Celpa Diakese : « Travailler dans l’industrie musicale reste un grand challenge »
Celpa Diakese est une opératrice culturelle évoluant en RDC. Dans cet entretien, elle évoque sa carrière, et les défis à relever pour réussir dans l’industrie musicale. Music in Africa l’a rencontrée.
Quand est-ce que vous avez commencé ce métier et quels sont jusqu’ici les artistes que vous avez accompagnés ?
J’ai posé mes premiers pas dans le développement de carrière dès 2010, mais je me suis lancée professionnellement à partir de 2014, après mes études en communications sociales à l’Université catholique du Congo. Depuis le début, j’accompagne la chanteuse congolaise Licelv Mauwa.
Quels sont les défis auxquels vous êtes face ?
Les défis auxquels je fais face dans ce métier peuvent se repartir à deux niveaux : le premier niveau, c’est en tant que femme. Le second, c’est en tant que manager d’artiste.
Je préfère d'abord me positionner en tant manager qu’en tant que femme, car en mon sens, les défis dans ce métier sont plus une question de compétence, que de sexe.
Toutes les femmes, peu importe leur secteur d’activité font face aux stéréotypes imposés par la société. On la croit incapable d’assumer telle ou telle autre responsabilité, ou d’accomplir telle tâche. Il est donc question d’aller au-delà de ces croyances erronées.
Comme tout jeune entrepreneur, l’accès aux informations, le réseautage et fondamentalement, dans notre pays, l’absence d’un cadre pour formaliser notre métier, restes des défis majeurs.
Les femmes ne sont pas assez représentées dans l’industrie musicale particulièrement en RDC. Quelle soit chanteuse ou opératrice culturelle. Comment l’expliquez-vous ?
Travailler dans l’industrie musicale en RDC, et même en Afrique centrale plus généralement, reste un grand challenge. C’est un peu comme « le vol en wingsuit » (un sport extrême qui vous permet de parcourir plusieurs kilomètres en planant comme un avion), il faut avoir le goût du risque pour pouvoir sauter dans le vide et voler comme un oiseau dans la réalité.
La faible représentativité des femmes dans l’industrie musicale en RDC, est un fait, que je ne peux pas nier et je pense que la raison principale, c’est la femme elle-même, c’est simplement une question de conviction, de conception ou d’ambition. Très peu ont le goût du risque…
Vous êtes à la tête d'une entreprise spécialisée dans la médiation culturelle. Que ce qui vous a motivé à la créer et quels sont les besoins auxquels votre entreprise répond.
En 2013, quand j’ai créé Power Services, c’était avant tout une agence spécialisée en communication 360°, avec un accent sur les stratégies de contenu. 4 ans après, j’ai été sélectionnée pour un programme de mentorat en critique d’arts visuels, qui va orienter mon regard sur les œuvres et les expositions que je visitais.
Au cours de ces visites, je répondais objectivement aux questionnements que me suscitaient les œuvres et je le faisais dans un cadre bien précis avec des bases pré requis. Ce qui n’était pas toujours le cas pour les visiteurs les moins avertis que je rencontrais, quoi qu’il y avait de fois des catalogues d’exposition et des guides.
Ensuite, je commençais à réfléchir, je pourrais proposer du contenu à déployer sur des supports numériques principalement, mais aussi des imprimés, pour pouvoir favoriser la compréhension des œuvres pour différents types de public.
Je réalisais ensuite qu’il n’était plus question d’une simple communication pour que le public comprenne une œuvre, il fallait bien aller au-delà. Il faut documenter les œuvres, et étudier tous les moyens possibles pour que le public rentre en contact avec et surtout les comprenne et se les approprie.
Pendant mes études de marché, je me suis rendu compte qu’on retrouvait les œuvres et la culture de manière générale, sous diverses formes partout dans notre quotidien, que ce soit dans des musées, lieux culturels, entreprises, bibliothèques, établissements scolaires, sites historiques, et même dans la rue.
Les offres ou les productions culturelles étaient donc naturellement ouvert à des publics variés, mais que le dialogue culture – public nécessitait d’une part des partages de connaissance et de savoir, d’autre part, de l’intérêt.
J’ai donc consacré mes missions à imaginer de concepts et de dispositifs innovants en fonction des ambitions de mes clients et surtout des attentes de leurs différents publics, afin de (re) construire leur image de marque et aussi d’enrichir, de diversifier, de valoriser, mais surtout de faire aimer leurs différentes offres, par une expérience unique et interactive.
En 2018, on vous a vu accompagner la chanteuse Licelv au MASA, Visa for Music et ACCES. Quel sont selon vous l’importance de participer à ce genre d’événements ?
Je considère mon artiste comme une marque (que je développe bien sûr), qui dispose de plusieurs produits dédiés à des publics variés. On sait tous qu’un produit a une valeur marchande ; et entant que tel, il faut le vendre sur un marché et dans notre cas, c’est le marché des musiques du monde.
Vu sous cet angle, son spectacle « METAMORPHOZO », un projet Folk Rock blues, concrétisant la notion d’universalité de la musique, est censé être à la portée des potentiels acheteurs, que nous retrouvons dans ces événements.
C’est très important pour nous d’y participer, car non seulement, c’est une des manières efficaces de proposer notre offre artistique à des professionnels bien ciblés : tourneur, programmateurs, directeur de festivals, médias, éditeurs, etc. , qui ont un fort pouvoir d’achat ; mais aussi de créer un réseautage qui nous ouvre différents horizons dans l’exportation de notre musique.
Dans une récente déclaration, le président de la République est revenu sur la place que doit occuper la culture au Congo-Kinshasa. Que vous inspire ce discours et que ce que le gouvernement devrait faire dans le concret pour soutenir le secteur culturel ?
Si le président est vraiment revenu sur la place que doit occuper le secteur culturel, cela rassure et c’est un bon pas pour renouer le contact entre le politique et le culturel.
Concrètement, pour soutenir le secteur culturel, je pense que le gouvernement doit jouer un rôle institutionnel, c’est-à-dire doter le ministère de la Culture et les autres structures parallèles, d’un cadre légal fort. En d’autres termes, mettre sur pied une stratégie de développement de la politique culturelle dans notre pays, qui doit se fonder sur le fait que la culture est un bien immatériel économique, qu’il faudra exploiter et rentabiliser.
Par conséquent, le gouvernement doit définir un plan d’actions « quinquennal » prioritaire au niveau central, et même au niveau provincial. Par exemple, la construction des infrastructures culturelles, les jumelages des villes et les partenariats internationaux, etc.
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