Alesh – « Biloko ya boye »
Après le succès sans précédent du single « O’a motema mabe » paru fin 2017. Le rappeur congolais Alesh a lancé, le 14 mai dernier « Biloko ya boye » (le clip est paru en juin), un nouveau morceau interprété en lingala dans lequel, encore une fois, il apostrophe et appelle à un changement d’attitude et de mentalités de la société congolaise.
Alain Chirwisa, alias Alesh ou encore King Lesh, toujours aussi engagé qu’à ses débuts, se montre plus incisif ces derniers mois. C’est désormais sur un ton exaspéré qu’il s’exprime au travers de ces deux derniers titres « O’a motema mabe » et « Biloko ya boye ». Il faut dire qu’il a réussi son coup, parce que ses morceaux deviennent de plus en plus populaires.
Alesh a décidé de faire les choses différemment. D’ordinaire très méticuleux dans la composition de ses textes, cette fois-ci, il a choisi d’user d’un vocabulaire commun, quitte à faire même une croix sur la langue française pour laisser entièrement la place à un lingala familier, de la rue.
Et qui plus est, sans trop de littérature. C’est tout simplement, dit-il, qu’il a choisi de marcher « sur les pas de Franco Luambo Makiadi », dont on reconnaît le talent pour les pamphlets et diatribes.
Pour composer ses textes, Alesh s’inspire de « notre quotidien, la principale inspiration qui nourrit ma musique depuis seize ans », affirme-t-il.
Dans « O’a motema mabe » et maintenant encore dans « Biloko ya boye », le rappeur « raconte nos peines, nos joies, nos frustrations, nos peurs, nos espoirs, etc. » à sa manière, mais surtout à celle de la rue afin de mieux se faire comprendre.
Ou, plutôt, de pouvoir toucher un plus grand nombre, bien plus qu’il ne le faisait alors qu’il chantait dans la langue de Molière ou de Shakespeare.
Normal donc, qu’il exulte le 14 avril dernier, annonçant l’entrée du clip « O’a motema mabe » dans la playlist de Trace Urban alors que l’audio de cette satire jouait déjà en boucle sur Trace FM et pouvait aussi se suivre sur Trace Kitoko.
Un pari gagné donc pour une meilleure diffusion de ce son qu’Alesh avait lancé sur les réseaux sociaux quelques mois plus tôt et demandant aux mélomanes d’y adjoindre une vidéo personnelle selon ce qu’il leur inspirait.
En un temps-record, le morceau d’à peine trois minutes et quelques secondes avait créé un énorme buzz en fin d’année pendant plusieurs semaines.
Non à l’inaction
Destiné, comme l’a dit Alesh, « au gars de la rue qui aime beaucoup danser », le rythme est très dansant et le clip l’illustre bien. Cette première chanson se résume à une rengaine facile à retenir : Mokonzi o’a motema mabe ! (Chef, tu es de mauvaise foi !).
Toujours sur le ton de la réprimande, King Alesh apostrophe le « chef » dans « O’a motema mabe » avec sa question : « Nini’ango esilakate ? » (C'est quoi cette chose qui n’a pas de fin ?)… « Même le film de Jésus a une fin et même Mobutu est mort !, la galère de Kinshasa ne devrait-elle pas elle aussi finir ? », continue l’artiste qui a toujours pris un ton interpellateur.
Le label Mental engagé qu’il a fondé sert beaucoup à cela. Avec une perspective assez large sur les vraies difficultés que rencontrent les Congolais, l’artiste rappelle qu’il a beaucoup voyagé dans le pays et se dit en droit de dénoncer l’innommable.
Dans « Biloko ya boye », Alesh étend son audience. En effet, son discours se veut interpellateur aussi pour le citoyen lambda au-delà de l’autorité qui, pour cette fois, n’est pas la seule mise en cause.
Car, dit-il, « Je reste convaincu que sur ce tas de ruines que nous lèguent les générations antérieures, il est possible de s’inventer un bonheur ». Et donc, c’est à une adhésion plus populaire qu’il invite ses concitoyens au travers de ce nouveau titre.
Sa démarche, fait-il savoir, se résume à « écrire notre histoire avec des mots simples, le langage de la rue, un langage que tout le monde pourrait comprendre, afin de dire « Non à l’inaction ».
Aussi leur fait-il cette adresse directe : « Bo’o mona to bo’o mona te ? (Voyez-vous ou ne voyez-vous pas ?) ».
Il veut les porter à considérer qu’ils sont seuls responsables de leur environnement insalubre, par exemple, que cela appelle à agir différemment. Et, l’appel à une conduite correcte concerne tous et chacun.
« Biloko ya boye » fait quand même une vraie mise en garde aux députés : « Bino toko voter lisusu ! (Attendez-vous à ce que l’on vous élise une fois de plus car nous ne sommes pas idiots à ce point) » avec tout ce que « nous endurons au quotidien et dont vous êtes témoins mais vous gardez de dénoncer ». « De qui avez-vous donc peur ? », leur demande-t-il en fin de compte.
Artiste : Alesh
Single : « Biloko ya boye »
Année & Label : Mental Engagé, 2018
Cet article a été mis à jour le 30 juillet 2018. Texte original publié le 19 mai 2018 sur Adiac-Congo
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