Les traditions musicales du Sénégal (Partie 1)
Le patrimoine musical du Sénégal représente l’ensemble des formes musicales de genre traditionnel, moderne, profane et religieux qui, à travers un traitement vocal et/ou instrumental, reflète des sonorités retrouvées dans son espace géoculturel.
- Griot Africain (Photo) : blogdemissafrica.com
De par ses caractéristiques, ce patrimoine comporte une totalité de musiques d’essence traditionnelle et nettement marquée par l’oralité, la relation avec la danse, la production en situations sociales et les usages musicaux, communicationnels et musicothérapiques des supports sonores.
Musique orale et primitive
Au contact, par l’observation et par l’audition des musiques des principales ethnies du Sénégal, il ressort que dans toute la chaîne de production allant de la création de l’œuvre à son exécution (interprétation), la musique s’élabore sans recours à l’écriture et à une quelconque autre forme de fixation scripturale des sons émis.
Création, exécution et transmission par le corps social et le griot instrumentiste
Elles découlent selon les ethnies, d’un ou de deux agents : la société elle-même dans sa globalité et sa division en groupes d’identités spécifiques et situationnelles, puis le groupe social ayant un lien étroit avec la musique (le griot).
D’abord, la société dans sa globalité représente un agent créateur. Dans cette situation, la musique est l’apanage de tous, elle est crée, exécutée et transmise d’une génération à une autre par l’ensemble du corps social sans stratification. Il en est ainsi de l’ensemble du répertoire des chants et musiques connus et impliquant la participation de tous, tels la connaissance des mélodies et rythmes instrumentaux marquant la fin des cérémonies d’initiation chez les Bassari.
Ensuite, des groupes d’identités spécifiques et situationnelles participent également à la chaîne de production de la musique. Ils peuvent être subdivisés selon les rôles qu’ils tiennent dans la société. Les musiques produites ont dans ce cas des attaches étroites avec les auteurs créateurs, exemples des chants des pécheurs lebou ; du chant siffloté des palmistes diola ; des pleureuses mandjak choisies en période de deuil…
Le répertoire suscité comporte dans son ensemble et pour son exécution l’implication de tous les membres du corps social. Cependant, si tous les groupes ethniques sans distinction présentent cette situation, certaines par contre ne reconnaissent pas le second agent singulier producteur de la musique traditionnelle sénégalaise qu’est le griot.
Au Sénégal, les ethnies comptant le personnage du griot comme entité dans leur stratification sont les Wolofs, les Sérères, les Mandingues et les Toucouleurs. Les griots constituent dans leurs différents groupes ethniques une caste ayant une double fonction : celle d’historiens – généalogistes, chargés de conserver la mémoire historique du peuple auquel ils appartiennent et celle de la transmission de cette histoire, par le biais de la musique : art dont ils ont dans ce cas l’exclusivité de la maîtrise.
Les cours royales des empires wolofs et mandingues comptaient en leur sein des griots chargés d’un ministère laudateur envers les familles princières et les soldats défendant au combat les intérêts du royaume.
Leurs pratiques de la musique se rattachaient aussi à différents ordres d’activités socioprofessionnelles comme les travaux champêtres ou encore les annonces publiques.
Aussi bien chez les Mandingues, les Wolofs, les Toucouleurs et les Sérères, il arrive que les productions griottes soient exclusivement d’un purisme musical dans lequel toutes les ressources vocales et / ou instrumentales sont mises en exergues.
C’est le cas notamment de certaines pièces vocales mandingues de l’espace sénégambien (partie nord du Sénégal oriental et la partie sud frontalière d’avec la Gambie), accompagnés avec virtuosité à la kora et au balafon ; de la polyrythmie des sabars (ensemble de percussions) wolofs; des impromptus du xalam[1] ou encore, les combinaisons rythmiques plus ou moins complexes, produites par les femmes griottes toucouleur, à l’aide de gumbali pour scander leurs chants.
Qu’elle soit vocale comme les chants d’initiation en pays tenda ou instrumentale à l’image du support rythmique des griottes toucouleurs, l’exécution de la musique dans les différentes ethnies garde avant tout un caractère primitif. Ce primitivisme peut s’expliquer par un parallélisme noté entre l’origine de la musique et certaines formes de sa pratique par les premières communautés ethniques du Sénégal.
Quelques aspects primitifs, hérités avec le temps, s’observent encore de nos jours. Ainsi, en pays sérère, diola ou mandjack par exemple, il n’est pas rare de voir les femmes accompagner leurs musiques de danses par le battement des mains comme support instrumental.
A. Schaeffner, rapportant les observations d’un missionnaire sur la danse et le piétinement de la terre pour produire une sensation sonore (pratique musicale de riverains du fleuve Casamance), note que « nous ne croyons pas qu’il soit possible d’imaginer un moyen plus primitif de produire un bruit[2] ».
L’originelle oralité de la musique chez tous les peuples du monde explique sans doute ce phénomène primitif, car la musique pourrait être née d’un besoin pour l’homme de reproduire des structures sonores entendues dans la nature, comme le prônent les ethnomusicologues de la tendance évolutionniste, par le simple fait de l’imitation.
A côté des instruments corporels, certaines matières végétales ou animales utilisées dans la lutherie traditionnelle balante, diola et mandjak (tambours à fente) ; tenda et mandingue (hochets, sonnailles, sistres et djembe) ou sérere (simple calebasse), indiquent de par leur confection rudimentaire et essentiellement naturelle, le caractère primitif[3] du patrimoine musical des ethnies.
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