Report des concerts caritatifs de Fally Ipupa à Goma : acte de solidarité ou réponse à l’opposition des victimes ?
Dans la ville de Goma, l'émotion était palpable lors de l’annonce des concerts caritatifs de l'icône de la musique congolaise, Fally Ipupa. Prévu initialement pour se tenir à l'hôtel Serena de Goma ce vendredi 17 mai et le 19 mai à la Résidence Hotel de Bukavu, les événements ont été reporté au mois d'août.
Dans un communiqué, Fally Ipupa a annoncé que le report de ces concerts est une réponse directe à la tragédie qui a frappé la périphérie de Goma le 3 mai dernier. Ce jour-là, une attaque à la bombe menée par les rebelles du M23 contre un camp de déplacés à Mugunga a fait 35 victimes innocentes. La douleur de cette perte a été ressentie dans tout le Nord-Kivu, et l'inhumation des victimes a eu lieu mercredi 15 mai au cimetière de Kibati, suivie d'une cérémonie d'hommages au stade de l'Unité de Goma en présence des autorités gouvernementales.
Fally Ipupa, dans ce même communiqué, a exprimé sa compassion et son soutien aux familles endeuillées, déclarant que le report du concert est l'expression de sa solidarité avec les victimes et leurs proches. Le concert, qui fait partie d'une opération de collecte de fonds destinés à aider les déplacés, est une initiative de Fally Ipupa en sa qualité d'ambassadeur du Fonds national de réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et autres crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité (FONAREV).
Pourtant, tout porte à croire que la décision de reporter ces événements a également été influencée par une opposition farouche des habitants de la ville de Goma. Des débats autour des tarifs du concert, jugés inappropriés par certains habitants de Goma compte tenu du contexte difficile que traverse la région, ont alimentés la toile pendant plusieurs semaines.
Des mouvements citoyens et des groupes de pression du Nord-Kivu ont exprimé leur mécontentement, qualifiant ces événements d'insensibles et d'inappropriés au vu de la situation sécuritaire actuelle.
Les critiques se sont focalisées sur le coût des billets, jugés exorbitants, avec des prix allant de 150 dollars jusqu'à 300 dollars pour un billet standard et 1200 à 3500 dollars pour un billet VIP. Pour de nombreux Gomatraciens (habitants de Goma), ces prix sont en décalage avec la réalité économique de la région et ajoutent une couche d'indignation face à la souffrance quotidienne causée par les affrontements entre les forces gouvernementales et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda voisin.
La situation à Goma est depuis longtemps marquée par l'instabilité et la violence. Les récents affrontements ont vu les rebelles gagner du terrain, exacerbant les tensions et les craintes parmi la population locale. Dans ce contexte, l'idée de célébrer un concert caritatif semble déconnectée des préoccupations immédiates des habitants, qui aspirent avant tout à la paix et à la sécurité.
L'opposition aux concerts de Fally Ipupa reflète un malaise plus profond au sein de la société congolaise. Elle souligne le fossé entre les intentions philanthropiques et la perception de celles-ci par ceux qui vivent au cœur du conflit. Alors que les organisateurs espéraient apporter un peu de réconfort aux victimes, la réaction négative de la population indique un besoin de solutions plus concrètes et empathiques.
Malgré ces controverses, la Fally Ipupa Foundation a réaffirmé son engagement envers les communautés locales, notamment à travers la construction d'une école pour les réfugiés et déplacés de guerre, dont l'inauguration aura lieu ultérieurement.
Les concerts sont désormais reprogrammés pour les 15, 17 et 18 août, avec la promesse de Fally Ipupa d'honorer ses engagements et de soutenir les efforts de reconstruction et de guérison de la communauté.
Pour Fally Ipupa, ce report est donc un symbole de son engagement envers son peuple. C'est un geste qui dépasse la musique et qui s'inscrit dans une démarche humanitaire, soulignant l'importance de la compassion et du soutien mutuel en temps de crise.
Pour une partie de la population de Goma, ce report est un rappel puissant que la musique et les artistes ont certes un rôle à jouer dans la cicatrisation des plaies d'une nation, mais que beaucoup plus d’actions doivent être mises en œuvre dans le but de manifester la solidarité humaine.
La controverse autour de ces événements nous rappelle que la charité, pour être efficace, doit être en phase avec les réalités et les aspirations de ceux qu'elle cherche à aider.
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