Tchad : 5 questions à Matibeye Dje Non Pah
Turban coloré surplombant une coupe afro courte, maquillage sobre et robe grise de scène, Matibeye est ivre de joie quand elle descend de l'estrade du Théâtre Daniel Sorano de Dakar (Sénégal), après un concert en collectif avec ses collègues du WOP, l'orchestre Afro Rumba Club de Marseille (France) et l'orchestre national du Sénégal.
La jeune femme, modeste et chaleureuse, est pourtant une des plus belles voix soul et fusion de son pays, le Tchad ; mais malgré ce statut enviable, Matibeye a toujours la tête sur les épaules, surtout quand il faut répondre aux 5 questions de notre rédaction.
Bonjour Matibeye, ton passage à Dakar s'inscrit dans le cadre du programme Marseille en Afrique initié par l'agence Afrik'Consult ; voudrais-tu nous parler un peu de ce projet ?
Bonjour Jean ; comme tu les sais déjà, Marseille en Afrique est un projet signé Afrik'Consult en partenariat avec Indalo de Marsella, qui regroupe des artistes de plusieurs nationalités et aux horizons artistiques variés, pour leur permettre de collaborer et créer de la musique ensemble.
La première phase du programme s'était déroulée en France en novembre 2021, précisément dans la ville de Marseille. Il y avait les filles du WOP d'Afrique et la grande formation de l'Afro Rumba Club.
Nous y avons participé à des résidences de création et à des spectacles qui nous ont vraiment enrichis. C'est pour la seconde phase que toute la production s'est déplacée sur Dakar, pour travailler avec l'orchestre national du Sénégal qui s'est également associé.
La vision derrière ce programme est de mettre sur pieds un grand répertoire de chansons, pour la préparation d'un festival dénommé Marseille en Afrique, des 4 continents.
Si tu es embarquée dans l'aventure Marseille en Afrique, c'est justement parce que tu es membre du Women Project (WOP) d'Afrik'Consult toujours. De quoi s'agit-il ?
Le Women Project regroupe des chanteuses d'Afrique, des musiciennes à voix, qui ont toute une carrière déjà avancée. Le programme leur permet d'évoluer en collectif et de se créer ainsi, l'opportunité de participer toutes ensemble à des résidences de création et des festivals entre l'Afrique et l'Europe.
WOP nous permet également d'entrer en dialogue avec d'autres collectifs du monde et cela est très précieux pour nous. Nous rencontrons continuellement de nouvelles personnes, découvrons de nouvelles cultures, et cela apporte un grand plus à nos parcours individuels.
En travaillant en collectif, nous apprenons aussi à nous adapter les unes aux styles des autres - un mode de travail qui nous rend un peu plus polyvalentes et qui élargit nos horizons artistiques.
WOP est un vrai challenge, puisque le collectif représente pour chacune de nous, l'occasion rêvée d'investir les devants de la scène africaine. Pour cela, nous travaillons rigoureusement sur un répertoire polyphonique avec un accent particulier sur la voix, car rappelons le, nous sommes surtout des musiciennes à voix. La voix est notre principal instrument et elle est au centre de nos démarches artistiques.
Matibeye, le dernier mois de mars a comme souvent été l'occasion de réfléchir à travers le monde, sur la condition de la femme. Est-il facile pour toi d’être femme dans le secteur musical du Tchad et de l’Afrique en général ?
Il est bien difficile de vivre de son art et d'y évoluer en tant que femme sur notre continent. Cela est encore plus compliqué dans mon pays le Tchad, où une forte mentalité machiste règne encore.
En effet chez nous, la scène n'est pas la place de la femme pour beaucoup. Elle ne doit pas s'exposer, chanter et attirer des regards sur elle, au risque de faire l'objet d'un rejet en société.
Mais avec le temps, les mentalités changent heureusement. J'ai pour ma part, la chance d'être accompagnée par ma famille, mon entourage et par des structures culturelles du pays.
Trouver du financement et des opportunités est une vraie bataille pour les femmes artistes au Tchad ; mais on s'accroche grâce à notre passion ; on continue de croire en notre métier et en nos rêves...
Tu as récemment fait une sortie médiatique pour expliquer que ton album Noon Pah était en préparation ; est-il déjà finalisé ?
Oui, le travail avance pour l'album et nous l'avons même presque achevé ! Nous sommes à la phase de finalisation et moi aussi j'ai hâte que cet opus voit le jour...
Beaucoup de gens attendent impatiemment sa sortie, du coup je réfléchis déjà à la politique de diffusion et de distribution ; je pense à une tournée de promotion et à bien d'autres points liés à la commercialisation de l'oeuvre.
Mon équipe et moi allons accélérer un peu les choses pour ne pas trop faire patienter mes abonnés. Sans précision, je peux juste dire qu'il sera disponible très prochainement.
Matibeye, voudrais-tu nous dire un mot sur ton programme des 9 prochains mois ?
Mon calendrier des prochains mois, je préfère le tenir secret (rires) ! Je suis de ceux qui n'aiment pas vite déballer les choses et qui adorent faire des surprises.
Il faudrait juste retenir que j'ai un calendrier très saturé avec des voyages, des rencontres, des spectacles et plein d'autres choses...
Après l'escale à Dakar, je vais prendre une petite pause avant de reprendre l'aventure avec les WOP. En dehors du collectif et du programme Marseille en Afrique, j'ai aussi ma carrière solo que je dois entretenir.
Avec toutes ces activités, notamment le travail pour mon album et tout ce qui m'attend, je peux dire que je n'aurai pas de vacances pour les 9 mois à venir, mais je fais tout pour rester fraîche et garder le moral très haut !
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