Gwen et Tiana : « être artiste, c’est être entrepreneur »
Ils sont d’une séduisante complicité et leur maîtrise vocale est remarquable ; le duo Gwen & Tiana qui évolue en Suisse, a fait un tour dans les locaux de Music in Africa à Dakar (Sénégal), pour un entretien exclusif sur ses projets et sa vision du music business aujourd’hui.
Qui sont Gwen et Tiana ?
Gwen : je propose de présenter Tiana et inversement (rire).
Tiana pour moi est une artiste passionnée, une bosseuse infatigable, une personne sur qui l’on peut vraiment compter. Elle est passionnée par la musique, mais aussi et surtout par l’autre ; elle a un grand cœur, une envie de toujours partager. Elle est une excellente chanteuse et un coach vocal d’exception.
Tiana : je crois que je vais pleurer… (rire).
Gwen est quelqu’un que j’admire énormément. Il partage la même passion et la même générosité que moi. Il est créatif et très entreprenant. Pour moi, c’est un réel plaisir de travailler avec lui, c’est quelqu’un qui inspire ma confiance totale.
Pouvez-vous nous parler de votre musique ?
Tiana : nous avons tous deux des racines très métissées. Gwen a des origines gabonaises, togolaises et sénégalaises, moi j’ai des ascendants camerounais et malgaches ; l’Europe, notre terre d’adoption, a elle aussi son influence sur nous.
Nous développons donc une musique éclectique, qui puise dans nos cultures respectives et dans ce que ce que nous avons acquis à l’occasion de nos voyages, pour créer un pont entre l’Afrique et l'Europe. Notre création est le mix de tout ce que nous avons absorbé : rythmes traditionnels et populaires africains, gospel, jazz, soul, etc…
Gwen : pour tout dire, en lançant notre projet, nous n’étions pas focalisés sur un style de musique en particulier. Ce que nous voulions, c’était juste créer quelque chose d’authentique, qui soit à l’image de ce que nous sommes. D’où la naissance de ce style hybride que nous mettons à l’avant dans nos créations.
Vous vivez en Suisse depuis plusieurs années déjà ; trouvez-vous ce pays favorable à votre business musical ?
Gwen : non, l’environnement n’est pas particulièrement propice. Mais nous le prenons tel qu’il est et nous nous adaptons au mieux afin de faire avancer nos projets.
Cette question nous donne d’ailleurs l’occasion de rappeler aux artistes africains qui pensent que l’Europe est un eldorado où tout est servi sur un plateau d’argent, qu’ils se trompent largement.
Nous avons des collègues musiciens qui résident dans les capitales européennes et qui peinent à faire tourner leurs projets. Ils donnent des concerts pour des cacahuètes et vivent misérablement.
Si Tiana et moi sommes à ce niveau, et Dieu sait qu’il nous reste encore beaucoup à faire, c’est parce que nous travaillons très durement, 18 heures par jour en moyenne.
Quand nous rentrons en Afrique, nous voyons des artistes qui s’en sortent si bien, que l’on se dit que le continent offre de réelles chances à ceux qui prennent le temps d’élaborer les bonnes stratégies.
Tiana : le monde de la musique en Suisse est divisé en deux ; il y a d’un côté les artistes très connus et de l’autre, les débutants. Les artistes en phase de développement sont donc oubliés le plus souvent. Dans ce contexte-là, il faut vraiment être un combattant pour s’en sortir.
Entre scènes et business, comment vous organisez-vous ?
Gwen : être artiste, c’est être entrepreneur de nos jours. Le temps est révolu où le musicien se limitait à chanter, laissant d’autres personnes s’occuper de tous les autres volets de sa carrière.
Nous sommes des auto-entrepreneurs, engagés nous-mêmes dans la gestion de notre image, dans le management de notre équipe et dans la quête des opportunités les plus intéressantes pour nos projets.
Tiana : nous faisons beaucoup de choses à la fois. En tant qu’artistes musiciens déjà, nous nous produisons en Suisse, mais nous tournons également dans différentes villes européennes. Nous donnons également des concerts en Afrique, mais comme il est difficile de s'y rendre régulièrement, en raison de la distance et du prix élevé des billets d’avion, nous ne nous y produisons que très peu.
Nous sommes aussi coachs vocaux et nous tenons une école de chant en Suisse. Elle est baptisée Vocal Academy et elle existe depuis 7 ans. Nous y recevons des gens qui veulent travailler leurs voix pour le chant ou encore les prises de parole en public. Nous accompagnons également des artistes de différents niveaux en studio, dans la préparation de leurs concerts et auditions pour ceux qui participent à des talent shows.
Nos activités se résument à cela, à la musique que l’on fait et à celle que l’on partage.
Puisque nous parlons de partage, envisagez-vous d’initier quelque chose en Afrique ?
Gwen : Nous appartenons à un réseau mondial de coachs vocaux très réputés qui travaillent avec les plus grands noms, de Céline Dion à Justin Bieber. Il est dénommé Modern Vocal Training et nous le représentons en Suisse.
Nous envisageons de partager notre savoir en coaching vocal en Afrique, même si c’est un vrai défi, car être chanteur sur le continent n’est pas toujours considéré comme un vrai métier pour lequel il faudrait se former sérieusement. Mais sachant que le chant peut porter toute une nation – l’exemple de Youssou N’Dour parle pour le Sénégal - il importe de valoriser cet art.
Tiana et moi, aidés par deux autres coachs, traduisons en ce moment le contenu de notre formation en français, parce qu’il est en anglais. Nous envisageons de mettre cela à la disposition des professionnels du chant à travers le monde et donc en Afrique aussi. Le coût sera d'ailleurs moindre, au regard de la faiblesse du pouvoir d'achat sur le continent.
En Afrique, nous voulons aussi initier un camp de chant qui s’appellera African Vocal Camp. Nous souhaitons le lancer l’été prochain ici au Sénégal qui est un pays que nous aimons et qui offre toutes les conditions nécessaires à notre initative.
L'idée est de réunir des professionnels du chant chevronnés d'Afrique et d'ailleurs, pour inspirer une dynamique de partage qui nous l'espérons, profitera énormément aux professionnels du continent.
Nos invités, qui seront essentiellement des maîtres de chant, retransmettrons ce qu'ils ont appris à ceux qui pratiquent déjà le métier et désirent renforcer leurs capacités. Nous communiquerons d'avantage sur ce projet qui se ficelle encore.
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