La musique pastorale guinéenne
À l'origine art des veillées dans les hameaux, les précurseurs de la musique pastorale ont puisé dans un réservoir inépuisable de mélodies de la savane herbeuse, pour adapter leur art aux besoins de leurs contemporains.
La musique pastorale comme on l’appelle servait surtout à tenir compagnie aux agriculteurs lors des travaux champêtres. Les gnamakalaah (griots) donnaient de la voix avec leurs instruments encore rudimentaires.
Au Soudan par exemple, ces magiciens de la joie occupèrent une place de choix dans les sociétés. Ils ont toujours été les plus proches collaborateurs des rois.
Caractérisée par la flûte, la kora, la guitare, l’accordéon, le balafon et le tambour , la musique guinéenne d’expression peule ou foutanienne est en pleine transition.
Genre qui a pris une certaine dimension au fil des ans, les acteurs de cette musique trouvent de nouvelles façons de faire parler leur art et leur talent. Ce style musical, d'origine pastorale est en train, au fil du temps, de se métamorphoser sous influences d'autres musiques .
À la base, les sonorités mélodieuses et envoutantes étaient portées par des messages forts, des sentiments nobles et surtout par l'esprit de réconciliation nationale. Aujourd'hui, ces messages ont laissé place à des flatteries tous azimuts, en particulier envers les personnalités politiques. La plupart du temps, le contenu est plus distractif qu’instructif.
Néanmoins, des défenseurs de la valeur ancestrale de cette musique restent sur leur posture d’antan. En première ligne, Djely Sayon Kouyaté. Cette icône de la musique pastorale, du haut de ses 25 ans de carrière, se prépare à sortir son 6e album. Bien que bousculé sur le marché du disque par la nouvelle génération, ce sexagénaire garde les pieds sur terre. En studio pour son dernier opus intitulé Weltaarè qui signifie bonheur, il garde encore toute l’énergie de sa voix mais aussi la sincérité de ses textes.
Tout comme lui, ils sont nombreux qui tentent d’exister sous le rythme infernal de la mondialisation. Animés par la fougue de la jeunesse, des artistes s’approprient les instruments rudimentaires des aïeuls afin de perpétuer la tradition. Ils animent les soirées folkloriques appelées « Pôdha ». Ce style adapté prend parfois des dimensions électro et techno. Les boîtes de nuit dédiées à ce genre musical sont prises d’assaut par des personnes de tout âge.
Confrontés à un public très exigeant, les acteurs doivent se surpasser. Être créatifs et inventitifs pour se faire remarquer.
La musique pastorale est également une rencontre de civilisations du continent noir : les Yoroubas du Nigéria, les Bantous de l’Afrique australe, les Toucouleurs du Sénégal ou Peulhs du Macina, les Foulacoundas de la Gambie, et les Foulbés de la Guinée entre autres ont les mêmes ancêtres dit-on. Et cela se répercute dans la musique de la plupart des artistes de ces pays. Certains font souvent une fusion musicale où la diversité est célébrée.
Véritable porte d’entrée des musiques étrangères tant son style se prête à la soul américaine, ce genre est une aubaine pour les expatriés qui trouvent là un moyen de s’implanter sur les territoires de ses divers peuples. De par ses textes, la musique pastorale anime aussi les soirées entre amoureux: la volupté des cordes de l’accordéon est un vrai appel au romantisme.
La musique d’expression peule est également très dansante. Elle raconte des tragédies, des récits d’événements douloureux, met au grand jour les plus grands chapitres de l’histoire de tel ou tel territoire. Tout cela sur des tons et rythmes bien agencés. Les artistes de ce type ont le plus souvent la kora, la flûte ou la guitare comme instrument central. Leurs sonorités expriment dans une cohérence parfaite ce que pensent leurs maîtres.
Pour établir une liaison inter-générationnelle l’un des pionniers, Lama Sidibé auteur de l’album Sèguèlèrè qui signifie le charognard, est clair « On transcende les générations parfois dans nos œuvres. Dans la plupart des cas je m’adresse à toutes les catégories de la société. D’aucuns disent que la musique n’a pas d’âge mais personnellement je pense le contraire c’est pourquoi je réadapte mes chansons en fonction de la réalité. Tu ne peux imposer à un jeune de 18 ans des classiques des années 1950, il te trouvera décalé et tu seras incapable de le tenir en haleine » ajoute-t-il.
Outre ces têtes d’affiche, la nouvelle génération a pris le pouvoir aussi. En première ligne Habib Fatako héritier de feu Sekouba Fatako. À 25 ans il est la coqueluche de la musique pastorale. Sa présence dans les veillées folkloriques provoque une frénésie sans précédent. Avec désormais deux albums sur le marché du disque, ce jeune s’est confortablement positionné.
Il n’est cependant pas le seul qui est adulé par les mélomanes. Rica aussi, l'auteur de la chanson « Djomba » qui parle du mariage chez les peuls, est très apprécié.
Chez la gent féminine, Halima Bah figure en bonne place. Choriste au départ, elle a su imposer son style. Elle se distingue par la sincérité de ses textes et la finesse de sa voix. Les groupements de femmes appelées « Sèrès » l'invitent généralement, lors de leurs événements. La jeune Maimouna Seck aussi à travers son titre « Tour-tour » a fait parler d’elle depuis 2016. Écoutée, dansée partout et par tous, cette chanson a connu un véritable succès en Guinée.
Avec la modernité et les avancées technologiques, la musique pastorale est bien entrée dans une phase de mutation. Les acteurs du genre l'ont bien compris et prennent à leur compte les outils offerts pour, non pas diluer leur art, mais l'enrichir pour encore perpétuer cet art ancestral.
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