Sénégal : à quelle récompense musicale se fier ?
Au Sénégal, les récompenses musicales foisonnent. Des Galsen Hip-Hop Awards aux « Raayas » ou Top Awards en passant par les défunts Sunu Music Awards, une kyrielle de récompenses a été distribuée plus ou moins régulièrement aux musiciens et selon des critères pas toujours évidents à déchiffrer pour les observateurs.
L'existence de cette multitude de prix, distribués par des structures plus ou moins identifiées, pose la problématique sérieuse de la valeur même de ces prix. En effet, La plupart de ces récompenses manquent de deux qualités essentielles : fiabilité et objectivité.
Pourtant, Il est clair que dans la chaîne des valeurs de la musique, la reconnaissance, la gratification du travail artistique est un maillon non négligeable.
Les récompenses sont des indicateurs importants d'un secteur. Elles permettent de mesurer à l'aune de prix le chemin parcouru. Pour la corporation, l'émulation, par le truchement de récompenses distribuées annuellement est décisive.
En 2010, Guibel Music, aujourd'hui disparu, avait durant deux années successives réussi à créer une réelle synergie autour d'une cérémonie de récompenses musicales au Sénégal. Malheureusement, les Sunu Music Awards, ont fait long feu. Ils se sont arrêtés brusquement en 2012, faute de moyens.
En décembre 2016, se sont tenus, les « Raayas » Music Awards à Sorano. Ces nouveaux awards, avec des choix discutables (révélation de l'année : Abiba) et des catégories insolites (« Raaya » Sargal homme de l'ombre) ne semblent pas avoir un réel impact.
Apparemment, Bané production, la boîte promotrice des « Raayas » ne semble pas prête pour tenir une deuxième édition, à quelques mois de la fin de l'année, aucune annonce ou nomination n'a été encore rendue publique.
Durant des années, la structure Optimiste ProduKtions de Safouane Pindra a organisé les Hip-Hop Awards, la cérémonie des récompenses dédiée au hip-hop sénégalais. Même si cet événement a connu de multiples problèmes, il fut pendant longtemps, un baromètre fiable du rap local. Aujourd'hui, il a beaucoup perdu de son attrait.
En 2015, les Galsen Hip Hop Awards ont vu le jour à l'initiative de l'animateur, Youssou Doumbia alias Y. Dee. Même s'il semble jouir de la reconnaissance de certains acteurs du rap, ce nouvel événement peine encore à se positionner comme la référence incontestable. Les nominés pour les Galsen Hip-hop Awards 2017 ont été révélés, il y a quelques mois. La cérémonie est prévue pour la fin de l'année.
Organisés par Lamay Sene, les Top Awards sont aussi des prix consacrés aux rappeurs du pays. La troisième édition s'est tenue l'année dernière. Aucune information n'est disponible sur la tenue ou non d'une quatrième édition.
À n'en pas douter, une harmonisation de tous ces prix serait salutaire pour tous.
Le gouvernement sénégalais organise aussi, irrégulièrement, un prestigieux « grand prix du président de la République pour les arts » La catégorie des musiques est bien sûr prise en compte, mais ce prix, malgré son importance ne contribue pas à cacher le manque criard de récompense musicale digne de ce nom au Sénégal.
Depuis novembre 2016, un appel à candidatures a été lancé pour ce grand prix. Des commissions pour toutes les catégories se sont, durant des mois, réunies pour choisir les meilleurs dans tous les domaines concernés. Mais les résultats tardent à sortir. Si on sait que cette année, il y a eu l'organisation des élections législatives dans le pays suivie d'un changement de gouvernement, on peut facilement être amené à penser que, pour le gouvernement, les priorités sont ailleurs.
Sur le continent, des remises prix sont organisés et parfois, des artistes sénégalais nominés. Ce fut le cas d'artistes comme Youssou N'Dour, Coumba Gawlo Seck, Viviane N'Dour avec les Kora Awards. Toutefois, personne n'a oublié la mésaventure du groupe de rap Black Diamonds qui a remporté le deuxième prix aux Kora Awards 2010 au Burkina Faso et qui attend toujours de recevoir la somme de 100 000 $ liée à ce prix.
On se souvient aussi, l'année dernière, Coumba Gawlo et Adiouza avaient été nominées pour ces mêmes Kora Awards prévus en Namibie et qui finalement n'ont pas eu lieu, un couac de plus pour cette cérémonie, la plus célèbre du continent. Tout cela pourrait aussi faire dire aux musiciens : « à quelle récompense musicale se fier ? »
D'autres récompenses musicales sont aussi décernées dans la diaspora aux musiciens sénégalais. Et pour le moins, ces récompenses sont loin de participer à la valorisation des musiciens auxquels elles sont décernées. L'année dernière, un prix accordé à une jeune chanteuse sénégalaise, Guigui, a suscité des débats houleux. Il sera établi plus tard que le prix a été en réalité donné par son producteur basé en Europe du nord.
L'incroyable histoire du disque d'or de Thione Seck, un célèbre chanteur sénégalais est encore dans les mémoires. Cette affaire, pas toujours très claire, faisait de Thione, le père de Wally Seck, l'heureux gagnant d'un disque d'or décerné par... la famille de Michael Jackson.
On le voit bien, les nombreuses questions que soulève ce barnum dans la reconnaissance objective, officielle, fiable et admise de tous les acteurs du secteur, du travail artistique au Sénégal ne trouvent que très peu de réponses.
Et, pour le secteur musical sénégalais c'est un concert sans fin, de fausses notes et de contretemps qui risque de se poursuivre pour encore longtemps.
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