Dalah’sh Hip hop Festival 2023 : une semaine d'exploration profonde et de créativité débordante
Au cœur de la scène urbaine du Bénin, le Dalah'sh Hip-Hop Festival 2023 a été bien plus qu'une simple réunion musicale. Du 21 au 26 août, cet événement emblématique a ouvert ses portes à une semaine de discussions percutantes, de performances enflammées et d'explorations artistiques audacieuses. Rassemblant des artistes de toutes les générations et des passionnés de hip-hop, le festival a servi de carrefour où les idées ont fusionné, où les pratiques ont convergé et où les voix du hip-hop se sont unies pour former un crescendo puissant.
Que retenir de cette semaine où se sont combinés des éléments éducatifs, créatifs et festifs ? Comment le festival a créé un environnement propice à la croissance du hip-hop béninois et à son impact durable sur la culture locale et internationale ? Retour sur événément !
La jeunesse connectée et les enjeux des pages digitales
La première journée du festival Dalah'sh a démarré avec un panel interpellant et captivant. Les Twins Dossou-Yovo, Jaurès Kévin ADJINDA, Prince Kevin HOUNDALO et Médard CLOBECHI ont partagé leurs regards et perspectives sur l'utilisation des pages sur les réseaux sociaux comme médias de propulsion des artistes hip-hop. La discussion s'est étendue aux défis et opportunités liés aux techniques d'intéressement et aux lignes éditoriales propres aux différents acteurs de ce monde digito-musical. Les intervenants ont souligné l'importance de maintenir une présence en ligne authentique tout en évoquant les différentes stratégies pour optimiser la présence sur leurs canaux. S'adapter aux besoins des internautes reste sans doute l'un des points les plus marquants à prendre en compte. Ces pages-médias indépendants ont également permis de percevoir la façon dont les artistes peuvent collaborer avec elles pour créer des synergies bénéfiques pour tous.
Anciens canaux et nouvelles approches
La deuxième journée a débuté par une présentation sans langue de bois du togolais Ulrich Chadare. Sa méthodologie s'affranchissant des formats théoriques et théoriciens, a permis de plonger dans le défi de l'adaptation des artistes, des labels, des acteurs de l'industrie musicale, des canaux traditionnels aux exigences actuelles. L'orateur a rappelé l'importance de respecter les fondamentaux tout en embrassant l'innovation. Les participants ont été amenés à repenser leurs stratégies et à saisir les opportunités dans un environnement en constante évolution. Deux clés cruciales évoquées par Ulrich Chadare sont la notion de réseautage et la nécessité d'adaptabilité.
Quant à l'atelier avec Yanic Tchaou (Nick), il a été une plongée profonde dans le monde du beat-making. Entre pratique et praticité, le beat-maker et ingénieur de son Nick a procédé à une création en direct, étape par étape, avec les participants. Ceux-ci ont reçu des clés pratiques pour composer des instrumentaux de qualité, des conseils pour choisir les bons échantillons et des astuces pour cultiver leur créativité. L'accent a également été mis sur la nécessité d'apprendre la théorie musicale et d'explorer différents instruments et univers d'écoute pour enrichir leur palette artistique comme créative.
Créativité multiforme
La troisième journée du festival a été marquée par une explosion de créativité sous forme d'ateliers essentiellement pratiques. Emma Lassaigne a capté l'attention des participants avec son atelier sur la réalisation de clips vidéo. Ceux-ci ont été guidés à travers le processus de création, de la conceptualisation à la mise en scène, en mettant l'accent sur l'importance de la cohérence visuelle avec le message artistique. Les échanges ont été riches en enseignements sur l'importance de chaque détail pour créer une expérience visuelle cohérente et immersive. Une phase a été consacrée au montage après une série de tournages de terrain effectuée sur les oeuvres des artistes en résidence de création dans le cadre du festival.
Parallèlement, Stefano Mitopke a dirigé un atelier d'impression sur t-shirt, plongeant dans les subtilités de la conception visuelle et de la production matérielle. Les participants ont acquis une compréhension approfondie des différents aspects de la conception graphique, des paramètres de l'impression et de la gestion de leur entreprise. Il n'a pas manqué de s'attarder sur la spécification du type de matériel à utiliser pour réussir les travaux, les paramètres à prendre en compte pour savoir comment fixer ses prix, comment amortir son matériel, et aussi le type d’impression à faire selon le besoin du client. Stefano Mitopke s'est aussi apesanti sur le travail collaboratif à entretenir avec les graphistes pour construire une charte graphique singulière mais aussi pour renouveler le stock de contenus visuels à proposer à sa clientèle. Du matin au soir, il a dirigé un atelier d'impression sur t-shirt, démontrant la symbiose entre travail manuel et technologique dans la création visuelle.
Dialogue intergénérationnel et Afrofuturisme
La matinée a été un moment d'échange touchant entre les participants, la génération actuelle et les pionniers du rap béninois. Les artistes Foo Logozo, Ishaq et Sergent Markus ont partagé leurs parcours, leurs références, les grands moments de leur époque, alliant réflexions nostalgiques et visionnaires sur l'évolution du hip-hop béninois.
Chaque intervenant assumant sa vision du rap depuis l'époque jusqu'à ce jour. De l'animateur de la séance aux artistes, les avis sont complémentaires et traversaux : " Le contenu a fait du rap ce qu’il est (Sergent Markus) ", " Si tu n’as rien à dire tu ne peux pas faire du rap (Phéno) ", " Le rap c’est pour les premiers de la classe et les bandits (Ishaq) ". Une diversité d'approche qui converge sur une même chose " le rap parlait, le rap cultivait ". Au-delà de la pratique du genre, les panelistes sont revenus sur les temps forts ayant marqué l'évolution de ce mouvement sous nos cieux. Moment que conclut subtilement et humblement Foo Logozo en ces mots : " Il faut reconnaître la place de tout en chacun ".
Les discussions ont porté sur la pertinence du contenu, l'importance de la sincérité artistique et les défis auxquels le mouvement hip-hop a été confronté. En reconnaissant leur tort de n'avoir pas su tisser la continuité après leurs initiatives, leurs créations, les artistes de l'ancienne génération ont souligné l'importance de se rallier, de l'authenticité et de la diversité des voix pour assurer la vitalité continue du hip-hop.
La soirée a été consacrée à l'exploration de l'afrofuturisme et de l'intelligence artificielle. Les échanges ont plongé dans l'idée de dépasser les limites créatives, d'explorer des réalités alternatives et de créer des récits novateurs. L'intelligence artificielle a émergé comme une alliée, ouvrant de nouvelles opportunités pour les artistes de puiser dans des ressources créatives inattendues.
L'atelier sur l'intelligence artificielle menée par Melina SEYMOUR a insisté sur l'intersection de la créativité et de la technologie. Son utilisation comme catalyseur, plutôt que substitut, a captivé les participants. Des discussions animées ont exploré comment elle peut générer des images, des mélodies et des idées musicales singulières.
Aussi, le lien entre afrofuturisme et intelligence artificielle a suscité des réflexions sur la manière dont le hip-hop peut façonner une nouvelle perspective africaine, libérée des clichés. Le dialogue s'est ensuite élargi pour aborder l'éthique dans l'utilisation de l'intelligence artificielle et de la technologie. L'importance de préserver les droits d'auteur et d'assurer une régulation équilibrée a souligné la nécessité d'une réflexion éthique rigoureuse. Surtout pour des artistes béninois et africains vivant sur le continent.
Célébration et unification
La soirée de remise des Awards a été un moment de célébration tant attendu. Les récipiendaires ont été récompensés pour leur engagement, leur innovation et leur impact dans l'industrie hip-hop. La délibération s'est avérée équilibrée réflétant la diversité des talents et renforçant l'idée d'une communauté hip-hop faite de pluralités.
Les performances des jeunes talents ont été une démonstration vibrante de l'énergie créative de la relève. La scène a vibré au son de leurs voix et de leur présence scénique, soulignant la promesse d'un avenir florissant pour le hip-hop béninois.
Fusion générationnelle sur scène
La semaine a atteint son apogée avec le grand show hip-hop du samedi soir. Les générations se sont entrelacées dans une mosaïque de danses, de rythmes apportés par Dj Roto et Dj Seven.
La prestation intimiste de Fat B, celle intense du canadien JAM KHALIL et celle des artistes invités, dont Jay Killah, Duce de la Nonocite, Amir El Presidente et Nasty Nesta, ont été l'apothéose de la soirée, avec un mélange d'énergie contagieuse, de connectivité avec le public et d'émotion enflammée.
Bilan et Perspectives d'Avenir
- Les Constats
La semaine intense du Dalah'sh Hip-Hop Festival a laissé des constats significatifs et des réflexions profondes pour l'avenir du mouvement hip-hop béninois. Les discussions intergénérationnelles ont mis en évidence une prise de conscience collective et un désir d'amélioration continue.
Voici quelques-uns des points clés mis en lumière par les participants :
- La relève passionnée et dynamique : La jeunesse hip-hop béninoise est enthousiaste et motivée. Elle aspire à contribuer au mouvement avec énergie et créativité. Ces artistes en développement sont désireux de faire entendre leur voix et d'apporter une perspective nouvelle au hip-hop local. Le festival devrait donc penser à mettre en place un dispositif de prolongement de son accompagnement, afin de permettre à ces talents de garder la flamme vive.
- L'Inclusion de tous les maillons : Le festival a fait un pas en avant en incluant différentes facettes du hip-hop, mais il y a encore des opportunités à saisir. Des ateliers spécifiques pour le DJing, le graffiti, le breakdance et le beat-boxing pourraient être intégrés pour créer une expérience plus complète. En élargissant également les catégories des Awards, le festival pourrait englober toutes les formes de créativité dans le hip-hop.
- La réémergence du backing : La culture du backing dans le hip-hop a retrouvé son importance durant cette édition. Notamment par le biais de la relève issue de la résidence de création du festival. De fait, il serait idoine de lui attribuer toute sa valeur-ajoutée dans le dispositif de scène des rappeurs. Afin qu'elle puisse être vue comme un élément clé pour améliorer les performances scéniques et renforcer l'impact global des artistes. La reconnaissance du rôle des backeurs lors des Awards, comme Watta le backeur de Jay Killah, pourrait encourager davantage d'artistes à assumer d'adopter cette pratique.
- Le passage au live complet : Bien que le festival ait atteint un niveau élevé de qualité en termes de performances (avec quelques ajustements sonores nécessaires), le passage du semi-live au live absolu pourrait être envisagé. Cela permettrait aux artistes hip-hop de présenter leurs compétences artistiques dans leur forme la plus authentique, offrant au public une expérience unique.
- Le rôle des femmes dans le hip-hop béninois : Une observation notable est l'absence des femmes dans les différentes facettes du hip-hop, y compris dans les activités du festival. La question de savoir pourquoi les femmes du hip-hop béninois sont sous-représentées nécessite une attention particulière. Le festival pourrait entreprendre des initiatives spécifiques visant à impliquer et à soutenir les femmes artistes. Ce qui pourrait contribuer à un environnement plus équilibré et inclusif dans le hip-hop béninois.
- L'Après Festival
L'impact du Dalah'sh Hip-Hop Festival ne s'arrête pas à la semaine de festivités. Une des réalisations majeures est la compilation musicale qui verra le jour à la suite de l'événement. Cette compilation servira à pérenniser l'ambiance vibrante du festival tout en offrant une plateforme aux artistes invités sur cette édition et ceux en résidence pour présenter leurs créations. Cette initiative témoigne de l'engagement du festival à laisser un héritage culturel et artistique durable.
En définitive...
Le festival Dalah'sh 2023 a été bien plus qu'un simple rassemblement musical. C'était un véritable carrefour d'apprentissage, d'échange et d'inspiration. Les participants ont été immergés dans une semaine de réflexions profondes et de créativité débordante. Les constats ont été nombreux, mettant en lumière la vitalité de la jeunesse hip-hop, la nécessité de l'inclusion, la valeur du backing et la force de l'authenticité artistique. Le festival a tracé la voie vers un avenir où la diversité, l'innovation et la collaboration sont les maîtres-mots. La compilation à venir témoignera de l'évolution continue de la scène hip-hop béninoise, montrant comment le festival Dalah'sh Hip-Hop agit comme un catalyseur de changement et un creuset de créativité. Le festival s'affirme ainsi comme un pilier culturel, unificateur et inspirant pour tous les acteurs du hip-hop béninois.
Commentaires
s'identifier or register to post comments