Baya Ciamala : « nous permettons aux artistes d’être visibles sur internet »
Jeune entrepreneur, Baya Ciamala est l’initiateur de la plateforme de streaming musical Baziks Pulse. Dans cet entretien, il nous présente son application musicale et évoque également les défis de la numérisation de l’industrie musicale en RDC.
Vous êtes le créateur de Baziks Pulse dédiée à la musique afro-congolaise. À quel besoin cette application répond-il ?
Deux besoins, le premier étant de permettre aux mélomanes de ne souffrir d’aucune imposition d’une programmation musicale de la part des radios etc. L’autre besoin c’est de permettre aux artistes d’être visible sur internet, à court terme monétiser leurs œuvres pour une rémunération.
Qui sont vos concurrents sur ce marché et comment comptez-vous monétiser l’application ?
Notre application de lecture de musique dite streaming s’adresse à un public qui aime la musique congolaise et afro, ce qui fait que nos concurrents directs sont Deezer et Youtube. Les deux plateformes ne mettent pas suffisamment en avant nos artistes.
Les maisons de disque ont la puissance nécessaire de négocier avec les grandes plateformes ce qui dilue la visibilité de nos artistes. D’où notre positionnement dans le « local content » (contenus locaux), ainsi nous proposons aux fans la musique qu’ils aiment.
L’autre grande difficulté est essentiellement la consommation des données qui est parfois embêtante. Nous donnons donc la possibilité aux utilisateurs d’écouter de la musique même sans connexion internet.
Pour monétiser l'application, nous proposons deux modèles : le freemium et le premium. Le premier permet un accès gratuit contre de la publicité. Le second est un système d'abonnement via les systèmes de paiement accessibles.
Comment allez-vous rémunérer les artistes ?
Nous rémunèrerons les artistes à la proportion des répartitions convenues sur base des écoutes effectuées sur l’application et ce après avoir déduit différentes charges, notamment les droits d’auteur, taxes, la TVA, etc.
Pour que cela soit possible, nous devons atteindre 200 000 abonnés ce qui sera un bon début. En 2 semestres nous en avons recruté 7000 maintenant nous voulons réduire ce délai tout en augmentant le nombre de nos d’abonnés. Cela passe notamment par le renforcement de notre capacité d’accueillir tous les catalogues de musique dont nous disposons les autorisations d’exploiter.
Nous comptons introduire progressivement 50 000 à 500 000 morceaux d’ici la moitié de l’année 2019 et d’ici 2020 avoir 1 million de titres premium.
La problématique des droits d’auteur se pose également dans ce genre de business. Y avez-vous pensez ?
Oui tout à fait. Nous sommes respectueux de la convention de Berne portant sur la protection des œuvres littéraires et artistiques. Des dispositions ont été prises dans ce sens. Nous communiquerons cela au moment opportun. Nous encourageons d’ailleurs les artistes à rejoindre la société des droits d’auteur de leur choix pour espérer être rémunérer lorsque leurs œuvres seront diffusées sur les medias et autres plateformes.
Vous avez été lauréat en 2016 du Digital Lab Africa dans la catégorie musique en ligne. Que ce que cette récompense a apporté dans votre projet ?
Grâce à Digital Lab Africa nous avons renforcé notre réseau. Aujourd’hui nous sommes en contact avec des acteurs du secteur, notamment TRACE. Nous avons également bénéficié de l’accompagnement de nos mentors. Au départ nous étions convaincus de notre premier business-modèle basé sur la gratuite mais après nous nous sommes rendu compte de la complexité. Nous avons donc changé de modèle. Nous allons voir ce que cela va donner.
Chaque année, au cours de la Baziks Digital Music Conference (BDMC), dont vous êtes l’initiateur, des experts débattent sur la transformation numérique de l’industrie musicale. Selon vous comment le numérique peut-il contribuer au développement du secteur musical en RDC ?
Pour que le numérique puisse contribuer au développement de notre industrie musicale, il est important de songer à sa mutation. Rejoindre massivement la diffusion numérique à travers des lecteurs de musique comme Baziks. Les smartphones présentent dans ce sens, des opportunités incroyables. Ils remplacent les fameux baladeurs MP3. Ce qui pourrait pousser les mélomanes à pouvoir écouter leurs titres préférés sur internet.
C’est ainsi que lors du Baziks Digital Music Conference cette année, nous avons invité les artistes, les producteurs à nous rejoindre afin d’œuvrer ensemble dans cette course à la mutation effective de notre industrie musicale et générer du revenu pour rémunérer les acteurs de la création. Mais c’est un challenge comme vous le savez. Il n’est pas toujours facile d’innover dans un milieu où les habitudes sont fortement ancrées dans une tradition.
Cette année, vous avez lancé Baziks Accelerator, un incubateur pour accompagner les porteurs de projets dans le secteur culturel. Vous comptez avec cette initiative créer 10.000 emplois à l’horizon 2030. Comment allez-vous atteindre cet objectif ambitieux ?
Nous avons lancé un incubateur éphémère qui se veut expérimental. L’idée était d’identifier les porteurs de projet entrepreneurial pour les aider à le concrétiser. Avec nos partenaires nous nous organisons au mieux pour la partie mentoring et modélisation. Une fois que leurs projets seront bien ficelés, ils bénéficieront d’un carnet d’adresses et d’une visibilité pour voler de leurs propres ailes.
Si cela marche, alors nous allons le faire à plus grande échelle. Lancer 20 entreprises culturelles chaque année employant 20 personnes durant 10 ans. On peut générer 4000 emplois directs et indirects, pas forcément à plein temps.
L’idée est de sortir les jeunes et nos artistes de la précarité. Ce genre de projet ne peut être réalisable qu’à travers des subventions. Nous allons nous organiser pour réunir les moyens nécessaires pour relever ce défi.
Baya Ciamala a participé du 14 au 16 novembre 2018 à Johannesburg (Afrique du Sud) à Discop Markets, le rendez-vous consacré à l’industrie de création et de la vente de contenu télévisuel en Afrique et Moyen-Orient, où il a présenté son application de streaming musical Baziks Pulse.
Initialement publié le 13 juin 2018, cet article est mis à jour le 5 novembre 2018.
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