Ma rencontre avec Doudou N'Diaye Rose
Par Aisha Dème
Sous l'impulsion d’Aisha Dème, « activiste culturelle » de renom à Dakar (Sénégal), l'initiative « Une Rose pour Doudou N'Diaye Coumba », à travers une page Facebook, et Twitter honore la mémoire du célèbre tambour-major sénégalais Doudou N'Diaye Rose, disparu le 19 août 2015, en recueillant des témoignages de toutes les personnes qui l'ont croisé, côtoyé ou admiré, une page ouverte à toute personne, à travers le monde, qui a envie de dire un mot sur Doudou Ndiaye Rose, (récits, anecdotes, souvenirs, témoignages ou même une prière...)
Nous vous proposons, justement, le texte d’Aisha Dème qui narre sa rencontre avec ce monument de la culture et tout ce qu'il représentait à ses yeux :
J’ai rencontré le grand Doudou N'Diaye dans l’avion. Ce moment que j’attendais depuis longtemps ne pouvait se passer que dans le ciel, pour être à la hauteur de son importance à mes yeux.
Lui qui portait sur scène des boubous colorés et majestueux était habillé d'un simple caftan en wax et d’un sourire tendre et bienveillant.
Qui aurait pu imaginer que ce vieil homme tout menu qui se fondait dans la masse était un monument qui portait hauts les couleurs du Sénégal partout dans le monde ; que ce vieil homme tout frêle avait une énergie incroyable et dirigeait jusqu’à 200 batteurs tout en faisant lui même vibrer son tambour ? Que ce vieil homme tout menu tout frêle voltigeait, dansait, s’envolait si léger, au rythme du son magique qui naissait de ses mains miraculeuses…
Je l’admirais le vieil homme, depuis si longtemps, et j’avais justement prévu de l’interviewer à mon retour de ce voyage précisément.
Je venais de créer la rubrique « Les gardiens du temples » et je dois avouer que c’était d’abord en pensant à lui. Lui, dont petite, j’attendais avec grande impatience le passage avec les majorettes, les yeux remplis d’étoiles. Lui, que plus tard, j’ai appris à connaître en tant qu’artiste et gardien de notre culture. Lui, dont le génie m’a impressionné tous les jours, jusqu’au dernier.
Je suis allée lui parler il m’a donné son numéro immédiatement. Ce fut le début d’une belle histoire.
Nous avons fait l’interview quelques temps après, un grand moment pour la petite passionnée que je suis. Je n’oublierai jamais cette après-midi aux HLM en compagnie de Mamadou Diallo et Stephane Tourné avec qui je partageais ce dossier pour Elixir Magazine.
Monsieur Doudou N'Diaye Rose a beaucoup aimé ce dossier et ne manquait pas une occasion de le rappeler, dans sa belle générosité d’un homme qui aimait mettre la lumière sur les autres. « Tu aimes te cacher, mais je veux que le monde entier te connaisse » aimait-il dire avec son sourire taquin. Il avait beaucoup de respect pour mon travail et cela me touchait énormément. Il m’encourageait constamment.
A partir de ce moment, le grand Doudou N'Diaye Rose est devenu un papa, un ami. J’aimais voir son nom s’afficher sur mon téléphone et entendre sa voix enjouée me dire : « Aisha man la sa papa Doudou N'Diaye Rose » (Aisha, c’est ton Papa Doudou N'Diaye Rose).
Oh oui je sais que c’est vous, mon coeur ne puis s’empêcher de sursauter de joie à chaque fois ! J’aimais ces échanges et j’aimais quand arrivait ce moment dans la conversation où il formulait des prières. Ses prières étaient toujours si belles.
Et il aimait cela ce cher vieil homme, formuler des prières. J’aimais cette spiritualité forte chez lui. Et elle était si belle sa spiritualité ! Celle là même des grands esprits, celle qui sait parler à plusieurs mondes, celle qui sait être le pilier d’une belle tolérance.
Oui le mot revient souvent, mais tout était beau chez Doudou N'Diaye Coumba Rose : son génie, sa passion, sa rigueur, son humilité, sa générosité, son immense sagesse, sa pétillante intelligence, son ouverture d’esprit, son respect à l’égard de chaque personne qui croisait son chemin qui qu’elle soit et quel que soit l’âge…. Beau était aussi l’amour et le respect que lui portait (porte) sa large famille.
Plusieurs fois j’ai été émue par cette image du patriarche assis dans sons salon entouré de ses enfants ou petits enfants leurs yeux pétillants d’amour, leurs paroles marquées d’un grand respect. C’est cette image là que je veux garder de la famille de Doudou N'Diaye Rose et non ce que hurle la voix d’Ahmed Aidara.
Tout était beau chez Doudou N'Diaye Rose, mais il n y a jamais rien eu d’aussi beau que Doudou N'Diaye Rose sur scène, vibrant, magistral, majestueux. Je suis heureuse d’avoir vécu cette période, d’avoir pu voir cela pendant toutes ces années (même s’il n’y pas eu beaucoup de spectacles). Je suis heureuse de l’avoir vu encore pendant ces deux semaines de célébration de ses 85 ans et d’avoir passé ces moments avec lui.
La dernière fois que j’ai vu Doudou N'Diaye Rose, il venait de nous offrir un beau spectacle et m’a dit – toujours avec le fameux sourire taquin – « Maintenant j’attends ton mariage, après cela je casserai ma baguette (1), mais Je ferai d’abord vibrer mes tambours à ton mariage. » J’ai éclaté de rire, puis nous avons encore partagé un sourire complice. Lui et moi savions qu’il n’y aura pas de « sabar » à mon mariage, mais son humour – cet humour subtil que j’aimais tant – ne pouvait pas résister à cela.
Nous avons partagé un sourire complice, et puis il s’est envolé le bel ange…
Ce texte a été initialement publié sur la page Facebook Une Rose pour Doudou N'Diaye Coumba sous le titre « Notre rencontre dans les nuages... » le 19 août 2016.
(1) Une façon de dire “je prendrai ma retraite”
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