5 questions à Leila Chaibeddra, directrice de Tartine Production
À la tête de Tartine Production, une agence de production qui a su s'imposer en 10 années d'existence sur la scène alternative française, Leila Chaibeddra est une professionnelle passionnée et visionnaire, qui promeut avec sa compagnie, la diversité des expressions musicales.
Bilan de la décennie écoulée et perspectives d'avenir, elle aborde dans cet entretien exclusif avec Lamine Ba, quelques points essentiels du parcours de Tartine Production.
Bonjour Leila, vous êtes la directrice de Tartine Production, une agence parisienne de production et de booking qui vient de fêter ses dix ans il y a quelques semaines. Quand vous regardez en arrière et voyez le chemin parcouru, qu'est-ce que vous vous dites, quel est le bilan de Tartine après une décennie d'existence ?
Bonjour Lamine ! En trois mots : artisanale - voyages - confiance...
En effet, on a toujours gardé ce côté savoir-faire artisanal, proche des artistes accompagnés et on effectue aussi beaucoup de déplacements afin de veiller à ce qu'elles et ils soient bien mis en lumière, que ce soit pour leur concerts ou dans le cadre de marchés professionnels.
On a évolué dans cette industrie en faisant des erreurs, en se relevant et on tente toujours de faire mieux. Petite rectification, nous sommes également basés en Bretagne avec un autre bureau à Kervignac.
Votre catalogue présente pas mal d'artistes africains qui développent une musique alternative, comment les choisissez-vous ? Les scènes alternatives sont relativement développées en France et en Europe, est-ce toujours évident toutefois pour vous de placer ses artistes qui chantent dans des langues étrangères et qui poursuivent des sentiers artistiques loin du main-stream ? Quelles sont les stratégies mises en place pour les placer et les développer au-delà de leurs niches ?
On fonctionne surtout au coup de cœur et en réfléchissant à si les projets sont en accord ou non avec notre réseau - ce qui peut vraiment accélérer le développement de la carrière des artistes représentés (s'il faut travailler avec un autre réseau, cela prend énormément de temps).
C'est véritablement un challenge de défendre d'autres formes d'expression que les langues que l'on retrouve partout (anglais, français ou encore espagnol), notamment lorsqu'on sort de la musique traditionnelle.
Les diffuseurs commencent à changer leur positionnement et comprennent que si un(e) artiste chante en arabe ou en créole, ça peut aussi être de la musique actuelle (rock, folk, hip hop....), mais cela prend du temps de les convaincre.
La célébration de vos 10 ans a, j'imagine, été un tremplin pour vous projeter dans l'avenir, après deux ans de Covid ; comment avez-vous été affecté par la pandémie justement ? Comment l'avez vous géré avec un catalogue transfrontière et qui était très présent sur les salons à travers le monde ? Qu'est-ce qui change selon vous en tant qu'agence de booking et de prod alors que nous entamons l'après-pandémie ? Y a t-il une nouvelle façon d'appréhender les projets désormais chez Tartine ?
La pandémie a été un long moment de pause mais nous n'avons jamais arrêté de démarcher. Je me suis dit que c'était le moment où jamais pour les diffuseurs d'écouter la musique et découvrir de nouveaux projets.
Nous avons également restructuré et réfléchi au développement de la société à cette occasion. L'après pandémie a été une explosion de concerts (on a doublé le nombre de concerts de 2019) mais c'est assez courant car j'ai l'impression que tous les diffuseurs avaient envie et besoin de faire plus de concerts en sortie de pandémie.
On a donc décidé d’agrandir l'équipe pour répondre à cette hausse mais ce n'est pas évident de travailler de cette manière car je ne sais pas ce que nous réserve 2023. C’est une perpétuelle adaptation. En tout cas, nous restons optimistes et c’est vrai que nos 10 ans nous ont permis de célébrer le travail accompli ces dernières années, les nouvelles directions prises mais aussi de nous donner un nouvel élan pour l’avenir.
Les artistes africains sont de plus en plus présents sur les plus grandes scènes du monde maintenant ; vous qui observez beaucoup les scènes musicales en Afrique, quelle lecture faites-vous de cet engouement pour les musiques africaines ? Quelles sont les scènes à travers le continent que vous observez avec intérêt ?
Effectivement, cela fait déjà quelques années que cet engouement pour les musiques africaines se développe sur les scènes du monde. Ce que j'apprécie particulièrement c'est cette évolution vers des identités musicales hybrides qui mélangent des styles complètement différents.
Grâce à ça, les certitudes acquises changent et ça permet d’effacer les contours des cases pré-fabriquées dans lesquelles sont inscrits le travail des artistes, notamment en France. Personnellement, j'ai un gros coup de cœur pour l'évolution de la scène musicale nigériane.
Vous vous êtes lancés dans la production d’une série de vidéos avec les artistes Mazalda, Bab L’Bluz, Pamela Badjogo, Djazia Satour, Maya Kamaty et Labess, vidéos que nos lecteurs pourront bientôt découvrir sur nos réseaux respectifs ; expliquez-nous un peu le concept et quels sont les objectifs recherchés avec la diffusion de ces vidéos ?
Cette série de vidéos vient d'une rencontre avec Jonathan de Pure Capture qui a réalisé les 6 capsules. Il est ingénieur du son mais il a également investi dans un studio mobile afin de pouvoir enregistrer ce qu'il veut, là où il le souhaite. La plupart du temps, ce sont des lieux complètement insolites (en pleine forêt, au bord de mer etc.). Il travaille avec un cadreur (sauf quand il le fait lui-même) et sans aucun montage vidéo. Son concept m'a immédiatement séduit car j'ai vraiment l'impression de me balader à l'intérieur de la vidéo quand j'en vois une et le son est incroyable.
Suite à une première collaboration autour de Labess réalisée en 2021, nous avons eu envie de continuer à travailler ensemble et proposer ce concept aux artistes que nous accompagnons qui venaient dans le Grand Ouest l'été dernier, et j'ai l'impression qu'elles et ils ont tou(s)tes apprécié l'expérience.
Les prochaines sorties sont prévues pour le 24 novembre avec Labess et le 1er décembre avec Maya Kamaty. Petite exclu, Labess interprétera son titre « Dance me » et Maya Kamaty, « Sovaz ». Les vidéos de Bab L’Bluz, Mazalda, Pamela Badjogo et Djazia Satour sont déjà disponibles sur la chaîne YouTube des artistes !
Vous pouvez découvrir toutes les vidéos produites par Tartine Production en collaboration avec Pure Capture ici. (Mis à jour le 9 mars 2023)
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