JMC 2018 - Orakle : « Nous ne devons pas être jugées selon notre genre »
Rencontrée par notre éditeur Lamine Ba, à la sortie d'un masterclass en marge des Journées Musicales de Carthage 2018 (JMC) en Tunisie, l'artiste congolaise Orakle s'est exprimée à coeur ouvert sur différents points. Entretien.
Bonjour Orakle, tu sors d'une masterclass organisé à l'occasion de ces JMC 2018. Quelles sont tes premières impressions ?
Bonjour Lamine. Nous avons parlé de l'actualité du hip hop sur le continent et la grande vérité à retenir de cet échange, est que peu importe le lieu ou les acteurs, la réalité des musiques urbaines est la même partout.
Nous sommes tous mûs par la même passion et nos défis au quotidien sont similaires. Ce fut un vrai régal de partager les expériences avec des confrères de la Tunisie.
C'est ta première en Tunisie et tu joues ce soir. Comment te sens-tu ?
Je suis vraiment très motivée. Citoyenne du monde que je suis, je me sens chez moi partout où je passe. C'est vrai que c'est ma première ici, mon tout premier contact avec ce public. Mais je compte m'amuser, montrer ce que je sais faire, en espérant laisser de bonnes impressions.
La place des femmes dans le hip hop est une question récurrente de nos jours. Aujourd'hui encore, vous n'étiez que 2 à cette masterclass. Que reste t-il à faire pour que les femmes soient encore plus visibles dans cet univers musical ?
Je suis d'un pays dominé par la rumba et c'est toujours un pari risqué d'y faire du hip-hop, surtout quand on est une femme. Il faudrait s'inspirer de nos soeurs ailleurs, qui dans cet univers, se battent pour leur passion et leurs carrières.
À titre personnel, j'ai créé une structure dénommée Africa Diva, pour soutenir ces artistes féminins qui émergent. Les défis sont nombreux, mais avec un peu de solidarité, nous pouvons nous communiquer de la force pour avancer.
Je pense que nous ne devons pas être jugées selon notre genre, mais seulement sur la base de notre talent. Cela me fait rire quand je rencontre des amis rappeurs au Congo qui se perdent à m'appeler « mon frère » ; c'est hilarant, mais je pense que c'est justement cet esprit qui doit régner. Notre condition de femme ne doit pas être une entrave à notre émancipation et les hommes devraient nous voir comme leurs semblables. Nous devons avoir une égalité de chances avec eux.
C'est difficile, mais à toutes le femmes je dis courage ! Femme d'Afrique, n'oublie pas qui tu es. Tu es la mère, la queen, la soeur, celle qu'on porte dans les coeurs.
Au pays de la rumba, quelle place occupe le rap ?
Nous avons réussi à gagner un public en RDC. Contrairement à nos collègues de la rumba qui abordent dans leurs oeuvres des thèmes très distrayants, nous proposons, pour notre part, des textes engagés socialement et politiquement, qui interpellent tout de suite le peuple et qui parfois nous mettent à mal avec les politiques que nous n'hésitons pas à fustiger.
En clair, le hip hop réussit peu à peu à se faire une place grâce à son engagement.
Pourrais-tu nous parler un peu de ta propre histoire avec le rap ?
Tout est parti d'une forte passion. Je passais l'essentiel de mon temps à suivre des artistes comme Julio et très vite le rap est devenu comme ma drogue quotidienne.
Il y a donc eu au début de la passion, avec un brûlant désir de la partager, puis il y a eu cette envie de raconter mon vécu, mes pensées et mes expériences.
Le rap est devenu mon mode favori d'expression et sur les scènes je me déchaîne.
Tu étais à Dakar il y a quelques mois, te voilà à Tunis aujourd'hui, quelle est la suite ?
Je prévois une escale au Cameroun pour le Festival Douala Hip Hop, puis cap sur Kinshasa, pour l'organisation de mon propre événement Yambi City, qui accueillera des artistes des 4 coins du continent. Voilà mon plan pour les derniers mois de 2018.
Beaucoup d'autres choses sont prévues pour la prochaine année et je ne m'impose aucune limite. Citoyenne du monde comme je vous le disais, je prendrais volontiers un passeport ouvert sur toutes les destinations, pour aller à la découverte de nouveaux publics et m'enrichir culturellement.
Orakle, un mot pour la fin ?
Je tiens déjà à remercier Music in Africa pour cet interview, merci aux JMC pour cette belle opportunité qui m'est offerte de découvrir la Tunisie et son industrie musicale, merci à toute l'équipe qui ne ménage pas ses efforts ici pour nous mettre dans d'excellentes conditions.
Un pont s'est créé entre Amadou Fall Ba et moi, j'espère pouvoir être à Dakar (Sénégal) pour la prochaine édition de la Urban Women Week.
Un seul mot pour la fin, merci !
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