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Sa carrière, ses passions, ses combats - Kalam tombe le masque…
Même si son visage est toujours masqué, son message engagé lui n'a pas de filtre - personnage énigmatique et désormais iconique au Burkina Faso, Kalam, la reine du kundé, nous raconte la passionnante histoire de sa carrière.
- (Photo) : l'artiste burkinabé Kalam.
Bonsoir Kalam, tu as livré une performance exceptionnelle lors de la dernière conférence ACCES en Tanzanie et on se souvient que le public en redemandait encore. Voudrais-tu parler de toi et nous dire ce que tu as ressenti ce soir-là ?
Bonsoir Lamine, je m'appelle Kalam et je suis une artiste burkinabé. Dans mon pays, on m'appelle la reine du kundé et c'est avec un immense plaisir que j'ai joué sur la scène d'ACCES 2022.
Voir le public métissé, avec des gens qui ne comprenaient même pas ma langue communier autant avec moi, m'a permis de comprendre que la musique est véritablement un langage universel…
Une chose est de faire ce qui te plaît, une autre est de voir ton savoir-faire reconnu et apprécié des autres ; à ACCES, j'ai goûté à cette satisfaction là...
Le kundé, ton compagnon sur scène, est un instrument que beaucoup ne connaissent pas ; voudrais-tu nous en parler ?
Le kundé est un instrument que mes ancêtres jouaient il y a plusieurs siècles déjà. Moi, au départ, j'étais danseuse de musique traditionnelle, mais suite à une blessure au genou, j'ai choisi de me reconvertir dans le chant. J'ai commencé avec 3 créations, mais je sentais toujours un vide dans mes propositions. Pour leur donner plus de couleurs, j'ai appris à jouer de la calebasse et d'autres instruments, mais c'est finalement le kundé qui me parlera plus que les autres. C'est ainsi qu'il est devenu mon outil de prédilection, même comme la coutume interdit aux femmes d'y jouer...
Je me suis lancé dans l'apprentissage de cet instrument avec beaucoup d'appréhensions et de peur. 3 années se sont écoulées et j'espérais toujours que le kiné m'autorise à reprendre la danse quand dans mes rêves, j'ai commencé à voir des grands-pères jouer du kundé. J'en parlais à mon compagnon à chaque réveil, lui signifiant que j’étais peut-être destinée à jouer de cet instrument.
Il m'a rappelé qu'il était prohibé aux femmes d'en jouer - mais face à mon insistance, il m'a dit que je pouvais essayer et qu'il n'y avait peut-être rien de bien dangereux à craindre en fin de compte.
Il fallait pour cela, trouver quelqu'un pour m'encadrer et c'était le plus difficile ; tous les maîtres approchés ne voulaient pas travailler avec une femme ; certains venaient juste jouer pour m'impressionner avec leur savoir-faire, mais personne ne voulait vraiment m'encadrer…
Un jour, au hasard d'un festival, mon manager a rencontré Aboubacar, un joueur malien de kundé, à qui il a proposé de m'apprendre à jouer de cet instrument.
Être invité à encadrer une femme dans la pratique de son art a été pour lui un réel privilège et il a même décliné mon offre de rémunération pour ses services.
C'est donc gratuitement qu'il venait quand il avait le temps, bravant souvent les intempéries en pleine saison de pluie, pour me transmettre son savoir.
J'ai tout de même dû apprendre certaines choses par moi-même, parce qu'Aboubacar voyageait beaucoup. Lors de certaines de nos sessions, il s'étonnait de me voir faire des choses que nous n'avions pas apprises ensemble.
Quand il était loin, il me faisait des sessions par WhatsApp et tout cela m'a permis de vraiment avancer.
Tu portes toujours un masque sur scène ; pourquoi ce choix ?
En 2017, mon manager m'a annoncé que j'étais invitée à me produire en live à la fête de la musique, un grand événement national. Je lui ai demandé si j'allais interprété mon vieux répertoire, mais il m’a dit que j’allais proposer du neuf au public : jouer du kundé…
Apeurée à l'idée de commettre le sacrilège (être la femme qui joue au kundé devant des hommes), j'ai décidé de mettre un masque pour que l'auditoire se focalise non pas sur mon visage, mais seulement sur mon jeu.
Je l’avoue, je me suis voilée parce que j’étais habitée par une peur immense ; d’aucuns me disaient qu’en transgressant les règles et coutumes, je pouvais m’attirer de lourdes malédictions et même devenir folle.
Malgré la décision de voiler mon identité sur scène, j’ai demandé à rencontrer le Môgô Naaba, garant de nos traditions, pour m’assurer que j’avais vraiment le droit de pratiquer le kundé.
Mon manager et moi avons pris rendez-vous avec lui et quand nous sommes arrivés, il était plutôt impressionné de voir une femme jouer de cet instrument. Il a appelé un musicien de la cour royale, joueur de violon traditionnel, à jouer en concerto avec moi.
L’improvisation que nous avons faite lui a fait un immense plaisir et il m’a dit que j’avais toute sa bénédiction pour la suite de ma carrière.
C’est donc rassurée que je m’en suis allée de là, et une semaine seulement après cette rencontre, j’ai remporté un prix en Guinée.
La Kalam timorée, c’est définitivement du passé ! Tu es montée sur de très grandes scènes en Afrique et tu as fortement gagné en renommée. Comptes-tu des productions studio à ta discographie ?
Oui, j’ai fais du chemin et je dois admettre que j’ai eu la chance de me produire sur de nombreuses scènes en Guinée, au Togo ou en Côte d’Ivoire à l’Afrikamousso par exemple.
J’ai vécu des expériences riches, qui m’ont vraiment permis de développer ma carrière internationale.
Et oui, j’ai également des productions studio, précisément 2 opus à ce jour : Woub-Ri (2018) qui signifie « éducation » dans ma langue, et Tiin-Bo (2021) qui signifie « espoir ».
Je suis globalement satisfaite de l’audience et des retombées de mes œuvres ; nous n’en sommes pas encore à des scores astronomiques d’écoutes des disques, mais de nombreuses personnes se sont intéressées à ce que j’ai produit et c’est déjà ça.
Une œuvre artistique c’est comme un enfant, elle naît et se développe progressivement ; je ne suis pas pressée et je vois fleurir mes productions avec beaucoup de patience.
Tu es une femme qui joue du kundé (instrument jusque-là monopolisé par les hommes), dans un contexte africain et même mondial où les revendications féministes se font de plus en plus grandissantes. Es-tu particulièrement engagée dans ce combat ? Quel est ton ressenti face à tout cela ?
Oui j’ai mon point de vue sur la question ! Les hommes devraient comprendre qu’à travers nos luttes, nous ne cherchons pas à nous comparer à eux, mais simplement à leur rappeler que l’on se complète…
Il faut admettre que les hommes sont de plus en plus sensibles à la condition des femmes et que les choses ont beaucoup avancé à ce sujet.
L’époque des strictes prohibitions aux femmes semble passée et nous avons désormais droit à beaucoup de choses.
Elles sont légion, les femmes talentueuses et travailleuses, à occuper des postes de responsabilité dans nos sociétés et à faire des choses qui avant étaient strictement réservées aux hommes.
Nous ne demandons que cette liberté de nous émanciper et de faire ce que l’on aime, sans ce que cela ne soit pris comme un bras de fer avec les hommes. L’idée est de travailler ensemble pour faire avancer les choses.
Je tiens ici à remercier toutes celles qui nous ont devancées dans ce combat, pour nous permettre d’évoluer dans un contexte moins difficile aujourd’hui. Moi par exemple, je joue du kundé aujourd’hui ; mais il y a encore quelques décennies en arrière, cela était impensable. Il a fallu que des femmes élèvent leurs voix pour que les mentalités changent.
Tu as eu une excellente saison 2022, que planifies-tu pour 2023 Kalam ?
J’ai plein de chantiers à explorer en cette nouvelle année ; je devrais notamment me rendre en Suisse en ce mois de mars, pour le programme Show Me où je devrais bénéficier de sessions de mentoring, mais aussi prendre part à une résidence de création qui débouchera sur une tournée à travers la Suisse et la France.
Mais ce n’est pas tout ; plusieurs programmes sont en train d’être ficelés et ils me mèneront dans des pays comme l’île de la Réunion, la Tanzanie ou encore le Sénégal.
Cette année, le projet Kalam va parcourir des itinéraires africains, car nous sommes convaincus qu’il y a un vrai marché à exploiter sur le continent.
C’est bien d’aller jouer ailleurs à travers le monde, mais il faut aussi explorer notre terre avec toutes les possibilités qu’elle nous offre.
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