4 questions à Senaya, la chanteuse à l'« âme métisse »
Par Mouaad El Yaakabi
18 ans après son premier opus, Garde la tête haute, Le Festival international Nuits d’Afrique de Montréal (Canada) a invité la chanteuse Senaya pour un concert où elle a présenté au public sa toute nouvelle production, Soûlkreôl Vol.1//Roots/Racines. Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour sortir un nouveau disque ? Nous lui avons posé cette question et bien d’autres...
Senaya c’est le feu et la glace ! Sur scène et dans la vie, l’artiste multi-tâche a un tempérament bouillonnant doublé d’une personnalité rafraîchissante.
Née à Dakar (Sénégal) d’un père sénégalais et d’une mère guadeloupéenne, elle se définit comme une âme métissée, et sa musique comme de la Soûlkreôl.
Jamais là où on l’attend, elle navigue entre plusieurs styles musicaux, passant du folk au blues, du gwoka au zouk et même le gospel. Elle trace une ligne entre l’Afrique de l’Ouest, les Antilles et l’Amérique du Nord, où elle s’est établie depuis plus de 20 ans.
Âme métissée, Senaya est aussi une âme et une artiste libre. Elle a fait le choix de rester indépendante et mène sa carrière et sa barque à l’instinct.
18 ans, ça correspond à l'âge d’un jeune adulte ; pourquoi avoir attendu tout ce temps avant de sortir votre deuxième album ?
C’est le temps de le mûrir. Le temps des galères aussi puisque j’ai fait le choix d’être une artiste indépendante donc je n’ai pas les mêmes moyens qu’une major. Je dois prendre mon bâton de pèlerin et démarcher, élaborer une stratégie, trouver des partenaires et des fonds.
Je voulais aussi trouver ma place dans l’industrie musicale, en tant qu’artiste. Pour moi, être artiste ce n’est pas juste un métier, c’est qui je suis, et tu ne peux pas démissionner de qui tu es.
Je me suis rendu compte que c’était une partie intégrante de moi, c’est quelque chose que je ne peux pas laisser tomber. Pendant ce temps, j'ai continué de jouer, notamment à l’international.
Aviez-vous des appréhensions avant de monter sur scène et présenter ce nouveau projet ?
Oui bien sûr. Je suis comme tous les artistes, et peut être tout le monde - on a tous envie d’être aimé...
J’avais aussi beaucoup d’appréhension parce que l’album est éclectique et j’avais peur que les gens ne comprennent pas. Ma musique a beaucoup évolué depuis le premier album. Comment mes fans allaient prendre ce virage ?
Mais j’aime la scène, c’est là où j’ai appris mon métier. Je suis une artiste de concert et pas de studio. Donc j’avais hâte de revoir les gens, les rencontrer. L’avantage de jouer dans un festival à l’extérieur. Certains viennent exprès pour toi mais d’autres te découvrent. Le fait que ces concerts de Nuits d’Afrique soient gratuits amène aussi un public qui normalement ne peut pas se permettre de payer une place pour un spectacle, et je trouve ça bien.
Finalement la foule a bien apprécié et j’ai eu de très bons retours de leur part à la fin du concert.
Soûlkreôl Vol.1//Roots/Racines, c’est 9 titres où tu navigues entre beaucoup de style, de langues également, pourquoi laisser exprimer autant d’univers ?
C’est ce que j’entends par le Soûlkreôl, l’âme métissée que nous avons tous au fond de nous, j’en suis convaincue.
Je suis sénégalaise par mon père et guadeloupéenne par ma mère. Je suis née au Sénégal mais j’ai vécu dans plusieurs pays, et je parle plusieurs langues dont le wolof, le créole, l’anglais et le français. Pour moi la musique est une langue et c’est elle qui prime. Donc lorsque je compose je choisis la langue selon sa musicalité.
Je chante qui je suis au final, une âme métissée, et je voulais montrer en 9 chansons quelques facettes de ma personnalité. J’aurais pu en faire plus d’ailleurs !
Mais si tu écoutes attentivement, mon album a quand même un fil conducteur. Que ce soit le blues, le makossa, le zouglou ou le zouk, ce sont toutes des musiques noires.
Ma musique est très axée sur le rythme, et pour moi le rythme c’est l’Afrique. Donc pour moi dans cet album il n’y a pas de cassure.
C’est un choix audacieux, mais qui peut brouiller les pistes pour les professionnels qui préfèrent la clarté non ?
C’est assumé ! Dès mon premier album, j’ai été catalogué musique du monde alors que c’était un album rnb, avec un peu de pop et de blues. Et comme j’aime naviguer entre plusieurs mondes, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde, je me suis dite : lance toi !
Je n’ai de compte à rendre à personne alors j’y suis allée franchement et je me suis amusée. J’ai l’impression que les gens ont aimé et pour moi c'est le plus important.
Commentaires
s'identifier or register to post comments