Days Of Elisha - Epistle 1: la tranquille conquête d’Elisha K
Doté d’un discours authentique, le chanteur camerounais de 26 ans a levé le voile sur sa quête artistique le 13 octobre 2023, via son tout premier disque de 5 titres, produit par le label Akumba Music. Avec intelligence, Elisha K conjugue les styles, et invite à un voyage pas comme les autres. Immersion !
Cette fin de semaine, le disque du jeune talent Elisha K est enfin sorti, au regard de nombreux acteurs culturels présents au lancement dans la cité économique, Douala (Cameroun). Le résultat justifie la patience, car bien plus qu’un enregistrement, il s’agit d’un legs au monde, fruit de la quintessence d’un art qui surpasse de loin le chant.
Ouverture méthodique
De prime, l’on mettrait du Ayra Starr, ou encore Rema, deux superstars nigérianes de la chanson, qu’on ne sentirait aucune différence au niveau de la tessiture vocale avec Elisha K. La ressemblance est à la fois frappante et distinctive.
Alors, qu’est-ce qui est si important ici ? L’incarnation et la transmission, au degré le plus suprême, de l’art de la mélodie en afrobeats : l’art africain de dire en chantant.
La grande majorité des chanteurs n’hésitent pas à sacrifier le texte pour produire le son « idéal » en plaçant leur voix. C’est plus ou moins évident, mais tout le monde fait des compromis ici ou là. Elisha K célèbre la poésie, l’humain, en chantant, et le fait avec les inflexions parfaites et un contrôle presque irréel. Jamais la voix ou la performance vocale ne distraient ses mots, à l’exception de son titre « Remember Me » en featuring avec Hen’s. Une composition qui sera forcément sublimée en version acoustique de piano et voix lors d’un spectacle, d’ailleurs très attendu. La chanson en elle même, est un appel à l’hommage, des interrogations à se souvenir de lui lorsqu’il ne sera plus parmi nous.
Sur « A Little Bit of Love », le chanteur arrive avec un niveau de préméditation et de finition, et parvient à un inexplicable mélange de contrôle et d’abandon. La ballade est douce, et n’est pas loin des artifices des artistes Gyakie (Ghana), Tems (Nigéria), Simi (Nigéria), ou encore Lor (Cameroun).
Lorsque, dans « Loner », Elisha K chante et fait appel à sa consœur du même label, Rinyu (Akumba Music), on perçoit littéralement le sourire, le bonheur, la candeur ou la complicité dans une ambiance kwaito et amapiano caractérielle. Avec « Joana », au-delà de la leçon de chant et de style, il nous happe et nous vrille le coeur.
La production additionnelle et mixage opérées par Oken, Magic, Kaos et même le producteur Achu Normad lui même guitariste, placent le chanteur très en avant, et rend la prouesse encore plus palpable.
Le couplage avec Hen’s et sa magie ancestrale duala sur le dernier titre de l’EP est toujours éloquent. La manière dont un chanteur infléchit la prononciation du premier mot, en dit déjà beaucoup. Évidemment, on ne prendra pas Elisha K en défaut de mauvais goût ! La douce pulsation d’une langueur retenue de « JagaJugulu » est hypnotique.
On suppose qu’il y’aura un chapitre 2 à ce projet musical, qui sonne en découvertes ou ascension. La prochaine étape, le prochain défi, sera désormais de réaliser et rationaliser sa carrière à l’image des grands disques de Mahler ou Joe Boy. Pour ce disque, il mérite amplement un 8/10 pour la discipline, l’effet créatif, la durée moyenne des pistes, la vie modulaire des chansons et l’audace identitaire de construire en ayant un regard extérieur.
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