Covid-19 - Afrique : Plus de festivals internationaux en 2020 ?
Nous avons demandé à des promoteurs de spectacle s’il y a encore des chances, à la faveur d’une sortie de crise dans les mois à venir, de voir un spectacle international en 2020.
Les conséquences engendrées par le Covid-19 que nous sommes encore en train d’essayer de comprendre, seront, à n’en plus douter, catastrophiques pour tout le monde.
Le secteur artistique et culturel qui s’est adapté à cette situation inédite espère toutefois un retour à la normale pour se remettre vite au travail. Certains producteurs tablent au moins, sur la fin de l’année pour pouvoir organiser leur événement.
Pourtant le déconfinement sera progressif et la distanciation sociale, les gestes barrières, l’interdiction des rassemblements et des déplacements internationaux seront encore de mise.
Comment organiser un festival, une conférence, un concert, un atelier dans cette situation ? Y a -t-il encore des chances d’organiser des événements culturels internationaux cette année ? 4 directeurs d'événements internationaux nous donnent leurs avis.
Birahim El Mazned, promoteur du salon Visa For Music au Maroc, Daba Sarr, directrice du Festival Africa Fête au Sénégal, Imed Alibi directeur du Festival International de Carthage en Tunisie et Ananda-David Geissberger, directeur d'Afro-Pfingsten Festival en Suisse, ont bien voulu se projeter et partager avec nous leurs appréhensions, leurs espoirs et les perspectives qui s’offrent aux promoteurs culturels africains en cette année de crise.
Brahim El Mazned - Visa For Music : « Nous essayons de rester créatifs et d'avancer sur Visa For Music, toujours prévu en novembre. »
La 7e édition de Visa For Music se tiendra normalement du 18 au 21 novembre 2020 à Rabat (Maroc). C'est l'un des salons les plus réputés du continent.
Comment en tant que professionnel vivez-vous la crise engendrée par le coronavirus ?
Le secteur de la culture, par sa nature, est fragile dans nos régions. D’ailleurs, vous pouvez le noter que les premières mesures face au virus ont touché directement la culture avant de toucher les autres secteurs, le sport, tourisme, transport, etc. J’avoue qu’aujourd’hui, le secteur est encore plus fragilisé. Pour ce qui me concerne et concerne ma petite structure, toutes nos activités et programmes prévus jusqu’à cet été ont été annulés tout simplement. Nous essayons de rester plus créatif et avancer sur Visa For Music, toujours prévu en novembre 2020, au moins sur le volet contenu artistique et débat d’idées. D’ailleurs, nous continuons à recevoir les candidatures et projets d’artistes qui souhaitent se produire à Visa For Music.
Quelles sont les solutions auxquelles que vous envisagez pour faire face à la crise ?
Il me semble qu’il est prématuré d’évoquer les solutions aujourd’hui. Les états comme les entreprises sortiront de cette crise très affaiblis. J’espère que la culture sera avec le social, parmi les priorités. L’art et la culture sont les liens essentiels de cohésion sociale. Cela permettra de remonter le moral des gens après une longue période de confinement.
Nous comptons beaucoup sur nos partenaires pour pouvoir remonter la pente ensemble. Le danger serait de laisser la culture au second plan.
Pensez-vous qu’il soit possible encore d’organiser un événement cette année ?
Nous sommes confiants, je pense qu’après cette épreuve, il y aura une telle soif de sortir et d’assister à des spectacles, mais je crains que la reprise de la vie culturelle normale ne se produise avant septembre.
Pour notre part, on fera le nécessaire pour faire de l’édition 2020 à la fois une belle fête africaine et un moment de débat sérieux et sincère après cette crise, que je souhaite pas trop longue.
Daba Sarr - Africa Fête : « Avec l’appui des partenaires, nous espérons pouvoir sauver l’édition 2020 d’Africa Fête au Sénégal. »
Africa Fête est l’un des événements culturels incontournables en Afrique de L’Ouest. Le festival qui a tenu sa 19e édition l’année dernière se déroule en général entre novembre et décembre.
Comment en tant que professionnelle du secteur artistique et culturel, vous vivez la crise engendrée par le Coronavirus ?
Nous avons tant attendu l’année 2020, surtout dans l’espoir d’une vraie relance et une émergence des activités du secteur artistique et culturel avec la sortie de la crise économique.
La crise sanitaire mondiale avec l’arrivée du Covid-19 plombe le moral de tous les secteurs, mais plus particulièrement celui des artistes et de tous les professionnels de la culture. Aujourd’hui, le monde entier est menacé.
Nous pensons que cette pandémie est une volonté divine et nous prions tous pour qu’une solution soit trouvée très rapidement. Dieu, le tout-puissant, nous aidera à surmonter cette étape sans précèdent.
Vous deviez lancer un nouveau projet dans le cadre de la saison Africa 2020 qui vient d’être reportée, comment analysez-vous cette situation ?
Le report de la saison Africa 2020 est une décision sage, vu la situation désastreuse que vit le monde entier et particulièrement la France, pays initiateur, pays hôte. Il est quand même à noter que cette pandémie va beaucoup impacter sur toutes les activités des différents secteurs. Les artistes, les professionnels et tout le monde culturel sont profondément touchés avec l’annulation des événements, programmes, concerts, qui constituent leurs principales sources de revenus.
De notre côté, comme vous le savez, l’édition française de notre Festival Africa Fête s’organise tous les mois de juin à Marseille. Ladite édition prévue du 12 juin au08 juillet 2020, est complètement menacée avec le Covid-19. Une vraie équation à résoudre au sein de l’équipe : faut-il annuler ou reporter ?
Notre association Tringa Musiques et Développement, est partenaire de la Friche Belle de Mai à Marseille (France), sur un projet financé dans le cadre de la saison Africa 2020. Nous espérons pouvoir dépasser cette crise dans les plus brefs délais, afin que les activités puissent s’organiser mais également que tous les pays touchés puissent se remettre sur les pieds.
La tenue de votre Festival Africa Fête 2020 en décembre prochain est-elle menacée ?
L’édition d’Africa Fête à Marseille prévue en juin est bien menacée. Africa Fête au Sénégal qui s’organise chaque année au mois de décembre, a prévu pour 2020 un programme composé de concerts, d’atelier de renforcement de capacités, d’un concours /compétition artistique, de résidence de création artistique et des rencontres professionnelles.
Les activités qui doivent s’organiser en amont sont aujourd’hui menacées par la pandémie du Covid-19. Nous espérons pouvoir sauver l'édition 2020 d’Africa Fête au Sénégal avec surtout l’appui des partenaires sur qui nous comptons, afin de réaliser les activités déjà planifiées. Tout cela avec, bien entendu, une bonne sortie de cette crise sanitaire. L’année 2020 est une année noire dont le monde entier se souviendra….
Par ailleurs, il faut noter qu’en plus du festival, notre association réalise également d’autres activités connexes tout au long de l’année, notamment des programmations d’artiste et des formations qui sont la plupart annulées et d’autres menacées.
Imed Alibi - Festival international de Carthage : « C’est encore possible de tenir des événements mais tout dépend de l’évolution de la situation. »
Imed Alibi a dirigé l’année dernière les Journées Musicales de Carthage. Il a été nommé en janvier 2020, directeur du Festival International de Carthage qui s’apprête à tenir cette année, sa 56e édition.
Comment vivez-vous la crise actuelle ?
En tant que musiciens nous sommes tous affectés, c’est une crise qui a des conséquences directes sur le secteur musical et culturel en général, les répercussions sont graves, annulations, reports, pertes de dates de concerts, alors que le domaine culturel est déjà très fragile dans nos pays où perdurent encre des problématiques plus complexes comme l’absence d’assurances, la non-reconnaissance du statut de l’artiste, etc…
En tant que directeur du Festival International de Carthage, avec mon équipe, nous étions obligés d’annuler la programmation internationale alors que nous étions bien avancés sur beaucoup de dates et projets. Nous gardons toutefois l’espoir, et patientions que ça passe.
Quelles sont les réponses mises en place de votre côté pour faire face à lah crise ?
En tant que musicien nous essayons de trouver des solutions, des aides pour survivre mais aussi aider les autres artistes. Pour le festival, nous sommes en train de voir comment favoriser une création nationale avec les artistes et groupes tunisiens locaux. Au moins ça va les aider un peu.
Tout un écosystème va pouvoir en bénéficier, car beaucoup d’activités sont liées aux événements culturels comme vous le savez ; c’est une économie réelle, qui va du photographe au technicien, en passant par l’artiste.
Pensez-vous pouvoir tenir encore la 56e édition du Festival de Carthage ?
C’est encore possible de tenir des évènements mais tout dépend de l’évolution de la situation ; en ce qui concerne le Festival de Carthage, nous avons reporté la partie internationale pour l’instant. Vous avez besoin de trois mois au moins pour l'organisation logistique technique et communicationnelle pour mettre en place un festival, et avec le contexte actuel, tout est devenu encore plus compliqué.
Nous sommes conscients de la gravité de la situation et nous sommes mobilisés et solidaires avec les services de santé. L’entraide, la solidarité et la santé des citoyens, c’est ça la priorité. Ensuite on verra. Je ne veux pas être trop pessimiste mais d’autres festivals risquent le report ou l‘annulation car même si le confinement est allégé, l’interdiction des grands rassemblements va être maintenue pendant un certain temps.
Ananda-David Geissberger - Afro-Pfingsten Festival : « Nous avons dû annuler le festival cette année mais nous cherchons des moyens de soutenir nos artistes. »
Afro-Pfingsten 2020 se tient annuellement à Winterthur, en Suisse, mais est entièrement consacré à l'Afrique et à ses cultures. Pour son 30e anniversaire initialement prévu du 27 mai au 1er juin prochain, le festival promettait d’être une grande fête avec 60 000 spectateurs.
Quelles sont les conséquences de la crise pour votre festival ?
Nous avons dû annuler le festival et préparons maintenant l’édition 2021.
Tout d'abord, nous devons trouver un moyen de sécuriser le festival en général et ce sera un défi, mais nous avons le privilège de disposer de fonds relativement importants pour minimiser les dégâts du Covid-19 en Suisse. Il est donc presque certain que nous serons soutenus par l'État. Nous saurons combien cela représentera et si cela suffira à maintenir le festival en vie.
En outre, les vendeurs sur le marché et les nombreux artistes (plus de 150 spectacles étaient prévus) sont très importants pour nous et nous cherchons des moyens de les soutenir.
Nous avons également produit une petite vidéo et une chanson de solidarité.
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