Stereo Africa, SAHAD SARR et la scène alternative sénégalaise tiennent leur festival !
Par un après-midi écrasé par une forte chaleur et une atmosphère moite synonyme de début de la saison des pluies à Dakar (Sénégal), une silhouette mince, lestée d’une veste verte sur un tee-shirt marron, d’un bonnet de la même couleur qui cache mal des dreadlocks, multiplie les courses dans le grand jardin du Clos Normand, un country club niché dans l’enceinte de l’Université Cheikh Anta Diop. Cette silhouette, c’est SAHAD SARR, l'auteur-compositeur et interprète sénégalais.
SAHAD marche d'un pas décidé, il semble pressé, si on y regarde bien, on remarque qu’il se retient de courir, mais à chaque foulée, il est arrêté par un jeune homme ou une jeune femme qui tient à le saluer, à lui dire un mot ; il répond aux salutations, adresse, à la volée, des sourires ponctués par des « dieuredieuf way » des « ziar deh serigne bi » qui rappellent que le jeune artiste est aussi un « mouride soufi ».
SAHAD a le sourire, mais au fond il est inquiet, la boîte qui devait fournir la grande scène du festival vient de le lâcher à la dernière minute. Il doit trouver une alternative, trouver vite une solution...
Le staff et la bonne dizaine de volontaires du festival sont inquiets eux-aussi, mais trouver des solutions, proposer des alternatives SAHAD sait faire !
En effet, après plusieurs coups de fil et quelques courses angoissées dans le Dakar embouteillé, le musicien tient sa nouvelle scène qui se dressera majestueusement le soir même dans le jardin en face de la petite scène qui elle, se trouve à l’intérieur d’un grand patio coincé à gauche entre le bar-restaurant du Clos Normand, et à droite le terrain de basket, lui-même délimité par un grand terrain de tennis et de volley.
Stereo Africa Festival va bien pouvoir déployer sa scène alternative et faire entendre ses sonorités mélangées !
Justement, la petite scène, en ce deuxième soir du festival, accueille un concours organisé dans le cadre de l’évènement. Plus de dix groupes, de divers horizons, jouant des styles différents, sont prêts à se livrer à une bataille musicale pendant plus d’une heure. Le niveau est élevé et le jury exigeant. Il a même la latitude de commenter en live les prestations des musiciens, ce qui augmente à la pression mais ajoute à l’intérêt du concours.
Les minutes passent, les candidats rivalisent de talent devant le public et les 4 experts, l’enjeu est important, à la clé, des sessions d’enregistrement dans les studios de Stereo Africa et du studio la Boutique de Pape Armand Boye qui préside le jury. Une pause de vingt minutes est observée pour présenter au public, Rythmes et Images. Impressions du Premier Festival mondial des arts nègres, de Virgil Calotescu et C. Ionescu-Tonciu, un film consacré à la première édition du festival mondial des arts nègres qui s'est tenue à Dakar en 1966.
Le concours reprend de plus belle et voit défiler, devant un public de plus en plus nombreux, des musiciens de tous âges qui espèrent se faire remarquer et être comptés parmi les vainqueurs. Au final, c’est l'artiste Mame Abdou alias OF qui remporte le premier prix pour sa prestation maitrisée suivi du duo Cheiffou Toure avec Moussa Traore qui lui, avait opté pour une belle combinaison guitare-kora-voix qui a su convaincre le jury.
Le lendemain, samedi 25, dès la matinée, le Clos s’ouvre et se remplit peu à peu. Il flotte dans l’air une ambiance de fête ; ça sent la grillade et la bière, on sent aussi la bonne odeur du maïs grillé ; tout au tour du mini terrain de rugby (le jardin) et à l’intérieur des stands présentent des produits écolo-responsables allant du savon fait par les femmes de Kamyaak, village d’où est originaire Sahad en passant par des sneakers customisés avec du tissu wax, aux vins et bières de différentes marques.
Le Clos, apparait subitement trop étroit pour l’évènement qui attire un fort public d’expats mais aussi de Sénégalais friands de musiques d'ailleurs.
C’est dans cette ambiance de vacances que le groupe Zarium Bi investit la petite scène pendant plus d’une demie heure ; il fait danser le public grâce à une fusion portée par des textes travaillés et livrés par deux vrais bons chanteurs, le Français Stéphane Contini et l’Espagnole Gara.
Avant eux, le très costaud groupe de jazz Findiferr composé de Rane Diagne au clavier, Oumar Sow à la guitare, Dembel Diop à la basse et Youssou Camara à la batterie, avait, en parfait accord, offert un vrai moment d’émerveillement au public. La prestation de ces musiciens chevronnés a été un vrai enchantement du début à la fin, avant l’abordage toutes voiles dehors du groupe I-Science avec son afro-soul-rock qui transforme la grande scène en navire de pirates, avec à sa tête, la pirata en chef, Corinna Fiora, drapée dans un magnifique boubou blanc avec des motifs noirs, qui lui donne pour le coup des airs de shaman.
La chanteuse postée sur la proue de son bateau a durant une heure proposé un voyage passionnant à la quête des trésors enfouis chez l’être humain. Tout au long de sa randonnée à travers les flots et les rythmes, elle n’a cessé d’incanter pour plus d’humanité dans un monde encore plus en proie à la violence et à l’extrémisme.
Après l’accostage des pirates de I-Science qui s’est fait en deux temps à la demande des organisateurs et du public, la foule a de nouveau pris d’assaut la petite scène pour voir le chanteur sénégalais Lëk Sèn offrir un spectacle reggae salué comme il se doit par une assistance de plus en plus enflammée.
C’est vers 22h30 que monte sur la grande scène, SAHAD SARR, le maitre d’œuvre de cette grande fête sur l’herbe au cœur d’un Dakar surchauffé par la pollution des voitures, la densité de sa population et son urbanisme étouffant, accentué encore plus, par le réchauffement climatique.
Le groupe démarre fort et fait monter la température avec sa fusion sans frontières, qui fait groover un public déjà conquis par des notes afrobeats, de highlife et de funk bien dosés. Sahad joue les morceaux de son dernier album Luuma sorti en février ; le public suit attentivement, la fête n’est pas loin d’être à son paroxysme.
La foule, nombreuse, ne s’y trompe pas, elle est privilégiée. Elle retrouve un havre de paix dans une ambiance mélangée et festive, tout en profitant de talents issus de toutes les générations de la musique sénégalaise.
En effet, après SAHAD, c’est un voyage dans le style et dans le temps qu’offre le Stereo Africa Festival en présentant l’un des groupes les plus emblématiques de l’histoire de la musique sénégalaise, l'Orchestra Baobab.
Par un savant mélange de sonorités africaines et de rythmes cubains, la légendaire formation remise sous les feux des projecteurs d’abord en 2001 par Nick Gold de World Circuit avec la réédition de leur premier album Pirates Choices et par Youssou N’Dour avec la production du projet Specialists In All Styles en 2002, fera danser le public avec ses plus grands classiques.
Après les immortels de la musique sénégalaise, DJ Kodio a continué le show à coup de mix électro pour le plus grand plaisir d’une partie des festivaliers restée pour profiter encore de l’ambiance de cette première édition tout en relief du Stereo Africa, jusque très tard dans la nuit.
Lancé le lendemain de la fête de la musique à travers une conférence de presse et un talk sur les industries créatives de la musique au Sénégal, Stereo Africa Festival qui s'est tenu du 23 au 25 juin est une nouvelle plateforme pour célébrer les musiques alternatives au Sénégal. L'initiative est portée par Stéréo Africa 432, l'association Des Gens T et l'Amicale de Normandie.
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