RDC - Éruption de talents à Goma : danse en liberté
En République Démocratique du Congo, des jeunes se sont engagés dans la danse pour partager leurs opinions et s’exprimer sur des enjeux qui leur tiennent à cœur.
À travers la danse et en mettant en avant le talent féminin, ils veulent également redorer l’image du Kivu, région longtemps frappée par des conflits pour changer les mentalités.
Ils et elles ont participé en mai à la quatrième édition de Goma Dance, l’un des grands festivals de danse urbaine, contemporaine et traditionnelle au Congo qui se tient dans la ville de Goma.
Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, est réputée créative. Ses rues se transforment en scènes de création et performance artistique, grâce à des manifestations culturelles chaque week-end.
La danse, la musique, le slam et le théâtre trouvent place dans l’espace public et favorisent rassemblement, liberté d’expression et changement des mentalités pour la population congolaise.
La danse nous unit
Faraja Batumike, danseur Congolais résidant à Goma, est l’une des personnes qui se battent au quotidien pour la professionnalisation des artistes à l’est de la RDC. Pour ce chorégraphe, la danse est un vrai outil de sensibilisation, de réflexion.
« À travers la danse je veux unir les gens de partout, promouvoir l’amour, la paix, briser les barrières politiques, éthiques et ou culturelles ».
Organisateur de Goma Dance Festival, Faraja explique que le côté féminin a été au centre de cette édition 2021 : « Nous n’avons invité que des danseuses internationales pour animer les ateliers et mis l’accent sur une résidence de création dédiée aux Congolaises ».
Une référence dans le paysage culturel africain
Goma danse festival a accueilli danseurs et danseuses venus des autres territoires et villes de la région : Bukavu, Minova, Uvira, Rutshuru, etc.
« Grâce aux nouvelles technologies, des jeunes de Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani ont suivi les workshops en ligne », poursuit Faraja.
Jc Kanane, danseur de style Bboying, est un habitué de Goma Dance. Il a participé en ligne aux ateliers depuis la ville de Lubumbashi. Pour lui, c’est une expérience exceptionnelle qu’il n’avait jamais eue avant.
« Je rêvais d’échanger avec les professeurs de danse Junior et Lilou. J’ai été impressionné par le fait qu’il y ait toujours des personnes soucieuses de l’évolution de la danse ».
Depuis plus de dix ans, la République Démocratique du Congo, surtout sa partie orientale, connait des confits armés et de graves épidémies telles qu’Ebola et actuellement le Coronavirus qui frappe le monde.
La guerre interminable est à la base de plusieurs fléaux, dont le phénomène des enfants de la rue. Ces jeunes pensent que la danse peut servir d’un bon outil de sensibilisation, de réinsertion pour ces enfants démunis et de thérapie pour les populations meurtries.
« Nous artistes danseurs essayons de sensibiliser avec nos différents spectacles de danse. Nous apportons le sourire, la joie de vivre-ensemble. Redonner espoir à ces enfants des rues et leur faire découvrir leurs talents s’inscrit dans nos priorités », partage l’un d’entre eux.
Ces jeunes artistes danseurs encadrent bénévolement des enfants défavorisés à travers la danse urbaine, depuis 2016 dans le cadre de leur initiative « Vijana Up » qui signifie en Français « Debout jeunes et enfants ».
Promouvoir la femme, la liberté d’expression à travers la danse et rapprocher les danseurs internationaux professionnels des locaux, contribue à la visibilité grandissante de Goma Dance Festival.
Retour aux sources
Les Mybalés, Nathalie et Doris, ont participé en tant que professeurs à l’un des ateliers du festival. Les Mybales, deux sœurs jumelles d’origine congolaise, se sont lancées dans leur carrière professionnelle en 2014 à Bruxelles.
« Notre projet en duo « À travers l’autre » parle du rapport entre jumelles. Nous y abordons notre rapport à l’univers et à l’universel pour que chacun puisse s’inviter dans notre histoire », commente Nathalie.
À la question de savoir ce que la danse représente pour elles, Les Mybalés répondent d’une seule voix : « C’est notre langage, l’art de raconter quelque chose qui nous tient à cœur à travers le corps, l’espace et la gestuelle. »
Elles considèrent que la danse permet de surpasser la peur, de dire ou d’oser, que c’est aussi une meilleure façon de dénoncer, de militer.
Les Mybalés ont été fascinées par l’engagement et l’énergie que les jeunes danseurs de Goma ont partagés lors de la journée mondiale de la danse. Elles ont été séduites par l’hospitalité de la ville touristique qui les a accueillies.
« Ces jeunes ont soif de danser, c’est beau de les voir si heureux en dansant. Leur joie d’être sur scène et de rencontrer le public est vraiment contagieuse ».
Les deux sœurs, honorées d’avoir été choisies comme juges du grand battle, avouent s’être senties chez elles alors qu’elles ont quitté le Congo à l’âge de deux ans pour la Belgique et n’étaient jamais revenues depuis.
Elles ont longuement discuté avec les jeunes participant au working progress sur le rôle de la femme congolaise dans la danse. « Nous aimons partager notre expérience de danseuses professionnelles pour qu’elles se sentent à l’aise, en confiance. Elles sont motivées et ne demandent qu’à évoluer ».
Passer nos messages
Virginie Magumba, danseuse hip hop de Goma et interprète évoluant à Goma, a participé aux ateliers animés par Les Mybalés au Goma Dance Festival, une opportunité pour cette lauréate 2020 d’un prix de meilleure danseuse.
La danse l’inspire depuis son plus jeune âge et lui permet de gagner sa vie. Toutes les danses sont prétextes à faire valoir sa créativité et son talent. Stéphanie Mwami, aussi danseuse contemporaine et traditionnelle explore la comédie, le chant, pour se réaliser en tant qu’artiste multidisciplinaire.
« Pour nous danseuses, Goma Dance festival est un événement capital dans la région, surtout dans cette période où la pandémie nous empêche d’avancer. Il nous est impossible de voyager, de se rencontrer et de partager avec d’autres danseurs dans le monde de belles scènes. Grâce à Goma Dance, notre motivation reste intacte et nous nous faisons connaître à l’international. »
Danser, c’est vital comme affirmer avec force ce qu’ils et elles communiquent à travers leurs créations est essentiel pour tous ces jeunes artistes heureux d’accéder à la reconnaissance de leur travail qu’ils soient hommes ou femmes.
Engagés dans leur art, sans concession, en toute liberté, ils et elles s’expriment sur des enjeux de société et souhaitent participer au changement à l’œuvre sur le continent africain et dans le monde.
Il ne s’agit pas simplement de restaurer l’image de la région des Grands lacs, encore associée aux conflits ou, comme en ce moment, à la fragilité d’une population frappée par l’urgence face aux forces de la nature.
Ces danseurs et danseuses ont conscience de la responsabilité qui incombe à la nouvelle génération d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la République Démocratique du Congo, de l’Afrique et de la place de ce riche continent dans la bonne marche du monde.
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