Les médias en Afrique et la diffusion de la musique
Amadou Dieng
L’environnement des médias musicaux en Afrique a fort évolué et est d’une grande diversité. Selon que l’on soit en Afrique du Sud ou en Afrique du Nord, dans un espace francophone ou anglophone, les réalités sont multiples et spécifiques.
Cependant, le média le plus populaire dans la diffusion de la musique en Afrique est la radio.
L’exemple le plus patent vient de la Gambie. Pays pauvre sans gros médias et qui n’a eu sa première chaine de télévision qu’en 1997, la Gambie est connu pour ses radios. Radio Syd lancée par Britt Wadner en 1969 depuis la Suède est pionnière. Les radios gambiennes, au nombre de 15 aujourd’hui, jouent jusqu’à 20 heures de musique par jour et se connectent à Radio Gambia pour les informations locales et en anglais.
L’une des particularités de la Gambie est le fait que les radios faisaient la part belle aux artistes sénégalais. Les musiciens locaux n’étaient pas assez représentés. En 2012, l’Association des Journalistes Musicaux de Gambie qui a été établie à Banjul a vu le jour pour promouvoir les artistes du pays et soutenir leur carrière, y compris à l’échelle internationale. Cet état de fait est intéressant parce qu’il touche d’autres pays comme le Kenya, dont les médias mettaient plus en avant les musiques étrangères.
Au Congo-Brazzaville, autre pays d’Afrique francophone situé au centre du continent où la danse et la musique ont une place importante, les radios sont omniprésentes. En 1991, au moment où le pays entre dans une phase nouvelle de démocratie et d’ouverture médiatique, naissent : Radio-Océan, DRTV, Ponton FM, Radio Louvakou, Radio Liberté, Radio Brazza, DVS+, Radio Mucodec ; une station comme Radio-Océan, première chaîne privée, lancée à la fin des années 1990, met en avant la musique et de divertissement. Mucodec contribue à la promotion de la musique locale en achetant les disques ou les billets de certains concerts qu’elle fait gagner à ses auditeurs.
C’est également ce que fait Vibe Radio ou la RFM au Sénégal. Ces quelques exemples suffisent pour donner une idée de l’environnement des radios en Afrique. Des radios musicales très variées, moins chères à monter et qui promeuvent la culture, en particulier la musique.
Au Maghreb, des pays comme le Maroc et l’Algérie développent des radios à la fois locales et internationales. C’est le cas de la radio Medi 1 qui émet dans toute l’Afrique. C’est le cas aussi d’Africa N°1, une chaine d’origine gabonaise mais qui émet depuis Paris.
Le boom des télévisions privées
La télévision en Afrique comme la radio, connaît un boom, après les nombreuses conférences nationales un peu partout sur le continent qui consacrent le multipartisme et libéralisent les médias. La Côte d’Ivoire par exemple voit le secteur se diversifier en 1990 lorsque le président Boigny décide de casser le monopole d’État.
Au Rwanda, l’accession au pouvoir du Président Kagamé fait prendre au pays un virage considérable. De nombreuses télévisions privées telles que Lemigo TV, YegoTV, TV 10, Family TV voient le jour et mettent en avant les musiques locales. Au Congo Brazzaville également, les télévisions privées comme DRTV naissent et promeuvent les artistes locaux.
L’explosion sur le continent, toujours au niveau des télévisions, des chaines payantes avec des programmes spécifiques et dédiés à la musique se multiplient. Ces chaines participent à mettre en avant les artistes locaux. C’est un changement majeur parce que celles-ci favorisent les talk-shows et les performances live d’artistes.
L’un des pays les plus dynamiques dans ce sens est l’Afrique du Sud. Les bouquets payants DSTV de l’opérateur, Multichoice qui fait de la télévision par satellite, offrent aux chaînes un plateau large pour la diffusion de la musique. Cette évolution de la télévision offre une internationalisation et une panafricanisation des contenus. En 2015, à l’occasion du lancement de la chaîne SABC News sur le satellite DSTV, le président Zuma disait : « L'Afrique a beaucoup de bonnes histoires à raconter, et ces histoires doivent être racontées (…) notre radiodiffuseur public doit également capturer la riche histoire de l’Afrique à travers le dialogue et les débats. Nous voulons entendre les intellectuels africains progressistes délibérer et analyser la situation du continent d’une manière constructive pour une Afrique meilleure ».
Cette internationalisation permet par exemple de favoriser des programmes panafricains comme The Voice Afrique Francophone, le plus grand show musical du continent. L’émission de télé-crochet est diffusée par Vox Africa la première chaîne de télévision panafricaine bilingue et indépendante, disponible en Afrique francophone et anglophone, en Europe et aux États-Unis, sur tous les réseaux majeurs de distribution TV.
Ce climat favorise la création de chaînes comme Africabox TV, une chaîne dédiée aussi à la musique africaine. Elle diffuse 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 des clips de tous les genres, en français comme en anglais. Elle est destinée aux diasporas africaines, celles de France particulièrement.
Même si une telle tendance, des chaines musicales et des grands shows apparaissent en Afrique francophone comme la TFM au Sénégal, c’est en Afrique anglophone, que la propension est plus forte, particulièrement en Afrique du Sud et au Nigeria.
Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique est aussi pionnier dans le domaine des médias et de la musique. Avec plus de 250 groupes ethniques différents, le Nigeria, depuis la chute des régimes militaires dans les années 90, s’ouvre et exprime une créativité extraordinaire en matière musicale. Les chaines de télévisions explosent participant à assoir la domination de la pop nigériane sur tout le continent.
Les nouveaux medias et la diffusion de la musique
La téléphonie mobile est le plus grand distributeur de musique au Nigeria.
« L’industrie musicale valait (...) 47 millions de dollars en 2015, ce chiffre devrait doubler d'ici à 2020 », selon un rapport du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) publié fin 2016.
Dans les dix dernières années les « dragons africains » (Nigeria, Kenya et Afrique du Sud), connaissent un boom du mobile qui dynamise le secteur du divertissement.
La situation de l’Afrique du Sud est davantage comparable au marché occidental, le téléchargement en ligne et le streaming dopent la croissance de l'industrie musicale. Dans ce domaine, le Nigeria est un cas d'école : « les revenus issus de la musique sont dépendants des sonneries et des tonalités d'attente », souligne PWC.
Les opérateurs mobiles, le géant sud-africain MTN en tête, ont flairé le potentiel du Nigeria, pays de 190 millions d'âmes où la musique est presque une religion.
Fort de ses 60 millions d'abonnés à travers le pays, MTN se présente comme « le plus grand distributeur de musique » dans ce pays, à travers la vente de sonneries (à 50 nairas ou 0,25 dollar l'unité), et via sa plateforme de téléchargement « MTN Music Plus », qui concurrence les leaders mondiaux de la musique en ligne comme iTunes.
Le développement d'internet profite aussi à l’Afrique francophone, même si c’est encore timide. D’importantes plateformes spécialisées dans la culture et notamment le show-biz comme Abidjanshow.com proposent des clips de musique et des informations people. Toujours en Afrique francophone, le site Guinée Hits Musique s’est inscrit dans cette voie avec succès.
Il est clair que le développement des médias dédiés est lié à la démocratie et aux libertés. Plus les pays sont libres, plus les contenus sont divers et intéressants et le secteur de la musique en profite évidemment.
Il faut dire aussi que 50 ans après les indépendances aussi, l’influence du colonisateur perdure selon le pays. Si le Nigeria a des influences fortes provenant du monde anglo-saxon, un pays comme le Cameroun ou le Congo Kinshasa restent quelque part très franco-français. Aujourd’hui, ce qui rassure, c’est que partout en Afrique, les contenus locaux apparaissent. La musique locale est davantage promue.
Cet article a été publié en partenariat avec African Music Development Programme
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