Guinée Conakry : Ashley conjugue rapper au féminin
Ashley fait de la musique urbaine : rap et hip hop. Du haut de ses 19 ans, la jeune fille est une révoltée et une progressiste assumée.
Au moins deux thèmes sont très présents dans ses œuvres : d’une part les abus sexuels sur les jeunes. D’autre part, la place de la femme dans une société à la fois majoritairement rurale et friande de modernité.
La chanson « Dongal » inclut les beats électroniques et les instruments traditionnels tels la flute, le wassamba. Pendant le clip, les séquences se déroulent à la fois dans la campagne et dans l’univers urbain. Cette perpétuelle juxtaposition est comme une invitation et une proclamation : il ne faut jamais oublier le terroir où l’on est né.
Dongal est un mot en langue peulh pouvant signifier charge, fardeau. Le clip de « Dongal » publié début 2017 est une lettre aux femmes et aux Guinéens. Ces derniers doivent cesser de considérer que certains métiers sont exclusivement réservés aux hommes. Il ne faut pas se moquer des femmes exerçant des métiers manuels tels garagiste, maçon, menuisier. Tous les métiers sont dignes, tous les travailleurs doivent être respectés chante Ashley.
Dans le clip, Aïcha Bah alias Ashley n’hésite pas à enfiler le bleu des mécaniciens. Blouse poussiéreuse et couverte de graisse, d’huile de vidange. En déchirant la carte de visite d’un homme reçue avec la liasse de billets payant les réparations faites sur une automobile, Ashley proclame le girl power, le ladies empowerment, en français, la fierté de la femme travaillant pour gagner son salaire. La femme forte dont la profession n’est pas épouse ou mère.
Lorsqu’elle avait 10 ans, Ashley a été approchée par un homme âgé qui a voulu abuser d’elle. Quand elle raconte l’histoire, Ashley donne des détails : « il m’a offert des bonbons pour me convaincre de le laisser me toucher mais j’ai refusé ».
La rappeuse dit n’être pas un cas isolé dans Wanindara, un des 19 quartiers de Ratoma l’une des 5 communes de la capitale Conakry. Ashley encourage les filles à résister aux agressions, le gouvernement et les familles à protéger les enfants. Quant aux libidineux compulsifs, ils doivent changer répète Ashley dans « Kono non » présentée par la rappeuse comme une chanson anti-pédophiles.
Aïcha Bah est originaire de la Sierra Leone. Arrivée en Guinée Conakry en 2011, la jeune fille utilise son quotidien comme matière première pour composer ses chansons. La chanteuse est la fille d’un épicier polygame perpétuellement absent du domicile familial et d’une vendeuse de riz au marché de Wanindara. Volontairement ou involontairement, Aicha Bah alias Ashley applique la phrase d’Hector Berlioz « Il faut collectionner les pierres qu'on vous jette. C'est le début d'un piédestal. ». L’épidémie d’Ebola de 2014, la contraint à rester enfermée à la maison avec ses 7 frères et sœurs ? Ashley utilise cette année sans école pour écrire des chansons.
Le concert « Bye bye Ebola » organisé par la présidence guinéenne en décembre 2015 a permis à la jeune artiste, perçue comme la troisième génération du hip hop en Guinée Conakry, d’être repérée.
Commentaires
s'identifier or register to post comments