« Afgan », l’espoir est bien vivant
Imran Azrour a choisi d’attendre la fin de l’année 2022 pour mettre en ligne son nouveau morceau. Le titre « Afgan » s’inscrit dans la droite ligne de la chanson à texte, en s’inspirant du swing tranquille de grandes voix de la scène musicale amazigh.
Idir, bien sûr, et tant d’artistes de culture berbère ont appris à s’imposer avec pour seule fierté, une langue, des textes, une guitare, sans se départir malgré la célébrité d’une forme de spleen intemporel.
C’était une autre époque, marquée par d’autres blessures. L’ADN de cette forme musicale est celle de l’univers d’Imran Azrour. Il l’assume pleinement. Par sa signature vocale et mélodique, mais aussi par une atmosphère qui caractérise son travail, l’absence de superflu.
Dans un précédent clip, la caméra nous emmenait de façon intimiste dans les ruelles en mode clair-obscur de la ville marocaine du chanteur, Mellab, avec des habitants souriants et une apparente joie de vivre. Le résultat soigné, très esthétique, était à l’image de l’artiste, désireux d’être au plus près d’une forme de sincérité et de sobriété dans la façon de partager sa musique.
Avec le recul, ces images tournées avec la complicité et l’œil afûté de Chames Eddine Ait Lhou nous renvoient à une sorte d’âge d’or, même si l’intention de Imran Azrour n’était pas d’idéaliser l’environnement familier qu’il a dû laisser derrière lui pour partir étudier en Russie.
Ces scènes de vie du quotidien qui donnent corps à ses chansons permettent de mieux saisir l’état d’esprit avec lequel ce jeune musicien marocain de 23 ans explore son potentiel et interroge aujourd’hui son propre cheminement personnel, avec le même souci des autres et du détail.
Dans le clip « Afgan », sous-titré en anglais, toute légèreté ou forme paisible d’insouciance semble s’être envolée. La symbolique n’est pas sans rappeler les masques que nous avons portés, supportés, pendant toute la durée de la pandémie mondiale.
Mais le propos est autre et vise d’autres formes d’empêchement. Le script met en avant un personnage condamné à un choix binaire. D’un côté l’inertie, c’est l’option qui revient à accepter son sort, sans mot dire. De l’autre, le mouvement dans une forme de lutte inégale, contre des forces invisibles, contre ses propres appréhensions sans doute, contre la tentation du découragement et de ce qui serait peut-être plus confortable si la facilité l’emportait : se taire comme les autres.
L’espoir symbolisé à la fin du scénario par un escalier monumental au milieu de nulle part est une invitation à ne rien attendre qui ne serait pas puisé d’abord comme une énergie précieuse au plus profond de soi. Imran Azrour a d'ailleurs fourni quelques explications au sujet de son oeuvre :
Dans ma langue, l’amazigh, « Afgan » signifie « humain ». Chacun peut s’identifier à une forme de souffrance ou de détresse liée à l’incapacité de se sentir à l’aise et légitime dans son propre chemin de vie. Cette chanson n’est pas un appel à la tolérance dans une société qui l’est de moins en moins. Ce n’est pas non plus une injonction perçue d’un point de vue intellectuel ou rebelle, s’émanciper pour s’émanciper. C’est plus comme mettre un son, un parfum, une émotion, un désir, un silence choisi parfois, mais pas subi, là où le déni de ses propres urgences et l’interdit ne produisent que dévalorisation, désamour, frustration.
C’est ce qui fait une des forces et l’intérêt des titres de ce jeune artiste prometteur. Derrière l’apparente simplicité du propos, il y a toujours une belle matière et une invitation à se laisser surprendre par la douceur d’une vraie musicalité.
Le groupe est constitué de Imran Azrour (guitare/voix), Ayoub Zarour (guitare/voix), Chames Eddine Ait Lhou (basse) et Walid Ait Lhou (batterie).
Titre : « Afgan »
Réalisation et année : Mourad Azrour - 2022.
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