La musique et les médias en Éthiopie
Ce texte donne un aperçu du paysage médiatique en Éthiopie.
Contexte historique
La presse écrite a été la toute première forme médiatique développée en Éthiopie. Vers la fin du XIXe siècle, des missionnaires et commerçants publient des hebdomadaires et mensuels en français. La toute première publication est un hebdomadaire (La Se-maine d’Éthiopie, 1890), fait en français par un missionnaire franciscain résidant à Harar. En 1905, l’hebdomadaire change de nom et se fait appeler Le Semeur d'Éthiopie [i].
Le premier journal en amharique est lancé en 1895. Aemero (L’intelligence) ne contient que quatre pages. Les premiers numéros sont écrits à la main, mais en 1902, 200 copies, imprimées à l’aide d’un duplicateur à pochoir ou machine miméographique, sortent chaque semaine. Le journal cesse de paraître en 1916 pour être relancé en 1924, avant de disparaitre définitivement quelques années plus tard.
Entre 1912 et 1915, les hebdomadaires comme Melekete, Selam, Yetor Wore (nouvelles de la guerre), et bien d'autres apparaissent.
En 1923, l'Empereur Hailé Sélassié établit la première imprimerie, Berhanena Selam (Lumière et Paix).
Entre 1923 et 1936, l'Éthiopie compte six publications : en 1925, Aithiopicos Kosmos (Monde éthiopien) publié en grec ; en 1932, L'Ethiopie Commerciale publié en français ; en 1934, AtbiaKokab (L'étoile du matin) en amharique et de 1934 à 1936, Ye-Ethiopia Demts (Voix de l'Éthiopie) en amharique. Ye-Ethiopia Demts est banni sous le régime italien pour réapparaitre en 1958.
Après la libération (entre 1941 et 1974), des mesures juridiques sont prises afin d’encourager le développement de la presse en Éthiopie. Les décrets de 1942 et 1944, la révision de la Constitution de 1955, le Code pénal de 1957, le projet de constitution présenté à l'assemblée constitutionnelle en juillet 1974, et le décret publié dans Addis Zemen en mars 1975, favorisent un meilleur encadrement juridique de la presse. En 1943, un an après la formation du ministère de la presse et de l'information, l'Ethiopian Herald [ii] lance un hebdomadaire en anglais. Ce journal et Addis Zemen existent toujours.
Des publications trimestrielles et annuelles voient le jour, notamment les publications de la Banque Nationale de l'Éthiopie et des divers ministères du gouvernement. Des magazines comme The Ethiopian Mirror (publié en anglais), Menen (publié en anglais et en amharique), Addis Reporter (publié en anglais) et autres publications du ministère de l’information, sont également en circulation durant cette même période.
Les deux ou trois premières années du régime Derg (1974-1987), souvent appelé l'âge d'or par les journalistes éthiopiens, sont prometteuses pour la liberté de la presse. Les débats politiques sont publiés dans la presse écrite et électronique, et les journalistes sont extrêmement ouverts et critiques du gouvernement. Les questions nationales telles que la démocratie, les régimes fonciers et la formation du gouvernement national sont abordées ouvertement.
L'événement marquant de l'histoire de la presse en Éthiopie commence après l’avènement au pouvoir du Front démocratique révolutionnaire des peuples (EPRDF) en mai 1991. L'EPRDF annonce, dès 1948, l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui garantit la liberté de la presse et de la parole. La presse prolifère suite au projet de loi de 1992. Selon le gouvernement, 385 publications sont enregistrés entre octobre 1992 et juillet 1997, dont 265 journaux et 120 magazines.
Les hebdomadaires et mensuels populaires sont distribués les samedis et dimanches, jours où il n’est pas évident de trouver une place assise à Arat Kilo, siège de la plus grande maison d'édition du pays.
La musique dans la presse écrite
Les quotidiens Addis Zemen et Ethiopian Herald sont populaires pour leurs rubriques d'offres d'emploi et de petites annonces. Ces journaux consacrent néanmoins une page au divertissement, à l'information générale, aux entretiens avec des personnalités, ainsi qu'aux poèmes et à l'actualité musicale.
L’Ethiopian Reporter [iii], un journal privé, propose trois fois par semaine, des textes en amharique le mercredi et le dimanche, et des pages en anglais le samedi. Il a de loin la rubrique la plus complète consacrée à l’actualité musicale et au divertissement.
Capital et Fortune [iv] appartiennent à des indépendants et se focalisent sur les nouvelles économiques en français. Les deux publications proposent une page dédiée au loisir et aux spectacles.
De nombreux journaux ferment en raison de la faible distribution, du manque de publicité et des coûts d'impression fortement élevés.
La radio
La radio est la principale source d'informations en Éthiopie, en particulier dans les zones rurales où vit 80 % de la population. Selon une enquête menée par l’Electoral Reform International Services [v] sur la réforme électorale de 2011, la musique arrive en deuxième place sur la liste de préférences des auditeurs, avec 14 % de femmes et moins de 6 % d'hommes. D’après les sondages, Ehud Meznagna (divertissement du dimanche), est le programme le plus populaire.
Le programme Ethiopika Link sur Zami Radio [vi] propose également du divertissement populaire pour les jeunes.
Selon l'Ethiopian Broadcasting Authority [vii], une agence fédérale autonome chargée de réglementer les médias de radiodiffusion, il existe 26 stations FM à ondes courtes et 9 stations de télévision nationale et régionale en Éthiopie.
Radio EBC [viii] fonctionne comme une radio de divertissement. La station diffuse en langue amharique.
Radio 104,7 FM est dérivée de la Radio EBC anglaise et cible l'intelligentsia diplomatique et la communauté des ONG de la capitale.
Radio Afro [ix] sur 105.3 FM est la plaque tournante de la musique africaine, des débats politiques, de l’actualité en anglais. Elle propose également une émission en français une heure par jour. La station est créée par Paconet Media PLC en 2008, et diffuse sur Addis-Abeba et ses environs.
Sheger Radio [x] propose également de la musique africaine. Lancée au début de l'année 2007 et administrée par une éminente personnalité des médias, Meaza Biru et son mari Abebe Balcha, Sheger est la première station de radio privée en Éthiopie. Elle propose de l’info-divertissement et de l’actualité générale en plusieurs langues.
La télévision
La télévision éthiopienne est lancée en 1964 avec le soutien de l'entreprise britannique Thomson. La chaine a alors pour but de promouvoir une conférence de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) qui a lieu la même année à Addis-Abeba. Aujourd'hui appelée l'Ethiopian Broadcasting Corporation (EBC) [xi], la programmation de la station comprend l'actualité, le sport, la musique et autres divertissements. Elle diffuse en langue amharique, en oromo, en somali, en tigrinya, en afar, en harari et en anglais.
EBC propose des programmes de divertissement comme Balageru [xii], inspiré de l’émission musicale américaine Idols. Ce télé-crochet lancé en 2005, est réalisé par le célèbre producteur de musique Abraham Wolde.
EBS a récemment lancé Merewa [xiii], calqué sur l’émission américaine The Voice.
Les gouvernements régionaux à Amhara, Oromiya, Tigray et la région du sud ont également leurs propres stations de télévision.
Les médias en ligne
L'Éthiopie fait partie des pays ayant les plus faibles taux d'utilisation d'internet et du téléphone mobile en Afrique. Le gouvernement exerce un contrôle rigoureux sur l'internet et les technologies mobiles afin de mieux surveiller les sources d'information du peuple. L'accès à ces services n’est disponible qu’à travers l'opérateur de télécommunication publique, Ethio Telecom. Malgré ses nouvelles infrastructures, l'Éthiopie demeure l'un des pays les moins connectés d'Afrique, avec seulement 1% d'éthiopiens ayant accès à la grande toile. C'est en grande partie dû au monopole d'Ethio Telecom qui rend très coûteux l'accès à Internet qui est très lent et peu fiable, avec une couverture limitée en dehors de la capitale.
Malgré ces restrictions, la musique du pays est partagée sur des plateformes en ligne notamment via Hubesha [xiv], Tigrai [xv] et Habesha Zefen [xvi], qui rassemblent les oeuvres de divers artistes éthiopiens.
La liberté d’expression
Les élections de 2005 demeurent les plus contestées de l’histoire du pays. Le gouvernement a en effet accusé les journalistes et éditeurs de conspiration. Les médias qui s’épanouissaient pourtant bien, devinrent alors une cible. Les mesures répressives contre la liberté d'expression et d'association se multiplièrent.
La Loi antiterroriste de l'Éthiopie est adoptée en 2009 [xvii]. Depuis, les médias indépendants disparaissent suite aux poursuites à motivation politique.
En 2012, après le décès de Meles Zenawi, Hailemariam Desalegn devient premier ministre. Le pays connait alors une forte répression des droits civils et politiques, y compris la liberté d'expression. Des arrestations et détentions arbitraires de journalistes intimident le monde médiatique.
En avril 2014, des blogueurs et journalistes de la Zone 9 sont incarcérés à la suite d'accusations de terrorisme. Ils sont libérés après plus d’un an de détention. Pour éviter l’emprisonnement, 30 journalistes fuient le pays cette même année. Outre les journalistes, les musiciens éthiopiens ont souvent tendance à rester à l'écart de la musique à connotation politique. Le célèbre chanteur Tewodros Kassahun (alias Teddy Afro [xviii]) fait exception lorsqu'en 2005, il sort un album dans lequel il critique le gouvernement. En décembre 2015, des rapports non confirmés, affirment que le gouvernement éthiopien aurait interdit la diffusion des oeuvres de plusieurs chanteurs de l'ethnie oromo, en raison de leur engagement politique.
Les médias éthiopiens ont malgré tout pu évoluer au cours du dernier siècle et ils soutiennent à leur façon l’industrie musicale du pays.
[i] www.pressreference.com/Co-Fa/Ethiopia.html
[ii] www.ethpress.gov.et/herald/index.php/2015-03-31-12-22-35/about-us
[iii] www.thereporterethiopia.com/
[v] http://docslide.us/documents/audience-survey-55845fcd13da0.html
[vi] www.facebook.com/EthiopikaLink/info/?tab=page_info
[vii] www.facebook.com/broadcasting.authority/timeline
[viii] www.facebook.com/EBC-Radio-976-Ethiopia-441030376034859/timeline
, [ix] www.afro105fm.com/i/index.php
[x] www.facebook.com/SHEGER-FM-1021-RADIO-183628639615/timeline
[xi] www.facebook.com/EthiopianTelevision
[xii] www.facebook.com/balageruidoltvshow/timeline
[xiii] http://addisfortune.net/articles/ethiopian-voice/
[xiv] www.hubesha.com/audio.php
[xv] www.tigraionline.com/music.html
[xvii] www.hrw.org/news/2013/05/03/ethiopia-terrorism-law-decimates-media
[xviii] www.ethiopianstories.com/feature-stories/211-teddy-afro-the-story-so-far
Comments
Log in or register to post comments