Les femmes dans la musique en Mauritanie
L’implication des femmes dans la musique mauritanienne est originelle et historique. Les temps modernes et l’urbanisation ont comporté des mutations sociales de divers ordres, sans pour autant exclure la présence de ces musiciennes dans la production. Aujourd’hui, bien plus qu’hier, certaines s’adaptent à l’environnement oscillant des directions esthétiques et contextualisent leurs apports artistiques aux réalités et besoins de l’actualité.
Un trio féminin aux origines iconiques du chant et de l’Ardîn…
Dans les premiers aspects du patrimoine musical mauritanien, la production communautaire de la musique était de mise, mais certaines formes comme le yela, scandé avec les rythmes des percussions gumbali peul, et le bandjéa, chœur homophonique des mauresques, étaient exclusivement féminines.
À côté du chant, la pratique instrumentale de l’Ardîn maure a plus gagné en popularité internationale et demeure rattachée aux femmes comme exécutantes. Les nombreuses vidéos abordant cette musique traditionnelle, diffusées et circulant sur la chaîne Youtube, confirment les archives discographiques des premiers ethnomusicologues.
Elles ôtent le cliché populaire de la masculinisation de la pratique instrumentale, et confèrent un rang premier aux femmes, quant à leur implication dans le domaine et l’histoire de la musique mauritanienne.
En effet, dès les années 1980, Dimi Mint Abba, Tahra Mint Hembara et Aïcha Mint Chigalih, trois chanteuses et instrumentistes, ont été les premières représentantes internationales de l’implication des femmes dans la musique mauritanienne. Elles étaient à la direction d’ensembles musicaux, également constitués d’hommes.
Ce trio partage la particularité d’être héritier d’un apanage musical émanant de leurs environnements familiaux. Elles ont acquis dès l’adolescence l’art du chant et la maîtrise de l’Ardîn, pour se professionnaliser avant la majorité et, constituaient les premières représentations iconographiques de la musique mauritanienne.
Les divas héritières
L’actualité de la production discographique et de la scène musicale mauritaniennes conserve l’héritage ancien émanant du trio d’icônes, issu de l’esthétique purement traditionnelle.
Cependant, la liberté de création et d’élaboration des œuvres contemporaines et leurs enjeux artistiques et commerciaux à l’étranger, constituent les principales motivations d’adoptions de lignes des créations nouvelles. Elles sont légitimement incarnées par Malouma Bint Meidah et Noura Mint Seymali : divas respectivement attitrées du « blues » et du « désert », qui participent à faire connaitre leurs musiques hors des frontières mauritaniennes.
Malouma Bint Meidah : elle est née en 1960 et a été parlementaire au sénat mauritanien. Plus connue sous le nom de scène de Malouma, elle est issue d’une famille de musiciens dans laquelle elle parfait son éducation musicale au chant traditionnel et à l’Ardîn.
Elle œuvre à la conservation scientifique du patrimoine et s’ouvre un univers sonore éclectique, en travaillant artistiquement avec des ensembles symphoniques arabes d’Égypte et un pianiste de jazz allemand. Elle a entrepris des collaborations avec des musiciens d’obédience urbaine : rap et musiques électroniques dans son 4e album, Knou.
Noura Mint Seymali : également chanteuse et joueuse d’ardîn, elle entame dès 13 ans, une carrière précoce d’interprétation et de composition du répertoire de sa famille griotte. C’est tout en conservant l’apport de cet héritage que son esthétique évolue et fusionne avec des expériences dans le rock et le blues, ( « Na Sane » de l’album Arbina paru en 2016) en compagnie de son mari et guitariste électrique Jeiche Ould Chigali.
De nos jours, l’implication des femmes dans ce processus d’ouverture musicale est véritablement du domaine de l’avant – garde artistique mais aussi sociale, à travers diverses formes de militantisme.
Être musicienne aujourd’hui en Mauritanie
La création musicale contemporaine en Mauritanie présente une multiplicité d’obédiences esthétiques, dans lesquelles les femmes sont assez représentées.
La musique traditionnelle se perpétue surtout avec Aïcha Mint Chigalih, après le décès en 2011 de Dimi Mint Abba, prolifique représentante internationale. Malouma et Noura Mint Seymali, incarnent l’ouverture de cette tradition et prônent à leur manière un militantisme sur des thèmes sociaux, abordant entre autres aspects : la sensibilisation à la prévention de maladies comme le cancer du sein, le respect des droits et libertés, la veille sur l’extrémisme religieux, les problèmes politiques en Afrique et indirectement une permanence de la présence féminine sur les scènes musicales locales et internationales.
Une illustration de ce fait a été l’annonce en avril 2019, de Noura Mint Seymali, à l’affiche de la 27e édition du festival de jazz de Saint-Louis au Sénégal, dont le thème était intitulé « Les femmes à l’honneur ».
Cependant, les musiques actuelles issues des mouvances urbaines et tendances expérimentales (Hip Hop, world music, fusion afro beat) sont moins représentées par les femmes musiciennes, du fait sans doute de leurs constitutions masculines originelles et des considérations sociales. Le morceau « Komi Debbo » (Je suis une femme) du groupe « Les filles du bled », illustre cette réalité socioculturelle.
Avant ce premier et ex-ensemble féminin de rap de la fin des années 2000 et Sister Feuz, considérée comme la première rappeuse en 1992, il y a peu peu célébrités.
Aujourd’hui, Dally Ann, qui a fait école auprès du groupe de rap Consensus Crew puis de Malouma, en tant que choriste, est en phase de porter le témoin du relais presentiel auprès de la jeune génération de musiciennes mauritaniennes.
Avec une certaine expérience des scènes internationales acquises à partir 2012 (Dakar, Meknés, Londres…) et des réalisations évocatrices sur son éclectisme et ses capacités d’enracinement (Delo Dembeu ») et d’ouverture (« Take me to the max »), elle semble sortir du lot d’un début de reconnaissance et de célébrité.
Une station qu’elle pourrait partager avec Ebène participante au volume 1 de Thiagal, célèbre mixtape du rappeur Adviser, et à la compilation The Mauritanian Hip Hop du collectif Exp’Rim.
Dioba est aussi une autre figure féminine de la scène mauritanienne. Compositrice, guitariste et chanteuse, elle a été finaliste du Prix Découvertes 2015 et chanson francophone de l'année 2016.
Chanteuse du groupe de rap mauritanien « Mbeguel Africa » à ses débuts, Elle a travaillé avec de nombreux artistes dont Malouma et Ousmane Gangué mais aussi Fallou Dieng et Jimi Mbaye.
En 2016, elle signe l’album Urban Gawlo. Dioba est l'une des artistes folk de la scène musicale mauritanienne.
La présence des femmes dans la musique mauritanienne est une réalité culturelle et historique, même si les statistiques des tendances musicales actuelles rament à contre-courant de ce fait. Ce cadre numérique reste tout de même constitué d’une pépinière à transplanter pour le futur de cette musique, et la permanence du postulat féminin dans son histoire.
Sources
- Bal, A. (2019), La musique populaire mauritanienne, https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/la-musique-populaire-mauritanienne
- Bangoura, B. (2019), La musique traditionnelle de la Mauritanie, https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/la-musique-traditionnelle-de-la-mauritanie
- Boukanga, J. de D. (2019), Women independance Festival, les femmes célébrées, https://https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/women-independence-festival-les-femmes-celebrees
- Rmi Info (2015), Hip Hop mauritanien : quelle femme sera la première à sortir un album, https://http://rmi-info.com/hip-hop-mauritanien-quelle-femme-sera-la-premiere-a-sortir-un-album/
- Seck, Nago (2019) Top 10 des artistes mauritaniens les plus populaires https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/top-10-des-artistes-mauritaniens-les-plus-populaires
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Édité par Lamine BA
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