Les femmes dans la musique au Burkina Faso
La musique burkinabè fait partie du patrimoine culturel national et la femme a toujours joué un rôle prépondérant dans cette filière.
La musique est un élément fondamental de l’histoire de l’Afrique et du Burkina Faso en particulier.
Pour s’en convaincre et on ne peut pas parler de chants sans faire référence à la femme. De la Haute-Volta au Burkina Faso en passant par les indépendances, les grandes cantatrices ont joué un rôle primordial, non seulement dans la construction du Burkina Faso mais surtout dans la valorisation des rythmes du terroir.
Les femmes notamment dans la chefferie moaga, ont été au cœur des grandes célébrations coutumières du royaume. Généralement le volet culturel dans la chefferie mossé est dévolu au Larlé Naaba et les femmes ont toujours tenu la dragée haute car, non seulement elles animaient la cour royale, mais également, elles construisaient progressivement l’identité musicale moaga.
Quand on parle de la genèse de la musique burkinabè, la femme qui s'impose de façon transversale dans l’historique de la chanson burkinabè est Ado Gorgo Léontine (86 ans aujourd’hui donc 67 ans de musique). Elle est la véritable doyenne de la musique burkinabè dans toute sa plénitude. Propulsée sur la scène grâce au Larlé Naaba Anbga, c’est à travers l’émission de la radio nationale des contes que la cantatrice venue de Kando dans la province du Kouritenga a été révélée officiellement au public voltaïque.
Elles étaient un groupe de femmes à former la troupe de Larlé. Elles avaient pour nom : Mariam Dermé, Abibo, Antine et une autre Mariam. Elles s’adressaient à toute la Haute Volta à travers leur émission de conte à la radio, ponctuée de musique. Ado a bourlingué à travers la France (Marseille, Paris, Bordeaux, Lille). Depuis cette période précoloniale, Ado Gorgo Léontine et sa troupe ont gagné en notoriété. Le Ghana et la Côte d’Ivoire l’invitèrent à plusieurs reprises pour des prestations.
La cantatrice a ravi le cœur de nombreux mélomanes de la sous-région depuis les années 40 à nos jours avec des tubes d’anthologie comme « Yilgikom », « Saow yidma », « Koukin Daaga ». Ses chansons plaisent à la fois les mooré phones et ceux qui ne parlent pas cette langue. Véritable Trésor inépuisable, les musiciens modernes n’hésitent pas à retourner aux sources en s’inspirant de ses chansons.
Après la mort du Larlé Naaba Anbga, Ado Gorgo Léontine a créé la troupe Namendé qui regroupait de nombreux grands musiciens traditionnels parmi lequel le regretté Amidou Zongo. Cette troupe n’a malheureusement pas connu assez de succès à l’image de celle du Larlé Naaba mais elle a marqué aussi son temps. C’est ainsi lors du deuxième conflit entre le Mali et le Burkina Faso en 1985, pendant que les regrettés Inoussa Sankara, Bouba Diallo, et Mamadou Barry appelaient au sursaut patriotique à la radio nationale, Ado Gorgo et sa troupe ont composé des chansons pour la circonstance, « Boblogdo » (mettez vos carquois en bandoulière) a été l’une des chansons de mobilisation sur ce que d’aucuns avaient appelé : « la guerre populaire généralisée ».
Elle aura donc apporté sans se rendre compte, une grande émulation artistique au sein de la gent féminine. Ainsi donc, c’est d’abord la musique traditionnelle qui fera jaillir des grandes cantatrices de la chanson. On peut citer entre autres : Marie Gayerie lauréate de la SNC 2016 (Semaine Nationale de la Culture), Dori Foudingnabou (cantatrice Gourmantché), Nana Bibata (Promotrice des nuits des chefs coutumiers)… puis ensuite la musique moderne ont emboité le pas.
D’Amety Méria à Awa Nadia, on en dénombre environ deux mille cinq cents musiciennes (2500) affiliées au Bureau Burkinabè de Droit d’Auteur (BBDA). Elles sont présentes dans tous les genres musicaux (traditionnel, Hip-hop, urbaine, reggae, madingue, zouk, coupé-décalé, religieux…). Mais le hic réside au niveau de leur notoriété ou présence sur les grandes scènes. Elles sont moins sollicitées que les hommes.
La preuve en 17 éditions des Kundé, seule Amety Méria aura reçu le sacre suprême en 2004. Elles n’ont pas de véritable plateforme pour s’illustrer. Elles se greffent aux manifestations conventionnelles pour se faire une place au soleil. C’est la raison pour laquelle, elles se sont réunies en association pour défendre leur intérêt. Baptisée l’Association des femmes Artistes Musiciennes (ABFAM), elle a pour objectif de promouvoir les œuvres phonographiques des femmes et de défendre leur cause partout où le besoin se fera sentir.
Présidée par Amety Méria, l’ABFAM prône pour un meilleur traitement des cachets des artistes et surtout pour une représentation significative des artistes féminins sur des grands plateaux nationaux. Elles organisent également des formations au profit des femmes artistes et de leur membre. Des descentes auprès des grandes institutions sont régulièrement faites en guise de plaidoyers.
L’autre constat, dont les femmes parlent moins dans ce milieu, c’est l’arnaque et les chantages sexuels dont elles sont souvent victimes, principalement pour les débutantes. « J’ai subi plein de sévices corporels parce que j’étais naïve… » affirme une artiste célèbre qui a souhaité garder l’anonymat.
Bons nombres parmi elles, ont fait un recul stratégique et d’autres ont carrément jeté l’éponge pour se lancer vers d’autres activités. Mais de plus en plus, elles ont mis la musique au second plan, se consacrant beaucoup à leur vie de famille et d’autres affaires plus lucratives. Il s’agit entre autres de Sami Rama, Sonia Carré d’As, Mariam Rovane, Lobbo Dicko, Toussy…
Par contre la musique d’inspiration religieuse gagne de plus en plus de galons chez les femmes. Elles sont de plus en plus présentes et rassemblent de nombreux mélomanes dans leur spectacle. La plus célèbre d’entre-elles est la Sœur Palingwendé Anne-Marie Kaboré qui vient à peine de mettre son troisième album Espère toujours sur le marché discographique a été nominé en 2017, au Kundé dans la catégorie « Musique religieuse » qu’elle avait remportée en 2014.
Tout compte fait une relève est en train de reprendre le bâton de pèlerin grâce aux nouveaux styles musicaux et concepts qui envahissent les box-offices africains. « L’ambiance facile » est beaucoup prisée par les femmes et nos « amazones » burkinabè ont pris le train en marche.
Malicka la slameuse, Michuana, Woni, Mariah Bissongo, Tiness, Pamika, Nourat, Natou, Ashley, Besko, Daisy Franck, Wendy, Sissao, Kandy Guira, Sali Sanou, Nabalüm et surtout Sali Diabaté, l’une des rares femmes à jouer des instruments traditionnels de musique réservés, dit-on, aux hommes sous nos cieux.
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