Rédemption : le retour authentique de Cysoul
Avec son deuxième album Rédemption sorti le 15 décembre 2023, Cysoul nous entraîne dans un archipel du bout du monde, une traversée au long cours en deux plages mystérieuses et fascinantes, aux titres puissamment évocateurs, avec en toile de fond l'amour. Deux ans après son EP Illusions, le compositeur camerounais nous propose une étreinte de l'aurore et le sommeil du berger, avec une superposition d'influences. Analyse.
Sur les sentiers de la réconciliation
Se racheter en amour ? Pas un exercice évident au regard des vents et marées que peuvent vivre les couples d'ici et d'ailleurs. Fouda Etoundi Cyril à l'état civil dit Cysoul, pose en 13 pistes, les bases d'une reconstruction amoureuse. Avec les rifts de guitare de Ben Bossambo sur « L'amour », il mentionne l'importance d'un soutien inconditionnel face au regard des autres, qui veulent voir parfois, la chute de deux tourtereaux.
Démonter les barrières entre les styles, effacer la frontière entre les genres : c’est ce que fait Cysoul dans ses compositions. Oui, on reste au pays avec l'eton, le duala, le français, surtout de l'essewe et sa voisine le bolobo sur « Ebol'am » en collaboration avec la jeune pépite Hen's.
À l'écoute, chacun de ses titres offre de nombreux détours vers d’autres régions, ses premières amours, de la soul, du rnb, des polyrythmies traditionnelles avec une sauce coup de foudre. Et si le rythme s’est accéléré avec « C'est comment », il n’est pas question de taper fort pour taper fort, bien au contraire, pour adoucir l'expérience de réception phonographique.
Premier long format sortant après Illusions, ce nouveau disque enfonce le clou côté décloisonnement. Tout semble permis sur cet opus : le barder de vocaux, de folles et puissantes envolées maîtrisées, caler un morceau à guitares en plein début de la tracklist, l’entourer de titres soul-trance purement clubbing, créer une introduction atmosphérique, invoquer le passé darkwave à la faveur de plusieurs featuring, parmi lesquels « Doucement » avec Pit Baccardi.
Pour la faire simple, on parle de croisements musicaux, de fusion. Mais il s’agit surtout de chansons électro-accoustiques qui peuvent se danser autant qu’être écoutées en profitant d'un voyage amoureux ou non, piquant des breaks de makossa et rumba, ndombolo (Les deux Congo) ou s’inspirant de émulations des années 2000 sur « Lily ». Car après 5 ans sur la scène locale, Cysoul est libre de changer les règles du jeu.
Avec le succès de son premier album Akiba sorti en 2019, le talentueux artiste, s’est rapidement imposé comme l’un des artistes à suivre pour les plus grands noms du circuit musical camerounais. Oui on entend parfaitement cette voix, sur les 13 chansons produites entre Abidjan, Paris et Yaoundé. Cette voix haute perchée, ample, intimiste ou rageuse, est celle d’un jeune homme tombé amoureux de son don, très tôt. Sur « Mavini », avec une guitare rock très enjouée à la façon d'Epeme Théodore du mythique groupe les Têtes Brûlées, le chanteur nous régale en bikutsi, ambiance chaude au rendez-vous.
« C'est pas bon » prône le combat contre les violences faites aux femmes, un titre extrêmement militant. Entre le raffinement et la férocité, la multi-instrumentiste continue d'explorer de nouveaux territoires et fait rayonner son écriture, soutenue par des rythmes psychés virtuoses, immédiatement accrocheurs. « Molo » en collaboration avec la voix suave de Teety, met de la couleur à la patience en amour, fort de sens et de sons invite l’auditeur dans une intense fête pop magnétique en adéquation, qui dresse les légers codes d'une relation toxique, ou de la peur d'être aimé.
Cysoul affirme tous les aspects de sa personnalité et s’inscrit dans la durée avec des chansons qui n’auront pas forcément la même saveur, en fonction de votre humeur et ça c’est aussi une remarquable prouesse, que ce soit sur « Mona Minga » qui se fond en amapiano et pop, qui rappelle l'électricité sensuelle du chanteur congolais installé à Paris: Hiro.
Le chanteur camerounais écrit parfaitement les siens, entre humour cynique et introspection, à la façon d’une Lily Allen ou Slimane, qui n'enlève en rien sa singularité sur le plus beau titre de l'album intitulé « Piqué ». Cysoul est un jeune artiste plein de contrastes, approche douce mais textes actifs, prudents comme « Accélère » , un cocktail tout à fait séduisant, tout comme dans « Le Bon » et « Vaisseaux » où il nous sert du coupé-décalé (Côte d'Ivoire).
Pour conclure, ce projet est clairement le plus ambitieux de l'artiste à ce jour, qui 2 ans auparavant n'avait pas pu marketer convenablement son avant-dernier album, sur des scènes. Sa pause musicale a été bénéfique afin d’améliorer les techniques respectives de ses musiciens, les rendant ainsi beaucoup plus complets dans leur art que dans leur perspectives. Le soin du tracklisting affûté aux personnalités publiques qui devaient dévoiler chacun des titres, (Moustik Le Karismatik, Charlotte Dipanda, Peupah Zouzoua, Ulrich Takam, Blanche Bailly, Locko, entre autres) et des thématiques choisies reflètent parfaitement la minutie dont ils ont fait preuve pour élaborer ce concept.
C’est une véritable pépite digne de l'or du commun, dont j'espère trouvera écho auprès des publics panachés africains et internationaux. Cysoul tenterai t-il de se racheter auprès des melophiles toujours aussi impatients, curieux, mais aussi taquins quand il le faut ? Rien n'est moins sûr. Toutefois, la certitude réside autour du positionnement d'un disque à noter pour un 9/10, pour qui le challenge se relève encore plus grand en 2024.
Titre : C'est pas bon
Artiste : Cysoul
Label / Année : Universal Music Africa /2023
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