FIGAS, secret d’un vrai succès d’estime
Une recette simple : ambition, solidarité, huile de coude et VOS sourires.
Chaque année, le Festival International FIGAS fait de Blois la capitale française des musiques du monde en mettant à l’honneur des grands noms de la scène africaine tout en œuvrant à la création et à la diffusion par l’accueil de talents méconnus en Europe.
La 8e édition a tenu ses promesses. Elle s’est déroulée du 16 au 21 juillet dans différents lieux de la Ville et alentours. Pour des questions de visas obtenus trop tard pour voyager, quelques noms annoncés au programme manquaient. Queen Rima, double finaliste du Prix RFI Découvertes, est restée en plan à Conakry, deux groupes de danseurs n’ont pu faire le déplacement également.
A leur grand regret, car l’opportunité pour leur carrière internationale n’est pas un miroir aux alouettes. Le FIGAS est un sésame pour d’autres scènes internationales. C’est la richesse de ces rencontres festives et professionnelles, dont le rayonnement ne cesse de grandir.
Cette année encore, de nombreux artistes s’y sont produits pour la première fois en Europe. C’était le cas de Otemptic, slameuse de 24 ans venu de Ouagadougou, Burkina Faso, d’Anslo Ganslo et Ayidissa, venus ensemble de Côte d’Ivoire. Deux membres du jury ont fait l’aller-retour spécialement du Canada et du Burundi. Quant à Queen Rima citée plus haut, lauréate de la sélection FIGAS 2024 détentrice du Marley d’Or à Ouagadougou en avril dernier, il lui faut espérer qu’elle pourra être au rendez-vous le 28 septembre à Laval à l’invitation de Urban Made Ouest pour sa toute première date hors d’Afrique. Elle ne se remet pas de cette déconvenue.
« J’ai raté le FIGAS, j’ai les larmes aux yeux, je suis vraiment triste, je vous souhaite à toutes et tous un excellent festival », confie l’artiste guinéenne à notre correspondante à Blois.
Dans le panel de passionnés réunis à Blois, Music in Africa a aussi croisé un incontournable quand il s’agit de musique africaine : Mory Touré. Au FIGAS, le journaliste malien apprend le décès de son grand ami Toumani Diabaté, nom illustre et pionnier dans l’art de concilier la transmission avec les enjeux du rayonnement des instruments, des répertoires, des rythmes et des mélodies, au-delà des espaces géographiques où des pratiques et l’identité de sociétés traditionnelles ont permis de conserver ce savoir ancestral, de le léguer aux jeunes générations.
Symbole de cet héritage précieux, le concert de Cheikh Lô en clôture du festival restera gravé dans les mémoires. Comme sa présence sur tous les temps du festival, dans le public. Au FIGAS, les artistes de chaque édition sont accessibles sur la durée de la manifestation, avec simplicité et une étonnante décontraction. Cette disponibilité témoigne de l’esprit que les organisateurs ont su insuffler au fil des ans à ce carrefour des cultures.
De l’avis du public présent et revenu exprès le voir à Blois, Cheikh Lô avait déjà cassé la baraque à Paris le 13 juillet au Pan Piper. Pourtant, vous ne trouverez pas une ligne dans la presse française sur ces deux concerts. L’invisibilisation des artistes africains, même des plus grands d’entre eux, se joue aussi à ce niveau. Le retour du Baye Fall grâce au FIGAS a néanmoins permis de lui donner la parole sur TV5 Monde Afrique.
Le parti pris d’une fête, chaleureuse et conviviale
Le FIGAS est avant tout un rendez-vous porté par des blésois, habitants d’un quartier nord au profil multiculturel, à travers un collectif d’associations qui promeut l’ouverture au monde, l’accueil, l’engagement citoyen au service de l’action culturelle. Ces habitants ne sont pas là pour servir de petites mains pour l’organisation ou pour faire de la figuration, comme trop souvent dans de grands événements qui ne pourraient tenir sans les bénévoles anonymes, alors qu’ils paient des cachets faramineux pour inviter sur leur plateau des stars que l’on retrouve sur toutes les programmations qui en ont les moyens. Le FIGAS est une fête, comme celles qui réunissent les habitants d’un quartier, ou une cousinade. Il y a quelque chose de cet esprit de famille et de détente dans l’air, bien que tout le monde soit affairé à la réussite de l’événement et à garantir le meilleur accueil possible.
Les habitants sont le cœur du projet, cela se ressent à chaque instant. C’est bien leur festival, ils et elles en sont fiers. C’est légitime. Le travail accompli au-delà des seules prestations scéniques assurées par les artistes à l’affiche et des musiciens d’exception, est vraiment phénoménal. Le sourire, l’authenticité, la qualité en sont les maîtres mots.
Un carrefour professionnel reconnu
L’esprit du FIGAS s’appuie à la fois sur un réseau international solidaire et l’expérience du créateur du festival, Latsouck Ndiaye, ancien chargé de développement des filières culturelles de l’Afrique de l’Ouest en poste à l’Union Européenne. Producteurs, organisateurs de festival et journalistes viennent y repérer les futurs grands noms de la filière musicale, s’échangent des contacts, s’interrogent ensemble sur leurs stratégies pour accompagner la création et la mobilité des artistes. L’ambition se traduit notamment à travers la qualité recherchée dans chaque concert Live et l’engagement des musiciens recrutés dans différentes villes françaises par Pathia Lam, musicien et ingénieur du son ayant créé son studio à Tours. Le backing du FIGAS apporte aux artistes une liberté qui leur permet d’exprimer pleinement leur énergie, la singularité de leur répertoire et de leur personnalité, ainsi que leur volonté d’offrir au public un moment inoubliable.
Pour découvrir l’expérience de ces artistes, entendre les témoignages de Thierno Soumaré, créateur à Toronto de Haribari Afrika Festival (9-11 août) et d’autres participants du FIGAS 2024, Music in Africa vous invite à vous rendre sur l’audioblog d’Arte Radio, « Blablaboost, dans les coulisses du FIGAS ». Vous pourrez aussi entendre Latsouck Ndiayé, créateur du FIGAS, mettre ses propres mots sur une aventure humaine hors du commun, dont les enjeux dépassent la seule question de la manière dont le monde se nourrit des cultures africaines… ou les ignore.
Le marché mondial de la musique ne serait pas ce qu’il est sans l’apport incontesté des artistes du continent africain. Reste à œuvrer collectivement pour ne pas vivre sur cet acquis et faire en sorte que le flambeau puisse se transmettre. Cela implique de pouvoir toucher de nouveaux publics, de travailler à une meilleure visibilité internationale. A défaut, il faut bien admettre que l’alternative serait de se résigner à compter sur les festivals anglo-saxons et les lieux de concert américains qui font souvent plus pour la francophonie que les institutions qui défendent par ailleurs l’exception culturelle pour la langue française au niveau mondial.
Nos langues et nos imaginaires font partie de la francophonie, le lien aux racines pensé comme un levain du futur dans un monde connecté, de plus en plus urbanisé, de plus en plus fragile, sont le vivier de cette musique vivante et de la diversité, mais aussi des repères, des espoirs, des identités à partager. Que cette musique soit Made in Africa ou le fait du dynamisme de la diaspora. Si les enjeux sont différents en matière de mobilité des artistes, l’objectif reste le même : favoriser les passerelles et faire que nos continents tiennent ensemble. Pour comprendre la portée exemplaire du FIGAS, il y a quelque chose à comprendre du rôle majeur de cette diaspora pour relayer aussi bien les efforts des artistes et des festivals qu’accompagner les politiques publiques qui émergent en Afrique pour leur garantir un avenir professionnel et la possibilité de voyager sans entrave.
« Le FIGAS vient enrichir l’offre culturelle, pour les habitants comme pour les touristes, en pleine saison estivale. Nous sommes très sensibles à la création et à l’accès du plus grand nombre à la Culture. Beaucoup de Blésois sont d’origine africaine, c’est important pour ces familles de retrouver leurs racines et pour nous qui ne sommes pas d’Afrique, ce grand festival nous apporte beaucoup. Il propose une vraie qualité dans la rencontre, dans l’échange interculturel, pas seulement l’opportunité de voir de splendides concerts. Le FIGAS s’inscrit dans une philosophie de la relation, du vivre ensemble, que nous partageons et soutenons. »
Marc Gricourt, maire de Blois, Ville partenaire du FIGAS.
Une des artistes présente au FIGAS illustre particulièrement bien ce que la scène africaine peut offrir de mieux, sans rien perdre de son originalité, de sa puissance, en s’ouvrant aux esthétiques qui font le succès des musiques actuelles. Elle s’appelle Hawa Boussim et vient du Burkina Faso, où elle organise prochainement un nouveau festival « Musique à Ouagadougou ». Pour l’heure Hawa Boussim est en tournée en Europe jusqu’à mi-septembre. Quand elle n’est pas entre deux avions, Hawa partage le quotidien de toutes les femmes africaines et veille au sein de sa famille à l’avenir de ses six enfants. Cela ne l’empêche pas d’être une star dans son pays. Plus qu’une star, cette artiste est un symbole de réussite et de cohésion, à l’africaine, à l’image de Cheikh Lô qui fêtera en 2025 au Sénégal, chez lui, ses cinquante ans de scène. Bon anniversaire Cheikh !
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