Singuila : « la musique africaine connait un gros carton aujourd’hui »
Lors de son séjour récent en Afrique du Sud pour les besoins de la saison 2 de The Voice Afrique francophone, le chanteur d'origine congolaise et centrafricaine, Singuila, est passé nous voir dans nos locaux à Johannesbourg pour une interview exclusive.
Bonjour Singuila, peux-tu me parler de ton actualité musicale ?
Je viens de sortir mon nouveau single, « Faut pas me toucher ». C’est une chanson avec des sonorités africaines, afrobeats, on peut dire. Ce n’est pas une chanson d’amour typique. C’est un peu à l’opposé de cela. C’est une menace d’amour en fait ! (rires). Dans cette chanson, je tiens un discours attribué généralement aux femmes et c’est drôle de voir comment elles réagissent à cela.
Sinon je suis aussi sur la fin du tournage de The Voice et il y a quelques mois de cela j’étais président du jury RFI Prix découvertes.
C’est la 2ème année que tu reviens comme coach. Quelle a été ta relation avec les autres juges ?
Je connaissais déjà bien Lokua que j’avais déjà rencontré à plusieurs reprises. J’avais aussi déjà croisé plusieurs fois Asalfo, mais on n’avait pas vraiment de relations. Mais sur le plateau de The Voice, Il y a eu comme une magie qui s’est opéré entre nous.
Celle que je ne connaissais pas du tout c'est Charlotte. Je connaissais bien sur sa musique mais pas la personne. Cela a été moins rapide que les autres, au niveau de la connexion mais cela a été très intense par la suite. C’est quelqu’un que j’appréciais déjà par son talent, d’ailleurs j’ai appris à mieux connaitre sa musique aussi, humainement, c’est un trésor.
Alors à quand une collaboration Singuila, Charlotte ?
On a déjà travaillé ensemble en fait. Sur son dernier album on a écrit et composé ensemble, une chanson qui s’appelle « Nos cahiers ». On compte aussi faire un duo pour l’un de nos prochains projets ou pour la réédition de son album qui vient de sortir.
Tu vas prendre part à la tournée évènement du Secteur Ä, fin avril, comment est née l’idée de cette réunion et qu’est-ce que ce collectif légendaire peut apporter à cette nouvelle scène urbaine afro ?
En fait c’est un projet qui a toujours été dans nos têtes, faire un concert ensemble sous l’entête Secteur Ä, et la tournée « L’Âge d’Or du rap français », l’année dernière a ravivé cette nostalgie du public.
C’est bien que tu mentionnes la scène urbaine afro, car le hip-hop français actuel a de plus en plus cette sonorité africaine. Pour les plus jeunes qui ne le savent peut-être pas encore, ils verront que ce sont des artistes comme Passi qui ont été les précurseurs de ce son hip-hop aux sonorités africaines, avec le projet Bisso na Bisso. Moi je l’ai fait un peu plus tard sur le morceau « Anita » avec Papa Wemba. Mon tube « Rossignol » d’ailleurs est un morceau dont le but était de faire un pont musical entre l’Afrique et l’Europe. Ça montrera aux jeunes que ce combat date d’il y a longtemps et qu’en quelque sorte, ils héritent d’un combat mené par leurs ainés.
Revenons un peu à tes débuts, comment t'es venue cette passion pour la musique ? Est-ce qu’il y a un moment précis qui t’a décidé à en faire ta carrière ?
J’ai voulu déjà très tôt faire de la musique ma carrière. Mais J’ai aussi rêvé de beaucoup d’autres choses comme tout le monde. Je voulais être footballeur, basketteur, dessinateur… Après il y a pas mal d’options qui sont tombées avec les réalités de la vie. Mais c’est vraiment dans la musique que j’ai réussi à m’affirmer, notamment lors de mes premiers concerts dans les maisons de quartier. C’est là que j'ai vu que j’avais quelque chose de différent à apporter sur le marché français. J’ai la chance d’avoir différentes influences musicales, d’avoir grandi avec des musiciens, entre la France et l’Afrique, je me suis dit qu’en mélangeant toutes ces influences il y avait moyen de créer quelque chose d’unique.
Il s’est passé 8 ans entre tes 2 derniers albums, Ça fait mal (2009) et Entre Deux (2017) pourquoi cela t’a pris autant de temps ?
En fait ce sont des expériences différentes qui m’ont conduit à ce break. D'abord avec mon équipe, nous avons arrêté de travailler avec les grandes maisons de disque et avons voulu tenter l’expérience en indépendant. Il a donc fallu apprendre les rouages de l’autoproduction, à exister sans le soutien des maisons de disque qui nous « babysittait » constamment.
En plus il y a eu également toute une phase psychologique : j’ai évolué dans un milieu où on m’a fait croire que ma musique se limitait à la France et au public français. Mais j’ai eu la chance d’être apprécié par le public africain et d'être convié régulièrement à me produire en Afrique. C’est là que j’ai découvert que ma musique parlait aussi bien aux jeunes qui se trouvaient sur le continent qu’en France. Donc le but était de trouver comment faire parvenir ma musique à mes fans en Afrique sans passer par les structures habituelles, les maisons de disques, les médias...
Petite anecdote d’ailleurs ,« Rossignol » est un tube qui est sorti de l’Afrique. J’ai tourné dans le monde entier grâce à ça, aux USA, Canada, partout en Afrique. C’est à partir de là que j’ai compris que ma musique ne doit pas se limiter à des frontières précises. Nous venons d’ailleurs de créer notre propre label pour produire de jeunes artistes à notre tour. De très belles choses arrivent !
On te définit toujours comme un chanteur de R’N’B française, est ce que cette définition te convient encore ?
Oui car c’est de là que je viens. Maintenant le R’n’B a beaucoup évolué. C’est devenu un mélange entre beaucoup de genres. Et c’est cela que j’ai toujours voulu faire depuis le début, mêler les genres, les influences et je pense que cela se ressent aujourd’hui à travers ma musique. La musique a tellement évolué depuis que c’est difficile de définir un genre musical.
Peux-tu me parler de ton processus de création musicale. Comment tes influences musicales se traduisent-elles dans ton écriture ?
Ma façon de travailler a beaucoup évolué avec le temps. Quand tu démarres ta carrière, tu écoutes quelque chose que tu aimes bien et tu t’en inspires. Mais après un moment ton style se démarque. C’est vrai que j’aime raconter des histoires de couples mais j’en ai tellement raconté que maintenant je suis à l’écoute des autres. Je m’inspire des conversations, de mes rencontres. Parfois, c’est juste une phrase dans une conversation qui m’inspire, je prends des notes dans mon téléphone et quand j’ai assez d’inspiration, d’anecdotes pour faire un texte j’écris. Je travaille avec Dave, moi je me concentre sur l’écriture lui sur la production, le son.
En ce qui concerne mes influences musicales, j’ai grandi avec beaucoup de rumba autour de moi évidemment. Les mélodies, le style font partie de moi (…) Il y a aussi l’influence de mes oncles qui écoutaient beaucoup la soul, le funk, Marvin Gave, Paul Mccartney, Phil Collins. En France c’était l’époque Goldman et tous les artistes de Starmania...
Mais avec le boom du rap français, j’ai commencé à faire attention aux textes et cela m’a aidé à écouter la musique différemment. Le rap a influencé mon écriture, car comme eux je ne voulais pas raconter que des histoires lisses. Comme je l’ai dit, j’ai commencé ma carrière au sein des maisons de quartier, même si je voulais raconter des histoires d’amour, pour ne pas recevoir des canettes et des tomates il fallait faire le dur, avoir un côté vicieux si je peux dire (rires), c’est comme cela que le rap a influencé mon écriture. Aussi bien que je parle d’amour dans mes textes, on sent toujours que c’est un homme qui les a écrits.
Que penses-tu de l’état actuel du secteur de la musique en Afrique, est-ce que les jeunes artistes ont tous les outils pour devenir compétitifs à un niveau mondial, ou est-ce qu’il y a encore des choses à améliorer ?
Il y a toujours des choses à améliorer bien sûr. Mais la musique a tellement évolué qu’enregistrer un disque ne nécessite plus de grands studios. Aujourd’hui il y a des applications qui te permettent d’enregistrer une chanson de qualité dans ta chambre. Des fois j’entends de très bons sons, et j’apprends qu’ils ont été produits par un jeune à Kinshasa ou à Douala. Mais ceci dit, il y a un réel besoin d’écoles de musique en Afrique. Sinon au niveau talent, les jeunes sont connectés grâce à internet, ils entendent et voient ce qui se fait ailleurs, ils mélangent intuitivement les styles, voilà pourquoi la musique africaine connait un gros carton aujourd’hui.
Dernière question de notre collègue centrafricain, Jean de Dieu : un mot sur la situation qui prévaut actuellement en Centrafrique et que faire pour chanter en featuring avec toi ?
La situation en Centrafrique est très compliquée car il est difficile de recueillir les bonnes informations. Souvent on me demande de faire quelque chose ; en effet j’aimerais contribuer mais je souhaiterais qu’on me propose des pistes de solutions que je vais étudier avec des personnes qui connaissent bien le terrain pour m’aider à mettre en place quelque chose de concret.
Sinon pour faire un featuring avec moi, c’est simple, il faut que j’aie un coup de cœur !
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