Sofiane Pamart, du classique au hip-hop
Par Anis Hajjam
Le pianiste traîne dans ses veines et dans ses compositions les effluves d’un arrière-pays marocain. Classique de formation, il enlace le rap qui fait de lui une vedette. Son deuxième opus «Planet Gold» le portait déjà haut, avec luxe.
Depuis cette réalisation -un enregistrement revu et augmenté de son premier où tous les titres renvoient à des villes ou des lieux à travers la planète-, le musicien est affublé de qualificatifs qui font autant plaisir que peur :
« exceptionnel », «génial», «unique»… Pourvu que cela dure dans un milieu, disons, impitoyable. Pour l’instant, Sofiane fonce tête haute. Rien ne paraît l’intimider. Son répertoire est celui d’un jongleur habile. Biberonné à la dure et au classique, il prend ses libertés en flirtant avec le phrasé urbain. D’autres ont marié avec bonheur le hip-hop et le jazz, à l’image du concept Jazzmatazz de Guru, cerveau de Gangstarr. Le jazz fait également partie du tableau de chasse du compositeur prodige avec une prestation au select Montreux Jazz Festival : «Je suis en plein rêve éveillé de tout ce que j’ai projeté quand j’étais enfant.» Sauf un, celui du meilleur pianiste du monde, comme il s’évertue à le répéter. Entre-temps, il compose pour de grands noms du rap francophone du moment, en les accompagnant : Scylla, Médine, Laylow, Sneazzy, Vald, Koba LaD, Dinos… et le slameur Grand Corps Malade.
Management en industries musicales
Sofiane Pamart voit le jour dans la banlieue lilloise en France. À sept ans, il est « contraint» de fréquenter le conservatoire, sa maman, professeur de Lettres, l’y obligeant. Il en sort seize ans plus tard, brandissant la médaille d’or pour une double interprétation de Chopin et de Ravel. Après un MBA en management des industries musicales, il monte la formation Rapsodie. Et c’est parti pour ne plus s’arrêter. Avec un amour sans cesse grandissant pour un médium à touches, une sorte de percussions du chic, un instrument convoquant la belle douleur. Mais, derrière cette réussite, se dessine avec préméditation un plan exécuté au compas : «Si je n’avais pas bénéficié de l’éducation stricte et rigoureuse de ma mère, je n’aurais pas persévéré, je ne serais pas là où je suis. Ma famille vient vraiment de rien, elle a tout construit étape par étape, une pierre après l’autre.»
De grands podiums
Pourtant, cette «famille qui vient de rien», installe tôt un vrai piano à la maison, inscrit ses trois enfants au conservatoire de Lille, fait de Sofiane une vedette dans le monde de la musique classique qu’il développe en allant vers le jazz et le rap. Sacrée famille qui descend, côté maternel, d’une lignée marocaine berbère. Le grand père de ce dernier star émigre en France dans le dessein de devenir mineur de fond. Comme quoi, les aspirations changent de génération en génération, parfois en cassant le rétroviseur. Sofiane finit par fouler de grands podiums, recevant deux disques d’or, pour ses compositions de «Matin» de Koba LaD et «Journal Perso II» de Vald. Il se produit sur des scènes parisiennes mythiques telles L’Olympia et Le Bataclan. Il parcourt également quelques espaces européens en solo et jouit d’une belle fascination. Comme tout assoiffé de la large reconnaissance, Sofiane Pamart touche au monde de la mode en s’attardant sur le luxe qui l’habille depuis quelque temps. L’esprit classique trempé dans le hip-hop peut pousser à d’insensés mélanges et à de curieuses fusions de genres. Celui qui a fait installer un piano devant le Panthéon parisien à sa signature avec la firme Universal ne se prive pas de marteler : «Je me suis proclamé roi avant de l’être, comme tout prétendant au trône.» Que cette assise reste pour longtemps sienne. Avec «Letter» comme nouveau défi.
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