Impact du coronavirus sur l’économie de la musique africaine
Music In Africa a échangé avec quelques experts africains qui se sont exprimés sur les conséquences économiques pour les scènes musicales avec le Covid-19. Ces professionnels ont aussi ébauché quelques pistes de sortie de crise.
Mounir Kabbaj (CEO de Ginger Sounds, spécialisé dans la production de spectacles et la prestation de services autour des musiques actuelles, France)
« Cette crise sanitaire est globale, ce n’est pas que le secteur de la musique qui est concerné.
Les mois de mars et avril sont généralement propices aux concerts et festivals. Avec les annulations et les reports qui se succèdent, le tourneur qui a l'habitude d'avancer l’argent, de même que l’artiste, vont se retrouver endettés.
Les sponsors risquent de lâcher les festivals gratuits et le public de ne va pas suivre, s’il n’a plus les moyens d’aller à un concert, de payer un billet. Les compagnies d’assurance ne prenant pas en charge les pandémies, on risque de vivre un vrai petit enfer dans les mois à venir.
Pour le moment, il est très difficile d’avoir des chiffres exacts car c’est le début d’une situation très difficile, mais pour une star africaine qui fait au moins une quinzaine de dates en Europe, les pertes s'élèvent à des dizaines de milliers d’euros.
L'année dernière, YouTube a annoncé avoir versé plus de 3 milliards de dollars aux détenteurs de droits musicaux ; avec la crise, la plateforme risque d’être impactée car les revenus publicitaires baisseront forcément. Les répercussions seront importantes là aussi pour les musiciens.
Les solutions pour le secteur sont liées à l’économie mondiale, nous devrions changer de modeling certainement. Il faudra aussi continuer à consommer la culture, les artistes à être créatifs.
Mais il faudra surtout réfléchir sur d’autres questions importantes et faire preuve de plus de solidarité car c’est notre empathie, notre humanité qui sont remises en question. »
Doudou Sarr (manager international de Youssou N’Dour et promoteur du salon Dakar Music Expo (DMX), Sénégal)
« L’industrie musicale du fait de sa particularité, est l'un des secteurs qui souffre le plus au côté du tourisme et du voyage.
L’Italie par exemple, a enregistré en un mois un manque à gagner de 10 millions d'euros sur un marché d'une valeur de 560 millions d’euros. Assomusica a révélé des pertes records de 10 millions d’euros de sa valeur boursière.
Aux États-Unis, Live Nation a enregistré une perte nette de -32 millions de dollars de sa valeur boursière en un mois.
Pour la première fois, le fameux festival Glastonbury en Angleterre qui se tient tous les mois de juin, a été annulé, de même que le festival Coachella aux États-Unis.
La tournée africaine de Burna Boy qui devait débuter en avril est également reportée à une date ultérieure. Son concert prévu pour le vendredi 13 mars dernier, au Côte-d’Or Nationale Sports Complex, à Maurice, a connu le même sort.
La nouvelle star africaine avait prévu aussi de prendre la route pour sa tournée Twice as Tall en mai. Ce périple qui devait commencer à Atlanta (États-Unis) et se terminer en Allemagne ; mais il va certainement devoir repousser certaines de ses dates.
Youssou N'Dour a lui annulé pas moins de 4 concerts au Sénégal.
Je n'ai pas de chiffres en ce qui concerne le continent mais tout ça va coûter très cher à l'industrie créative mondiale et africaine. Les États devraient soutenir le secteur et mettre en place des allègements fiscaux. Nous allons devoir rester fort et nous battre ensemble pour nous relever ensemble. »
Jess White (manager d'artistes, agent de booking, programmateur de festival, promoteur d'événements et DJ, Afrique du Sud)
« Pour ma part, je cherche à animer des ateliers, à écrire pour des publications et à faire du consulting dans la finance (ma profession d'avant), afin d'atténuer le coup et de traverser la crise. Je reste positif et soutiens ma communauté, je lis, fais de l'exercice et mange équilibré pour traverser la tempête émotionnelle.
En tant que manager, je suis à la recherche de performances à la carte pour aider mes artistes à traverser cette période sans précédent, jusqu'à ce que nous puissions revenir à la normale. Les agents de booking et les promoteurs tirent 100% de leurs revenus du live, la majorité des revenus d'un manager provient des performances live, cela ne peut pas être remplacé par le streaming sans un changement dans le modèle actuel utilisé par les principales plateformes : Youtube, Spotify, Apple Music, etc.
Ceux qui continuent à suggérer le streaming comme solution à la disparition des revenus des performances live ignorent le taux de redevance faible, vous avez besoin d'avoir environ 1 million de flux pour que vos redevances correspondent aux frais de performance d'un artiste de niveau intermédiaire d'un grand festival de musique, soit ils n'ont pas une compréhension approfondie de l'importance des performances live pour l'industrie de la musique. »
Comments
Log in or register to post comments