Le Droit d’auteur au Congo Brazzaville
Par Yvon Laurier NGOMBE
En Juillet 2015, Brazzaville accueille la 10ème édition du Festival Panafricain de Musique (FESPAM). Après les festivités, les musiciens retrouveront leur quotidien parfois rythmé par des difficultés financières. Ces difficultés pourraient être moins importantes si les droits des artistes étaient davantage respectés. Ce respect implique une meilleure connaissance de la législation dont voici un bref aperçu.
Le Droit d’auteur
La finalité et les « objets » protégés
La loi congolaise du 7 juillet 1982 prévoit la protection des droits d’auteur (paroles et musiques) ainsi que la protection des droits voisins (droits des producteurs de phonogrammes notamment et droits des artistes interprètes). Il est reconnu à l’ensemble de ces bénéficiaires des droits exclusifs. Ce qui leur confère le droit d’exploiter respectivement leurs créations, leurs phonogrammes (CD notamment) ou leurs interprétations.
Cet ensemble de règles constitue le Droit d’auteur et les Droits Voisins. On parle aussi de Propriété Littéraire et Artistique. Ce qui est désigné dans les pays anglophones sous le terme ‘Copyright’. Le Droit d’auteur protège donc les auteurs en prévoyant, à leur profit, plusieurs prérogatives. La loi distingue des droits permettant à l’auteur d’exploiter ou de contrôler l’exploitation de son œuvre (en en tirant notamment profit) et des droits permettant à l’auteur de défendre le lien qu’il a avec sa création (c’est le droit moral). C’est pour évoquer ces droits que l’on parle des droits d’auteur ou des droits des auteurs.
A qui appartiennent les droits sur les créations musicales et sur les disques ou les fichiers musicaux ?
Les titulaires de droits en matière musicale sont essentiellement les auteurs compositeurs qui sont propriétaires de la musique et des paroles et qui vont autoriser leur fixation sur un support (CD par exemple). Les chansons ont besoin d’être interprétées. Les artistes-interprètes sont, à leur tour, titulaires de droits. On parle de droits voisins. Ces droits portent sur leurs interprétations qui ne peuvent être exploitées sans leur accord. L’enregistrement et la fabrication des phonogrammes nécessitent l’investissement d’un producteur qui sera titulaire des droits sur les CD, cassettes ou fichiers qui ne pourront être vendus ou exploités sans son autorisation. Le producteur dispose lui aussi d’un droit voisin. Selon la loi de 1982, les chansons sont protégées jusqu’à la cinquantième année après la mort de l’auteur. Les droits voisions, en revanche, sont protégés, en droit congolais, pendant 20 ans à compter de la publication du phonogramme ou de l’interprétation.
La rémunération des titulaires de droits et les exploitations légales
L’artiste et ses partenaires économiques
En tant que titulaires des droits sur leurs œuvres les auteurs ont le droit de les exploiter. Ce qu’elles font généralement en concédant ou cédant des droits à un entrepreneur de la culture. Dans le domaine musical, la cession des créations musicales est consentie à un éditeur. L’artiste interprète quant à lui cèdera le droit sur son interprétation à un producteur de phonogrammes qui vendra des CD ou des fichiers numériques en rétrocédant à l’artiste un pourcentage des ventes. Cette somme est appelée redevances ou royalties. Souvent, le même artiste cumule les fonctions d’auteur-compositeur et d’artiste-interprète. Par ailleurs l’artiste se rémunère également grâce aux cachets perçus lors de l’exécution de spectacles live (concerts) et pour lesquels intervient un entrepreneur de spectacles. Dans le cadre de la gestion individuelle, il faut sans doute intégrer les possibles parrainages qui permettent aux musiciens de percevoir des suppléments de revenus. Et dans le contexte brazzavillois, il faut reconnaître que la quête des dédicaces (dites mabanga) constitue un aspect du modèle économique de l’industrie musicale congolaise.
L’artiste et la gestion collective
Pour mieux appréhender l’exploitation ou l’utilisation massive des œuvres, les différents auteurs et artistes adhèrent à un organisme de gestion collective (OGC pour certains spécialistes) encore appelé société (ou organisme) de perception et de répartition des droits (SPRD). En République du Congo cet organisme est le BCDA (Bureau Congolais du Droit d’auteur) qui a, notamment, pour mission de percevoir pour tous les auteurs (dont les auteurs et compositeurs d’œuvres musicales) des redevances et de répartir lesdites redevances aux ayants-droit. Ainsi le BCDA perçoit des sommes auprès des différents utilisateurs de créations musicales parmi lesquels les Ekala ou Nganda (Bistrots), les Night-clubs, les Bus diffusant de la musique. Une partie de ces sommes est ensuite rétrocédée aux ayants droits, dont les auteurs. De même un spectacle vivant, dans la mesure où il donne lieu à l’exécution de créations musicales protégées fera l’objet d’une perception de droits par le BCDA.
Ces deux formes d’exploitation dites respectivement individuelle et collective permettent ou, à tout le moins, doivent permettre aux musiciens congolais de percevoir quelques revenus de l’exploitation de leurs créations ou de leurs interprétations.
Les exploitations illégales et les droits des artistes
Conséquences sur la rémunération des artistes et sanctions
Toutes exploitations non autorisées par les titulaires des droits ou non permises par la loi constituent des atteintes au Droit d’auteur. Il s’agit d’un délit : la contrefaçon dont la piraterie n’est qu’une forme. On entend généralement par piraterie la vente de copies pirates d’un album (les juristes parlent de phonogrammes). Le délit de contrefaçon englobe aussi d’autres agissements. C’est le cas, notamment, du plagiat.
Il suffit de se promener dans les rues de Brazzaville, de Pointe-Noire ou d’Ouesso pour s’apercevoir que de nombreux mélomanes s’approvisionnent auprès de vendeurs d’articles piratés. La piraterie, constituant un acte de contrefaçon, sa répression est prévue par la loi de 1982. Le contrefacteur encourt, d’après la loi du Congo – Brazzaville, 100 000 Francs et deux ans d’emprisonnement. Bien entendu, les exemplaires pirates peuvent être détruits. Par ailleurs, le tribunal octroiera une indemnisation au titulaire des droits. Force est de constater, cependant, que la peine d’amende prévue paraît peu sévère au regard des agissements réprimés.
Afin de distinguer les exemplaires illégaux de ceux autorisés par le producteur, la législation congolaise impose l’apposition de vignettes hologrammes (stickers) sur chaque exemplaire. Ce mode d’identification et d’authentification permet, en partie, de lutter contre la contrefaçon.
Droit à réparation
La contrefaçon cause aux victimes (auteurs, interprètes et producteurs) un préjudice. C’est la raison pour laquelle la loi congolaise prévoit « la réparation des dommages subis (…) y compris le paiement de tous profits réalisés » par le contrefacteur ou pirate. La réparation permet ainsi de compenser le manque à gagner consécutif à l’exploitation non autorisée des œuvres, des interprétations et des phonogrammes.
La législation congolaise sur le droit d’auteur, désormais très ancienne, mériterait un « toilettage », notamment pour intégrer les nouvelles formes de contrefaçon, telles que les téléchargements non autorisés ou les streaming illégaux. Un nouveau texte permettrait aussi de prévoir une meilleure durée de protection. On pourrait, pour contribuer à une meilleure effectivité du Droit d’auteur au Congo Brazzaville, renforcer les prérogatives et les moyens du BCDA. D’une manière générale, au-delà des textes, il est vivement souhaitable que des efforts soient réalisés pour une meilleure information et une meilleure formation sur le Droit d’auteur.
Pour aller plus loin
Loi n°24/82 du 7 juillet 1982 sur le Droit d’auteur et les droits voisins
Yvon Laurier Ngombé, Rumba droit et Business, BOD, 2013
Yvon Laurier Ngombé, Le Droit d’auteur en Afrique, L’Harmattan, 2009
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