La musique traditionnelle en Côte d’Ivoire
Par AKA Konin
Située en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est une véritable mosaïque ethnique qui compte officiellement soixante groupes ethnolinguistiques. Au regard de ses foyers culturels, la Côte d’Ivoire possède un patrimoine musical riche et diversifié. En témoigne l’inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco du ‘Gbofé d’Afounkaha, la musique des trompes traversières de la communauté Tagbana’ et du ‘Djéguélé, balafon pentatonique des Sénoufo de Côte d’Ivoire’. Quels sont les éléments constitutifs de ce patrimoine musical ?
Les instruments de musique traditionnelle
La Côte d’Ivoire possède une infinie variété d’instruments de musique traditionnelle. Malgré leur très grande diversité, les instruments de musique utilisés par les populations ivoiriennes peuvent dans la plupart des cas se ranger dans l’une ou l’autre des catégories classiques en usage en Occident. D’après leur principe acoustique, ils se divisent en idiophones, membranophones, cordophones ou aérophones. A côté des instruments de musique locaux il y a des instruments non locaux, c’est-à-dire importés de l’Occident (cuivres, harmonicas, accordéons…), qui ont intégré des orchestres traditionnels, des accessoires musicaux (clochettes, grelots, sonnailles…) et divers autres instruments rythmiques.Idiophones et membranophones, plus nombreux et plus diversifiés en Côte d’Ivoire, sont très prédominants dans le sud du pays. Par contre dans le Nord, on rencontre de plus en plus d’aérophones et de cordophones, moins bien représentés dans le pays.
Les idiophones sont des instruments produisant des sons par eux-mêmes, c’est-à-dire dans lesquels la matière dont ils sont faits vibre lorsqu’on les utilise et produit un son qui leur est propre. Les nombreux instruments que compte cette catégorie d’idiophones peuvent être groupés selon leur principe de résonance : ils peuvent être entrechoqués, percutés, raclés, secoués, pincés. Cette catégorie d’instruments est la plus riche et la plus représentée dans le patrimoine organologique ivoirien, et comprend plusieurs instruments dont les principaux sont : xylophones à résonateurs sur troncs de bananier, tambours de bois, cloches, claves ou cliquettes, hochets (en calebasse, en vannerie, en boîte) hochets-sonnailles, sistres, sanzas, tambours d’eau.
Les membranophones sont des instruments dans lesquels le son est produit par la vibration d’une ou deux membranes tendues, qu’on bat ou, mais plus rarement, qu’on frotte. Les tambours sont des membranophones et se distinguent par la forme, le nombre de peaux et leur mode de fixation. Les tambours en Côte d’Ivoire ont leur caisse de résonance en bois, en terre cuite, en calebasse ou en métal. Ils sont d’une très grande variété : tambours à une peau chevillée, tambours à une peau lacée, tambours à deux peaux lacées, tambours d’aisselle en forme de sablier, tambours sur poterie, tambours sur calebasse, tambours sur cadre, tambours sur fût métallique, timbales.
Les cordophones, ou instruments à cordes, ont des cordes tendues qui résonnent lorsqu’elles sont pincées (par les doigts ou un plectre), frottées, frappées ou actionnées par le vent. Les cordophones sont souvent munis d’un corps de résonance pour en renforcer le son. La calebasse sert principalement de caisse de résonance à tous les instruments à cordes sauf au luth qui a la sienne en bois. Les cordophones qui sont représentés en Côte d’Ivoire sont les instruments à cordes pincées et frappées. Parmi les instruments à cordes pincées nous avons les luths, les harpes, les harpes-luths, les arcs musicaux polycordes, les pluriarcs, les guitares traditionnelles. Quant aux instruments à cordes frappées, ils comprennent l’arc-en-bouche et les cithares d’écorce.
Les aérophones, également appelés instruments à air ou à vent, sont ceux dans lesquels, à travers ou autour desquels une certaine quantité d’air est mise en vibration. Contenu dans une cavité, l’air peut être mis en mouvement par l’arête affilée d’un tuyau (flûte), par l’action d’une anche unique (clarinette) ou par la vibration des lèvres (trompes, trompettes). Quelques instruments agissent directement sur l’air ambiant (rhombes, diables etc.). En Côte d’Ivoire, les aérophones se répartissent en deux groupes principaux : les aérophones libres et les aérophones par souffle. Les aérophones libres comprennent le rhombe et le sifflet tournoyant, observé dans le seul pays dan par l’ethnomusicologueHugo Zemp. Quant aux aérophones par souffle, ils comprennent les trompes traversières (en cornes de bovidés, en ivoire, en bois), les trompes à embouchure terminale, trompes anthropomorphes en bois (pays sénoufo), les flûtes (traversières, droites, globulaires, flûtes de Pan ou syrinx), les sifflets.
Les genres musicaux traditionnels
A l’instar de sa mosaïque d’ethnies, la Côte d’Ivoire compte une diversité de genres musicaux traditionnels, qui peuvent se diviser en deux grandes catégories majeures :
- Les musiques sacrées ou rituelles : associées à des pratiques rituelles, elles sont réservées aux initiés (hommes, femmes, enfants).
- Les musiques profanes ou populaires : il s’agit d’une part des musiques empruntées qui sont souvent dansées à l’occasion des fêtes populaires et d’autre part des musiques de travail.
Le statut social des musiciens traditionnels
Le musicien, comme tout individu, est un membre de la société. Il participe en tant que tel aux activités de celle-ci comme tout autre homme, mais, de par son activité musicale ou sa spécialisation, sa place est souvent différente et bien précise. Ainsi, en Côte d’Ivoire, nous avons des musiciens amateurs, des musiciens semi-professionnels et professionnels (joueurs de harpe-luth du pays baoulé), des musiciens de caste (griots malinkédjéli, forgerons malinké noumou, forgerons sénoufo fonon, forgerons koulangodanlèse et des musiciens de certaines sociétés akan), des musiciens spécialistes ( musiciens des classes d’âge des peuples lagunaires, musiciens intégrés dans un système de relations bien déterminées ; musiciens de chasseurs), des musiciens libres, des musiciens occasionnels et des musiciens solistes.
Conclusion
Cette étude permet au lecteur de se rendre compte de la richesse et de la diversité du patrimoine musical de la Côte d’Ivoire. Mais plusieurs menaces pèsent sur ce patrimoine intangible, notamment la décroissance des détenteurs traditionnels, l’exode rural, la technologie, l’urbanisation, l’européanisation, la marginalisation des cultures traditionnelles, la raréfaction des essences végétales (servant à la fabrication des instruments musicaux et des accessoires de danse
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