Coumbis Sorra, une voix à découvrir
La jeune chanteuse sénégalaise Coumbis Sorra était dans les locaux de Music in Africa cette semaine, pour un entretien exclusif sur son parcours, ses projets et ses voyages.
Bonjour Coumbis Sorra, pourrais tu nous dire comment tu es venue à la musique ?
Bonjour Jean, j'appartiens à une famille de griot de la Casamance (Sud du Sénégal) et chez moi, presque tout le monde chante. La musique est un don pour moi, mais il m'a fallu travailler pour atteindre le niveau que j'ai actuellement.
Je me suis inscrite pour des cours de chant et de solfège à la Maison de la culture Douta Seck et j'y ai passé 3 années à me perfectionner.
Parallèlement, mes frères qui pratiquaient du hip hop m'ont encouragée à me lancer dans cet art en tant que professionnelle.
À tes débuts on t'appelait Coumbis Sister et tu évoluais dans le hip hop. Pourquoi avoir changé de style ?
Effectivement, j'étais une artiste hip hop au départ, mais j'ai fait long feu dans ce genre.
Mon père qui est griot, n'a pas approuvé mon choix d'évoluer sur une musique moderne, qui soit totalement déconnectée de mes traditions selon lui.
Même si je commençais déjà à me faire un nom et à monter sur des scènes de festivals consacrés au hip hop comme le Festa2H, j'ai décidé de tout arrêter.
J'ai adopté le style de fusion que je continue de pratiquer aujourd'hui et sincèrement, je ne regrette rien.
Pourrais-tu justement nous parler de ton style actuel ?
Mon style est assez particulier, parce qu'il fusionne tradition et modernité. Dans ma démarche artistique, je suis une africaine ouverte aux influences du monde.
Je donne des accents bluesy et jazzy à des chansons typiquement africaines, de sorte à pouvoir les proposer à un public international.
Il faut dire que l'expérience me réussit, car les français et autres étrangers qui m'écoutent, se retrouvent vraiment dans mes compositions.
Je qualifierais mon style de rock and roll africain. Je suis fière de cette musique, car elle offre la richesse de l'Afrique au monde.
En 2018, tu as sorti ton premier album, Bandirabé. Pourrais-tu nous en dire quelque chose ?
Pour tout vous dire, cet album a été entièrement financé par des internautes. J'ai soumis le projet de production sur un site de crowdfunding et tout s'est très bien passé. J'ai appris que j'étais la deuxième artiste sénégalaise à réussir une collecte de ce genre sur Internet (Après Marema Fall - NDLR).
Avant cela, j'ignorais l'existence des sites de crowdfundig, mais un ami français, passionné de ma musique, m'a expliqué que je pouvais produire un disque grâce à ce mécanisme.
Il a lui-même ouvert la cagnotte en ligne et nous avons récolté jusqu'à 1800 euros en un mois, alors que je n'en demandais que 1500. J'ai donc décidé de faire un opus de 8 titres au lieu de 6 comme je le souhaitais initialement.
Bandirabé, dont l'intitulé est en pulaar (langue peule), est un hommage que je rends à ma mère, qui appartient à cette communauté.
J'y parle de la société, de la famille, des les liens entre les hommes, bref de la vie en général. D'ailleurs, Bandirabé signifie littéralement « la famille ».
Depuis la sortie de Bandirabé, tu es plutôt timide en terme de production. Pourquoi ?
Je laisse passer le temps pour mûrir d'autres projets et les enrichir de sonorités nouvelles.
Je ne suis pas pressée de produire quoi que ce soit. Bien au contraire, je veux travailler conséquemment et faire des recherches, pour que mon prochain disque sorte de l'ordinaire.
Je veux faire mille fois mieux que Bandirabé, même si ce premier disque a été à ma grande surprise, favorablement accueilli par le public sénégalais.
Pourrais-tu nous parler du Festival Couleurs Musique dont tu es la promotrice ?
Couleurs Musique est un festival que j'ai initié l'an dernier avec mon manager Thierno, en partenariat avec Danso, un acteur culturel sénégalais qui vit en Espagne.
En prélude à l'événement, nous avons accueilli près de 45 artistes espagnols venus des îles Canaries, dont l'orchestre de l'île espagnole qui a animé des workshops à Dakar (Sénégal), avec l'orchestre nationale sénégalais et l'école de musique AMV.
En novembre 2018, le festival a déployé la scène de sa première édition et là aussi nous avons invité un groupe espagnol, Caracoles, mais aussi Fred Aloloom de la France et Dao de la Guinée.
L'idée était de créer un mariage de styles et de couleurs, comme l'indique le nom du festival. La seconde édition aura lieu à Dakar en décembre prochain. Il y aura des artistes de la France, d'Italie, d'Espagne et de la sous-région ouest-africaine.
Que penses-tu de la nouvelle génération de chanteurs sénégalais qui est entrain d'inventer une sorte de pop locale ?
C'est une jeunesse ingénieuse qui me surprend ! Ils se détachent de ce qui se faisait avant et créent de nouvelles pistes, cela est vraiment intéressant.
La musique sénégalaise a besoin d'ouverture et cela exige une forte créativité. Personnellement, je trouve que le travail qu'ils abattent profitera considérablement au pays.
Tu as récemment tourné en Europe. Pourrais-tu nous parlé de ce voyage ?
À Marseille (France) où je me suis rendue en premier, j'ai été reçue à la Cité de la musique en novembre et j'ai travaillé en atelier avec les Dames de la Joliette, un groupe féminin de la cité phocéenne. Nous avons proposé un spectacle aux parfums des rythmes africains et marseillais. J'ai même vendu mon album Bandirabé à cette occasion et les gens ont vraiment apprécié.
Je me suis également rendue en Suisse, à Genève précisément, et j'ai joué au Festival Poussière du Monde. Mon ressenti est que le public a apprécié ma musique, je suis donc rentrée satisfaite et bien décidée à redoubler d'efforts pour revenir encore plus forte.
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