Papa Wemba la voix de la musique congolaise moderne
Papa Wemba la voix de la musique congolaise moderne, de l’écrivain congolais Anicet Etou Nianga, paru en 2014 aux éditions l’Harmattan, est un récit sur la carrière musicale du chanteur de rumba congolaise disparu en avril 2016 à Abidjan, Côte d’Ivoire.
Par ces temps de tensions politiques réelles et supposées au Congo-Kinshasa, j’y suis rentré à la recherche d’écrits du Professeur Isidore Ndaywel et autres intellectuels congolais ou africains qui m’aideront à comprendre ce chapitre gris mais passager que vit ce « don béni de Dieu », la République Démocratique du Congo.
La Librairie des Grands Lacs de Bukavu, située en face du collège chargé d’histoire qu’est le Collège Alfajiri, est un passage obligé lorsque je suis dans cette petite ville montagneuse tout autant chargée d’histoire. Les nombreux livres de la journaliste belge Colette Braeckman sont disponibles (j’en prends un ; ceux du professeur, non, il n’y a qu’un seul en rayon en cette fin de mois de janvier.
Mes yeux scrutent les rayons et tombent sur un livre à la couverture orange. C’est le livre qui m’a trouvé et non le contraire. Le genre de livre dont la question n’est pas de savoir si je l’achète mais combien vais-je acheter ? Validé ! pas besoin de lire le résumé.
Un ouvrage scientifique
Papa Wemba la voix de la musique congolaise moderne, du passionné de musique Anicet Etou Nianga, est un livre scientifique, fouillé- peut être parfois avec un peu trop de détails et minutie- sur la vie musicale et la création artistique de Papa Wemba : ses débuts comme membre fondateur du groupe Zaiko Langa-Langa, l’éphémère collaboration musicale avec Koffi Olomide, l’histoire de nombreuses chansons mythiques telles que « Analengo », la production des albums avec Real World Records. L’auteur fait entrer le lecteur dans la vie des chansons, dans l’environnement et la psychologie créatrice qui ont sous-tendu la production artistique.
Un des tours de force majeurs d’Anicet Nianga est d’avoir écrit un « livre Youtube » : un livre qui vous oblige à aller pour écouter, voir et comprendre telles ou telles chansons à la lumière du texte. Il vous sera impossible de lire les 260 pages sans une fois vous arrêter pour aller sur YouTube ou sur une autre plateforme en ligne.
Le récit de Nianga permet au lecteur d’apprécier les chansons sous un angle nouveau. Vous n’écouterez plus jamais Papa Wemba de la même manière.
La recherche du détail pousse l’auteur, par occasion, à disséquer certaines chansons en parlant en des termes très techniques.
Extrait : « Chaque accord est réalisé par 4 croches ou 4 coups de battements…entre les 3ème et 4ème mesure, il y un quart (1/4) de soupir, et surtout l’accord de la 4ème mesure : un peu lourd pour les non-musicologues comme moi mais Nianga n’en fait pas trop. Le but recherché est de faire comprendre à ceux qui en doutaient encore que les musiciens congolais ont intégré la science de la musique.
Pour novices et afficionados
À travers les 260 pages, selon mes recherches c’est le livre le plus long sur l’artiste, Etou Nianga réussit l’équilibre remarquable qui permet de satisfaire deux types de lecteurs : d’un côté ceux qui viennent de découvrir l’artiste et sa musique, de l’autre les aficionados. Il y a de la matière pour tout le monde, l’auteur vacille entre les faits qui sont largement répandus tels que l’origine du nom « Molokai » (page 49) ou son passage à Real World Records de Peter Gabriel, ou fait moins connu, les tensions qui seraient nées entre l’artiste et l’Eglise kimbanguiste suite à la chanson « Elongi ya Jesus ».
Les dernières pages sont lourdes, trop détaillées, notamment lorsque Nianga se met à décrire la série de concerts en Europe au tournant du siècle.
Ce livre est un must pour ceux qui ceux s’intéressent à la musique de ce géant sur lequel il y a encore beaucoup à écrire. L’auteur a réussi un vrai tour de maître.
À la question de savoir, combien d’exemplaires j’ai achetés, la réponse est 2…. les deux seuls exemplaires qui étaient encore disponibles.
Article original publié le 30 mars 2018 sur Medium.
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