L’éducation musicale à l’Île Maurice
Par Laura Hebert
Plusieurs études ont été réalisées autour des bienfaits de la musique sur l’humain. Il a été prouvé que la formation musicale amène l’élève à développer diverses compétences touchant les domaines intellectuel, personnel, affectif, physique et culturel.
D'après l’enquête, menée auprès des intervenants de l’éducation musicale à l’Ile Maurice, il est clair que l’enseignement de la musique repose sur un équilibre délicat.
Pour qu’un programme d’éducation musical soit qualifié d’excellent et se déroule bien; il faut des professeurs spécialisés, des instruments ainsi qu’un espace approprié donc des financements adéquats, de l'intérêt de la part des élèves mais également le soutien du pouvoir public dans la mise en place de campagnes qui favorisent l’intérêt pour la musique et aide à grossir la communauté qui a de l’estime pour le 4eme art.
Il semble qu’il soit encore compliqué de pouvoir réunir toutes ces conditions pour l’enseignement musical sur l’ile.
Mr Troubat, professeur de musique dans un collège privé du nord de l’ile m’indique qu’il a pu vérifier au cours de ses 17 ans d’enseignement que l’apprentissage de la musique permet aux enfants l’amélioration de la confiance en soi, l’amélioration de la concentration, une meilleure appréciation des manifestations artistiques et le développement de la capacité d’adaptation dans un groupe.
La Finlande, pays qui est parmi les meilleurs élèves du classement PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) a bien compris l’importance des matières artistique dans ses programmes scolaires et doit ce bon classement notamment au programme d’éducation musicale introduit dans les écoles.
La musique à l’école
Les enfants mauriciens ont le choix entre une scolarité dite publique, dans les écoles gouvernementales et une scolarité au sein d’établissement privé. Il semble que le contenu des formations musicales puisse varier d’un établissement à l’autre et d’un professeur à l’autre.
De manière générale, les professeurs de musique souhaiteraient recevoir une formation académique plus poussée avant d’être projeter dans le milieu scolaire et avoir accès à la formation continue dans le but d’améliorer leurs compétences et s’adapter aux nouvelles technologies et tendances.
Ernest Wiehe, précurseur de la musique Jazz à Maurice, disait à ce sujet : qu’il faudrait faire venir des formateurs professionnels étrangers sur une période de dix ans pour former les futurs formateurs mauriciens qui transmettraient par la suite aux musiciens se destinant à l’enseignement.
Un officier du ministère de l’éducation me confie que depuis environ deux ans, il est chargé avec son équipe de mettre en place pour les écoles publiques, un programme officiel pour les cours de musique du cycle primaire et secondaire.
Une initiation est proposée aux enfants à partir de 6 ans jusqu’à 11 ans à hauteur d’une heure par semaine.
Et le choix leur ai laissé d’étudier plus en détail, la musique orientale ou occidentale dans le cycle secondaire jusqu’à leur 18 ans. Dans le cas où l’élève sélectionne la musique orientale il apprendra à jouer du sitar, symbole de la musique hindoustani et il apprendra la flute à bec si son choix se porte sur la musique occidentale.
Pour ce qui est du cursus privé, les enseignants proposent le programme français géré par l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) ou un programme en anglais basé sur le cursus de Cambridge.
Selon les professeurs de musique les établissements leur donnent généralement carte blanche pour l’enseignement de la matière même s’il y a un fil conducteur à suivre tout au long de l’année.
Ils proposent tout comme dans le public, une initiation pour les plus petits et des cours à hauteur d’une heure par semaine à partir de 11 ans. Aucun choix n’est demandé quant au style de musique. La matière est étudiée au sens large du terme.
La flute à bec est l’instrument enseigné en priorité mais les professeurs proposent aussi le chant, la guitare et depuis plus récemment la ravanne, instrument traditionnel mauricien.
A l’université, il n’y a, pour le moment, aucune filière consacrée à la musique. Apres l’obtention de leur diplôme du Baccalauréat ou HSC à l’âge de 18 ans, ceux qui souhaitent continuer leur études de musique en vue de devenir concertiste ou encore enseignant, peuvent suivre les cours du conservatoire publique Francois Mitterrand pour un droit d’inscription annuel de l’ordre de 40 euros.
Certains, ayant été formé hors des frontières Mauriciennes, diront que malheureusement le niveau n’est pas au rendez-vous et qu’il est de fait très compliqué de réussir un examen tel que le certificat de la Royal School of Music, très convoité à Maurice.
Les cours de musique en dehors de l’école
Le conservatoire de musique Francois Mitterrand, établissement étatique, récemment pointé du doigt à travers un rapport d’expert, propose des cours accessible à tous et forme les professeurs de musique de l’enseignement publique. Les programmes scolaires sont d’ailleurs implémentés par le ministère de l’éducation, en collaboration avec ce même conservatoire.
L’audit réalisé en novembre dernier met en lumière des pratiques à améliorer. Deux points essentiels seront notamment cités dans un article du quotidien L'Express : « Des méthodes trop axées sur les connaissances théoriques » et « des professeurs qui ont besoin d’une formation plus poussée ».
Le jeune artiste et professeur de guitare, Sebastien Margéot, me fit la remarque que dans l’appellation Isle de France, aujourd’hui l’Ile Maurice ; Isle signifie isolée. Et d’insister sur le fait que Maurice a besoin de s’ouvrir à l’extérieur et non de rester dans un système de formation musical isolé qui a plus ou moins atteint ses limites.
Ce dernier, formé à l’Île Maurice puis en France, propose des cours de guitare privés et individuels, aux adultes. Il lui a fallu un peu de patience, le temps de constituer sa clientèle mais la demande est bien là.
Aujourd’hui, son agenda semble remplit et il vit de son activité. Il dit être heureux de pouvoir transmettre ses connaissances musicales et offre à chaque élève une formation unique adaptée à ce qu’il / elle recherche. Pour lui, l’aspect humain est extrêmement important et son rôle de professeur est, entre autre, de mettre la musique au service de son élève afin de lui permettre d’exprimer ses émotions et son ressentit à travers la musique.
Les apprentis musiciens peuvent également se former dans des centres privés comme le conservatoire de musique Frederic Chopin enregistré depuis 1999 comme centre de formation musicale à Maurice.
Le solfège ainsi que le piano, la guitare, le violon et la flute traversière y sont enseignés par une dizaine de professeurs. Frederic Chopin est principalement réputé pour ses formations de piano, avec un enseignement basé sur l’école de Piano Russe.
Dean Nookadu, professeur de piano au sein de cette structure, regrette que l’enseignement dispensé au cours de la scolarité des enfants mauriciens soit souvent en décalage complet avec la réalité musicale de ces derniers. Selon lui, les élèves ne se retrouvent pas dans ce cursus et cela créé des générations de mauriciens devenues insensible à la musique.
Au centre Frederic Chopin, les élèves peuvent débuter par une année d’éveil musical généralement à l’âge de 6 ans. Après cette année préparatoire, l'enfant sait lire et chanter quelques intervalles. Il comprend le rythme et la pulsation.
C'est une préparation avant l'introduction de l'apprentissage technique de l'instrument. Il est très important pour les enseignants du centre que l'élève fasse le choix de son instrument par lui-même.
Les programmes sont pré établis et dispensés en fonction de la formation et l’instrument choisit. Un programme sur mesure est proposé aux élèves les plus âgés qui souhaitent prendre part à un examen professionnel. Les couts mensuels pour ce type d’enseignement peuvent varier entre 10 et 150 euros.
Les master-classes et résidences: de nouvelles méthodes d’apprentissage
Concernant les cours magistraux ou master-classes, donné par des musiciens reconnus, ils se font encore trop rares sur l’ile. Le théâtre, lui, a déjà fait preuve de beaucoup plus d’initiative en sens.
Le manque de moyen des acteurs culturels locaux, désireux de professionnaliser le milieu, empêche bien souvent l’aboutissement de ce type de projet mais ces débuts d’initiative ont au moins le mérite de déclencher d’autres projets plus ambitieux qui seront bénéfiques au pays. On parle notamment d’un centre de formation aux métiers du spectacle qui devrait voir le jour prochainement.
Le soutien du pouvoir publique ainsi que des institutions qui ont pour mission l’accompagnement des initiatives locales sera en tout cas, un passage obligatoire pour le développement des master-classes, notamment en marge des festivals ou concerts déjà en place.
Ces classes particulièrement intenses puisque condensées sur quelques jours, intéressent la jeune population artistique qui apprécient particulièrement l’échange avec des artistes professionnels sur lesquels ils peuvent prendre exemple.
Des master-classes organisées par l’Institut Français de Maurice, ces deux dernières années, autour de l’artiste réunionnaise, lauréate du concours prix musique, Maya Kamaty ont eu beaucoup de succès. Une nouvelle classe sera prochainement proposée par l’Institut rrançais et animée par le groupe Grèn Sémé à l’occasion de la Fête de la Musique.
Il y a également le Kaz’Out qui propose des master-classes et résidences artistiques en amont du festival, pendant les OFF. L’objectif étant la professionnalisation de l’industrie musicale à Maurice.
Pour ce qui est des résidences artistiques ayant pour but de permettre un échange entre musiciens d’univers différents, avec pour certains des carrières professionnelles en cours et d’autre des projets de carrières à venir, il est intéressant de voir que le travail de réseau artistique mis notamment en place par le marché de musique IOMMA, commence à porter ses fruits.
Tout dernièrement les artistes Hans Nayna et Emelyn ont pu participer à des résidences artistiques organisées en collaboration avec d’autres pays de la région comme Madagascar ou La Réunion.
Conclusion
Tous les professionnels de la musique interrogés dans le cadre de cet article s’accordent sur le fait que la musique n’est encore que trop peu estimée dans la société mauricienne et ils aimeraient voir les choses évoluées.
La musique est, certes, loin d’être un argument politique à Maurice, mais il semble que l’éducation musicale a évoluée au cours de ces dernières années grâce à de nombreuses initiatives plus ou moins spontanées.
Ceci nous permet d’espérer une plus grande considération dans les années à venir.
Je conclurais en espérant que Platon disait vrai et que « La musique donnera une âme à nos cœurs et des ailes à nos pensée ». Nous en avons bien besoin.
Source article de presse: https://www.lexpress.mu/article/299527/rapport-dexpert-fausse-note-pour-...
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