Critique musicale au Sénégal : la formation un atout indispensable (1)
Dans le cadre du salon sur le journalisme musical organisé par le Goethe-Institut et le GIZ (coopération allemande), le journaliste sénégalais Fadel Lo a présenté un exposé pour le moins complet, sur la critique musicale au Sénégal. Découvrez ici l'exposé dans son intégralité.
Par Fadel Lo
La musique sénégalaise a connu de nombreux soubresauts depuis ses débuts ; elle a souvent rencontré d’énormes difficultés sur sa longue marche. En effet, le Sénégal peine à trouver une vraie identité musicale. Au tout début et après la seconde guerre mondiale, les musiciens de la place avaient juste tendance à rependre des classiques français.
Par la suite, il y a eu une nouvelle orientation et nos artistes musiciens se sont longtemps mis à reprendre des classiques de la soul, du rnb et surtout de la musique afro-cubaine. La mode voulait que les chanteurs reprennent le plus souvent des classiques venus de la lointaine Cuba.
Des orchestres comme le Star Band, le Tropical Jazz de Saint Louis (Sénégal) et le Cayor Rythm, ont vite fait de produire des vedettes comme Kounta Mame Cheikh, Pape Seck, Amara Touré, Sidate Ly, Aminata Fall et Laba Socé entre autres.
Cette habitude consistant à copier la musique salsa prit des proportions grandissantes et des groupes comme le Baobab Orchestra et plus tard le Star band Number One issue de la scission du Star Band originel, prirent rapidement le relais et imposérent cette forme musicale communément appelé chez nous « Pachanga ».
Il a fallu attendre l’avènement d’un certain Youssou N'Dour pour voir les choses évoluer et surtout jaillir un nouveau style musical dénommé mbalakh, qui est en réalité un rythme joué par un petit instrument de percussion. Pour les puristes, cela ne peut justement pas représenter une bonne musique sénégalaise, car notre pays regorge d’énormes richesses rythmiques et musicales.
Ce rappel s’imposait juste pour relater le cheminement qui a mené à l'effervescence notée actuellement.
Très naturellement cela s’est fait par le truchement et avec l’accompagnement des médias. Au départ et juste après les indépendances, le pays ne disposait que d’une seule chaine de radio et de télévision, et cela a grandement favorisé la diffusion de ce genre musical venu d’ailleurs et allégrement repris par nos musiciens.
La large notion de journaliste culturel
C’est ce qui nous pousse à nous interroger sur ce que renferme la notion de journaliste culturel, avant de terminer par son apport et son rapport à la critique et à la diffusion de la musique sénégalaise dans toute sa diversité.
D’abord, il faut admettre qu’il n ya pas de formation spécifique pour un journaliste culturel. On est d’abord journaliste avant de choisir de se spécialiser dans un genre ou un autre. Force est de constater qu’au Sénégal ce n’est pas très facile d’être journaliste culturel. Il faut vraiment aimer la culture profondément pour accepter de rejoindre le Desk Culture.
Il faut reconnaître que dans les différentes rédactions, il a fallu se battre pendant longtemps avant d’arriver à imposer cette rubrique. La culture est souvent assimilée à de l'amusement et à chaque fois qu’il y a de la publicité fournie pour les journaux, c’est la page culture qui saute comme on le dit et le constate souvent.
La culture est très vaste et ne se limite pas seulement à la musique mais force est de constater que la musique occupe une place de choix dans les pages « culture » de nos différents organes. Sans conteste c’est un art très populaire.
Le journaliste qui choisit de faire de la culture dans un journal est obligé de couvrir presque tous les événements culturels ; il valse allégrement entre musique, danse théâtre, peinture, cinéma, littérature etc. Ce qui stipule forcément qu’il ne dispose pas d’une formation adéquate et appropriée pour pouvoir traiter de toutes ces disciplines. À force d’assister à des manifestations culturelles, il finit par se faire une certaine opinion et acquiert forcément une expérience.
En général, c'est cette expérience qui est mise à profit pour être distillé à travers son médium ; à la longue, on finit par lui coller une étiquette de spécialiste.
Donc généralement cela se passe ainsi ; cependant le cinéma fait exception, car il y a bien une association des critiques de cinéma qui organise régulièrement des séances de mise à niveau et des formations aux techniques d’écriture cinématographique et comment rendre compte et analyser un film. Ce qui n’existe pas au niveau musical.
Au niveau des arts plastiques aussi il existe une association de critique assez dynamique, qui collabore étroitement avec la presse. Au niveau de la littérature aussi il règne une certaine effervescence mais, les notes de lectures sont souvent signées par des hommes de l’art. Ainsi les journalistes sont pour la plupart du temps obligés de rendre compte des cérémonies de dédicace des livres qui sortent régulièrement.
Il y a bien une association des journalistes culturels mais à ma connaissance, il n y a pas encore une association de critiques de musique au Sénégal.
À mon humble avis, cela ne va pas être facile à imposer au Sénégal. Au niveau musical dans notre pays, nous avons beaucoup de lacunes à combler.
La formation est un problème crucial
Beaucoup de nos instrumentistes sont formés sur le tas à plus forte raison les journalistes. Ils ne savent pas lire la portée pour la plupart et donc dans l'impossibilité manifeste de bien appréhender une œuvre musicale. C’est certainement pour cette raison que l’on voit rarement un journaliste sénégalais faire une critique approfondie d’une œuvre musicale sortie sur le marché.
Cette tare n’est pas du tout profitable au rayonnement de notre musique, cela se ressent par la prolifération d’œuvres que personne ne critique. Il existe un laissez aller manifeste dans le milieu et tout le monde peut devenir musicien ; les critiques se font rares pour ne pas dire inexistantes car ceux qui sont censés les faire ne sont pas assez outillés. Cela se ressent car il s’agit d’une chaîne et notre musique qui est assez spécifique, peine et tarde à exploser au niveau international.
Il faut donc multiplier ce genre d’initiatives (salon pour le journalisme musical) et offrir aux journalistes, l’opportunité de se former pour être mieux outillés afin de pouvoir jouer pleinement ce rôle de critique qui est indispensable.
Tout n’est pas perdu, car il y a des personnes comme Alioune Diop de la radio télévision séngalaise (RTS) et Michael Soumah qui sont souvent interpellés pour livrer leurs avis d’experts sur la bonne marche de notre musique. À force de travail et de sérieux, ils ont pu a capitaliser une belle expérience qui est souvent mise à profit pour faire de belles critiques sur l'évolution et la bonne marche de la musique au Sénégal.
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