grand public. J’ai joué plusieurs fois en Belgique et en France mais cette fois-ci j’y vais avec plus d’ambition.
D’ailleurs pour mon troisième album je cherche à collaborer avec des éditeurs et des labels là-bas. L’Europe c’est le spot !
Montréal m’a beaucoup donné et notamment des ailes pour pouvoir voyager avec mes instruments et m’épanouir. Il est temps pour moi de les déployer. Je suis quelqu’un qui croit qu’avec du travail on peut arriver à tout.
Tu as donc abordé la thématique de la mère dans Néné, quels sujets vas-tu explorer dans ton futur projet ?
Pour ce prochain album j’ai fait plusieurs résidences, en Guyane et au Sénégal notamment. Pour moi c’est toujours important de retourner aux sources. Ce sera un album plus bluesy et africain dans l’émotion, la vibration. Selon moi, il promet et j’ai hâte de le finir.
J’y parle d’amour, d’amitié, de santé, femmes aussi. Ça suit mon cheminement personnel en fin de compte. Mes sources d’inspiration sont mes amis, mes proches, les rencontres que je fais. Je vais aborder des thématiques universelles qui nous touchent tous quel que soit notre quotidien.
Pour moi la musique n’a pas de langue, la musique de Michael Jackson me faisait vibrer même lorsque je ne parlais pas anglais. Et c’est ça que je souhaite faire, toucher tout le monde. Et ce sera également un album métissé, je n’ai pas peur de tenter des choses.
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