Le sexe dans la musique camerounaise
Au Cameroun, Jazz, blues, bikutsi, hip hop parlent du sexe parfois avec des mots crus.
Septembre 2015, Franko sort « Coller la petite ». Clip vu 47 614 653 de fois sur Youtube. Cette chanson a reçu le prix MTV Africa Music Award dans la catégorie chanson de l’année. Elle a surtout été au centre d’une vive polémique au Cameroun et dans les médias locaux et internationaux.
Deux camps à priori irréconciliables s’opposaient verbalement. Ceux estimant que c’est juste une blague, une chanson pour rigoler. Avis non partagé par les puritains, ces derniers faisant une analyse sociologique sont péremptoires : « Coller la petite » encourage à boire de l’alcool, à danser et à utiliser les femmes comme des objets sexuels. Bref, en 3 minutes 54, cette chanson concentre tous les vices qui freinent le Cameroun.
En novembre 2015, le préfet du département de la Mifi, Joseph Tover Twanga, signe un arrêté « portant interdiction de la vente, la diffusion et la promotion de l’œuvre de l’artiste Franko ». Objectif : lutte contre la dépravation des mœurs. Plus tard, le préfet sera désavoué par le gouvernement camerounais.
Le plus amusant avec « Coller la petite » c’est que la version sobre, moins explicite du clip provoqua, elle aussi, la polémique. Plusieurs internautes accusant Franko d’avoir vendu son âme à l’industrie musicale, en reniant ce qui faisait son style, semblent obtenu été entendus car la version politiquement correcte de « Coller la petite » n’a jamais été publiée sur le compte Youtube officiel du chanteur.
La désapprobation est clairement visible lorsqu’on compare le nombre de vues. 237 648 vues pour la version soft contre 47 614 653 pour la version hard et initiale du clip de « Coller la petite ». Autre chose amusante : Franko n’a pas « Collé la petite » dans le clip initial. L’artiste ne colle personne, autrement dit ne pratique pas le titre de sa chanson. De là, à dire que ceux qui parlent le plus en font le moins, il n y a qu’un pas que chacun choisira de franchir ou pas.
La société camerounaise, qui n’est pas à une contradiction près, n’accordera quasiment aucun intérêt à la chanson contre les violences conjugales sortie par Franko. Peu d’articles dans les journaux, pas de félicitations sur les réseaux sociaux et peu de vues sur Youtube. « Faut pas taper sur madame » dont le clip a été publié en septembre 2016, n’a été vu que 1 435 842 de fois.
Mai 2016, Reniss publie « La sauce (Dans la sauce) » qui récolte 3 940 304 de vues sur Youtube
« La sauce (Dans la sauce) » ou l’art de faire beaucoup de sous-entendus pour être comprise, tout en maintenant assez d’ambiguïté pour laisser travailler l’imagination. Les femmes sont plus intelligentes que les hommes dit-on souvent, Reniss semble prouver cette affirmation car, le titre de sa chanson « La sauce (Dans la sauce) » a au moins une double signification. Écouter la chanson ne permet pas forcément de lever l’ambigüité.
Quand Reniss chante « les hommes aiment le plantain dans la sauce » deux hypothèses peuvent être émises : Soit les hommes camerounais aiment manger la banane plantain dans de bonnes sauces. Dans ce cas, la chanson « La sauce (Dans la sauce) » serait juste à classer au rayon critique gastronomique. Soit les hommes aiment tremper leur banane plantain (symbole phallique) dans des orifices conçus pour les recevoir. Dans ce cas, la chanson « La sauce (Dans la sauce) » serait à classer tout en haut de l’étagère, hors de portée des enfants, des mineurs et des puritains.
Pour en rajouter à la confusion volontairement entretenue, Reniss utilise le mot sauce pour désigner la vie privée. Ainsi parlant des médisances et des commérages, la jeune chanteuse lance « arrête de mettre du piment et des épices dans ma sauce ». En Côte d’Ivoire on aurait dit « arrête de gâter mon nom ». En France, la même idée aurait été traduite par la phrase « arrête de casser du sucre sur mon dos ».
Cette dernière phrase montre d’ailleurs que le rapport entre les humains et la nourriture dépasse largement le cadre alimentaire et fonctionnel. Sachant qu’en anglais, l’expression chéri/chérie s’exprime par la métaphore visuelle et gustative, honey, mot anglais signifiant miel l’on est bien obligé de reconnaitre que, quand on parle de cuisine, on peut penser à autre chose. A beaucoup d’autres choses...
Bref, le flou volontairement entretenu sur le sens de la chanson « La sauce (Dans la sauce) » a permis à l’artiste d’éviter la polémique. Mieux, la chanson « La sauce (Dans la sauce) » a eu un succès à double détente car pendant la Coupe d’Afrique des Nations 2017 jouée au Gabon du 14 janvier au 5 février, chaque victoire de l’équipe nationale du Cameroun a été accompagnée de l’expression « dans la sauce » sous-entendu, l’équipe camerounaise a mis l’adversaire dans sa sauce et l’a fait cuire avant de le manger.
Au fil de la compétition, l’on a vu des supporters venir aux matchs avec des casseroles pour montrer que l’adversaire du jour serait « mis dans la sauce ». Cette frénésie culinaire a atteint des sommets lorsque le chef de l’État camerounais, d’ordinaire perçu comme peu expressif, très policé et adepte d’un français académique, a choisi le style populaire pour dire, le 8 février 2017 lors de la réception officielle au palais présidentiel : « vous avez été redoutables et … comme on dit … vous les avez mis dans la sauce ! ». La phrase est prononcée à la 44e seconde de cette vidéo :
Octobre 2014 Maahlox le vibreur présente « Ecraser le pistache » et reçoit 236 975 vues sur Youtube.Quand le chanteur de hip hop Maahlox le vibreur parle d’écraser le pistache, il n’évoque pas du tout une étape de la préparation du gâteau à base de poudre de graines de courge.
Maahlox le vibreur parle de cuisine pour éviter de dire le fond de sa pensée. En fait, s’il s’exprimait clairement, la chanson serait probablement censurée pour « outrage public à la pudeur » délit sanctionné par les articles 263 et suivants du code pénal camerounais.
Pour éviter au maximum les peines prévues : « emprisonnement de 15 jours à deux ans et une amende de 10.000 à 100.000 F CFA ou l'une de ces deux peines seulement ». Le clip « Ecraser le pistache » de Maahlox le vibreur montre des femmes transportant des graines de courge sur un plateau et les écrasant manuellement avec deux pierres, comme cela se fait dans de nombreuses cuisines rurales au Cameroun.
Il devient flagrant que Maahlox le vibreur ne s’est pas recyclé en critique gastronomique lorsqu’il chante « j’ai fait le tour du monde et mangé le pistache dans plusieurs pays mais celui du Cameroun est le meilleur ! ». Le gâteau de graines de courge n’étant pas un plat international, une conclusion s’impose : le rappeur ne parle pas de cuisine !
2001, « Turlupiner » de Donny Elwood pose un débat sociétal. Au Cameroun, le sexe peut aussi être évoqué dans des chansons dites à texte, des chansons en rimes et portant des combats sociétaux. La chanson anti-avortement de Donny Elwood débite des mots sexuels mais sur un ton calme, docte et posé.
En gros, « Turlupiner » commence par la narration d’une relation sexuelle entre deux personnes. Une relation sans préservatif qui aboutit à une grossesse. La mère tente d’avorter, l’enfant et la mère sont affectés mais survivent.
Cette chanson de l’album Eklektikos a, plusieurs fois, fait scandale. D’une part parce que l’auteur parle d’un monsieur « phalusus » qui avait bien travaillé, mais qui avait oublié de se chausser. Conséquence : le fœtus était entré !
D’une part à cause des multiples rimes en « piner », expression de l’argot camerounais qui décrit la fusion d’un couple. « Piner » est présent dans le titre de la chanson « Turlupiner ». « Piner » reste présent dans le refrain répété pendant toute la chanson.
« Cette histoire-là m'a turlupiné .. piné yéééé ». Après une rencontre inopinée, l'acte a été aussitôt consommé » L’intégralité des paroles ici
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